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dre avec avis de nous tenir fur nos gardes. Le 14. j'allai à bord du Dordrecht, afin d'y donner les ordres pour fon départ, pour Hollande avec une très-riche cargaison.. Là je reçûs nouvelles que le Prince Chrom s'aprochoit avec fon armée, qu'il y avoit déja de fes troupes à Suratte, & qu'on nous demandoit de fa part 10000. roupies.

Je retournai promptement à nôtre loge, d'où je partis la nuit, & allai vîte audevant du Prince avec un préfent. Je fus le premier arrivé de tous le habitans & des étrangers qui étoient à Suratte, & je le faluai le premier. Il me fit préfent d'un beau cheval, & m'ofrit de me faire grand Seigneur, fi je voulois me mettre à fon fervice. Je lui demandai un nouveau paffeport, qu'un de fes Secretaires m'envoia dès le lendemain. Puis je retournai à bord, & trouvai que le Dordrecht avoit déja fait voiles pour Hollande. Je donnai les ordres pour faire partir ceux qui étoient deftinez pour la Perfe.

Lorfque je fus de retour à Suratte, j'y trouvai le paffeport que le Secretaire du Roi m'avoit envoié. Il y avoit aufli un che.

val, dont Machobat Gaan, grand Capitaine, & Général de fes armées, me faifoit préfent. Le lendemain le Château de Su ratte fut remis entre les mains de ce Prince.

C'eft une chofe digne de remarque que ce qui arivà en ce tems-là. Le puiffant Roi ou grand Monarque des Indes, alors nommé Cha de Gaan, fils du feu Grand Mogol, reçût nouvelles que les Usbéeques, nation qui confine à la Tartarie & à la Chine, s'étoient mis en campagne avec une armée de 20. milles femmes à cheval, & de 30. mille hommes: que cette armée avoit pris par affaut la Ville de Caboul, fituée fur la frontiére, proche de Candabar, qui apartenoit au nouveau Roi Cha de Gaan: qu'elle y avoit exercé des cruautés inouïes, tué, maffacré : qu'aiant apris que le Roi crvoioit une puiffante armée pour venger cet outrage, les Usbéeques avoit pillé & rafé la Ville, & emmené toute la jeuneffe au-deffous de 14. ans, en esclavage, que les femmes é toient allées les premiéres à l'affaut qu'ellcs étoient aufli fermes à cheval & fous le harnois que les hommes: qu'elles étoient puiflantes de leurs perfonnes, vigoureuses, & avoient un regard prefque afreux. C'eft dequoi nous avons cû connoiffance, par le moien d'une jeune efclave de cette nation, qui a été entre nos mains.

Ces femmes foldats portoient avec eldes des vivres pour 15. jours, & en croupe dequoi nourrir auffi leurs chevaux, n'y a yant ni exercice militaire qu'elles ne fiffent,

ni fatigue qu'elles ne foutinffent, ni exploit guerrier qu'elles n'éxécutaffent, ni action violente & cruelle qu'elles ne commiffent tout de même que les hommes. On peut justement les comparer aux Amazones, de qui l'on a écrit les mêmes chofes. Mais ce qu'il y a d'extraordinaire, eft qu'elles tiennent leurs maris auffi foumis, & les font auffi- bien travailler, que les Indiens font travailler leurs fem

mes.

Le même jour un Ambaffadeur de Perfe vint me prier de permettre qu'il s'embarquât fur un de nos navires, pour repaffer en Perfe. Le 9. de Mai 1627. un de nos vaiffeaux, qui venoit de Chihiri m'aporta un préfent & une lettre du Roi des Arabes, qui me prioit de retourner trafiquer dans fes Etats.

'Le 8. d'Octobre 1627. Jean van Haffel vint avec toute fa famille, femme & enfans, me relever & prendre ma place. T'allai le lendemain à bord, pour faire honneur au Commis Jean Smit, qui étoit envoié en Ambaflade à la Cour de Perfe, & l'amener à terre avec cérémonie.

Le 22. un Aide de Canonnier Anglois aiant été tué par un de nos Matelots, j'en fis faire une information. Les Anglois s'étoient faifis du coupable, & vouloient

vite

vite le faire éxécuter. Je leur fis dire que s'il fe trouvoit chargé, on rendroit auffi bonne juftice contre lui fous le pavillon de notre Prince, qu'ils pourroient faire fous le pavillon de leur Roi, & ils me renvoiérent le prévenu. Après avoir pris connoiffance de l'afaire, je voulus que juftice en fût faite. Mais comme je prévoiois que les Anglois ne voudroient pas foufrir que nous le fiffions éxécuter, je le condamnai à être jetté tout vifà la mer. Comme ils virent que l'éxécution s'alloit faire, & que fa Sentence lui avoit été prononcée, ils vinrent tous à nôtre bord interceder pour lui, & on lui pardonna.

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Le s.de Décembre 16 28. Moffabeeque Ambaffadeur de Perfe, qui revenoit de Hollande, vint par terre de Mafulipatan à Suratte, où je le pris à mon bord pour

le remener en Perfe.

Le 23. je pris congé de tous mes amis, me rendis à bord, & je fis voiles en qualité d'Amiral de 6. vaiffeaux, & en compagnie de 6. Anglois, avec qui j'avois fait une charte-partie, pour nous battre contre les Portugais, dont la flote étoitde 9. galions, fi nous venions à la rencontrer. Quand nous fumes par le travers de Cabo Jafques, nous eûmes avis que les galions y avoient paru 5. jours auparavant, avec Tome VIL

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23. frégates. Nous envoiâmes une ber ge Angloife & nôtre yacht au rivage, pour aprendre en quel état étoient les afaires de Gomeron; ils raportérent qu'il n'y avoit point de, vaiffeaux à la rade,

Le 5. de Février 1629. nous allâmes jetter l'ancre jà cette rade, & donnâmes l'épouvante par-tout ; parce que les ha bitans n'avoient pas reconnu vos pavillons. Le 7. j'allai à terre, & faluai le Duc qui me régala. Je partis avec 3, vaiffeaux, pour aller à Ormus prendre du fel & de la terre rouge, & faire du bois, Je faluai le Fort de trois coups de canon, & il me répondit d'autant. Le Gouver neur m'envoia complimenter à mon bord, & je defcendis à terre, & m'en allai au - Fort le faluër. Quand j'y entrai, on me fit une falve de 9. coups de gros canon. J'y fus bien regalé, & le Gouverneur me fit préfent d'un beau cheval.

Le lendemain il me fit l'honneur de venir me vifiter à mon bord, ce qui furprit tout le monde. Dès que j'eus expe dié mes afaires, je m'en retournai à Gomeron, pour difpofer toutes choses, afin de remettre à la voile..

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L'Ile d'Ormus gît à 3. lieuës du continent de Perfe. Elle ne produit que du fel,la montagne qui y eft n'étant que de fel. On trouve en de certains endroits du ri

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