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bles. En prenant congé le Samorin tire l'Amiral à part, & lui dît d'un air fincére & ouvert, ce qu'il avoit à faire, & quelle conduite il devoit tenir dans les Indes Orientales, l'avertiffant furtout de Je tenir fur fes gardes contre toutes tromperies de ne fe hazarder que rarement à defcendre à terre, & de ne fe confier nullement à ceux qui lui feroient bon viJage.

Le 16. l'Amiral envoia de Molre & van Driel porter le Traité figné de lui & fcellé, avec quelques préfens encore. L'Empereur de fon côté envoia 2 3. fangliers à bord, & fit délivrer le double du Traité figné de lui, écrit fur une feuille de cocos, avec une inftruction pour reconnoître son seing, & être affuré qu'il n'étoit pas contrefait.

Calicut eft une Ville grande & forte, quoique point murée. Sa force confifte tant dans le nombre des Nairos & des Lafcarins, qui eft de plus de 30. mille, qu'en ce que les chemins pour y aborder font difficiles & dangereux à paffer pour ceux qui voudroient aller ataquer cette place. C'eft ce qui a fait que les Portugais n'ont pu s'en rendre maîtres. D'ail leurs les rues font tant de tours & de détours, qu'il eft fort difficile de es reconnoître & de s'y poster.

La plupart des maifons font bâties de groffes pierres, dans des endroits élevez, & font fi fortes qu'on les prendroit chacune pour une petite Fortereffe. Elles ont prefque toutes des jardins remplis d'arbres fruitiers..

Les Nairos & les Lafcarins font armez d'un bouclier, & d'un fabre fort tranchant & large vers la pointe, ou d'une longue lance, ou d'un arc de fix à fept piés de long, avec un carquois rempli de fléches. Quelques-uns ont des fufils, dont le canon eft de fonte, & des moufquets plus proprement faits que les nôtres; mais les croffes en font plus courtes, & pour tirer on ne les peut apuier contre le fein.

Ils ont, à la maniére des Portugais, un baudrier autour du corps, où il y a 40. -petites cartouches penduës, au lieu de charges; de forte qu'ils peuvent tirer 40. coups fans chercher de nouvelle poudre. Ils font fort bien exercez à manier toutes ces armes, & d'autant plus difpos que leurs habits ne les embaraffent point, n'aiant qu'un morceau de toile, qui fait quelques tours de la ceinture en bas. L'ordre & la difcipline leur manquent plus que le courage, car le feu du canon & des moufquets ne les effraie nullement; mais ils n'ont pas la moindre habileté pour ranger une armée en bataille.

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Les habitans de Calicut ne mangent que des fruits, comme des bananes, des ana nas, des patates, des noix de cocos, des oignons, de l'ail, & diverfes autres. chofes femblables, qu'ils aprêtent & font cuire en différentes maniéres avec du ris, du froment, de la farine. Ils ne boivent que de l'eau ; ils font fobres pour la bouche, & fuportent bien le chaud & le froid.

Ils font idolâtres. Leurs Prêtres s'apellent Brames, ou Bramines, & portent trois fils gris, qui leur defcendent depuis les épaules jufques aux genoux. Ils remplif fent les plus confidérables charges de l'Etat, & font le fervice de leurs Idoles dans les Pagodes. Ils fe baignent & fe lavent quelquefois dans certains étangs, & ce jour-là ils ne touchent à perfonne, & perfonne ne leur doit toucher,

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Les hommes portent les cheveux longss de même que les femmes; mais ils les ont noüez fur le haut de la tête : les femmes fe des laiffent pendre fur les épaules, & ils font noirs comme du jaïet. Ils s'oignent d'une huile odoriférente, & vont nuds, hormis depuis la ceinture jufqu'aux genoux, quelques-uns n'aiant qu'un mouchoir de toile de coton qui leur couvre les parties naturelles.

Ils n'ont point de communication avec

les

ks Chrétiens, ni avec les Maures, ne converfant qu'avec ceux qui font de même Croiance qu'eux. Néanmoins comme il demeure des gens de diverses nations dans la Ville, on y trouve aifément toutes les chofes dont on a befoin. Les Nairos couchent avec les femmes de leur croiance quand il leur plaît, & avec celles qu'il leur plaît ; & alors ils laiffent leurs armes fur le feuil de la porte de la chambre où ils font, ce qui fert de défenfe à qui que ce foit d'y entrer. Les fils de l'Empereur & des autres Rois ne font pas leurs héritiers, ce font les fils de leurs Sœurs ou à leur défaut, ceux des femmes qui font leurs plus proches parens. Le Roi épouse une femme, & a plufieurs concubines.

Les marchandifes que les Hollandois aportent de leur païs, pour les debiter à Calicut, & fur toute la côte de Malabar, font des ouvrages d'étaim & d'argent du coral rond & en branches, de l'ivoire, du craion, du pastel, des draps écarlates, des draps fins cramoifis, des draps groffiers, des nattes, du fafran. Pour ces marchandifes on a du poivre, de l'indrigo, de trés-fines toiles de coton, qui y font à bon maché, des rubis, des faphirs, des fpinelles, des grenates, des topafes, des Oillos de Gatto, & du cristal de roche.

Tome VII

D

Le 16. du même mois d'Octobre 1608. l'Amiral fit tirer le coup de partance, & le 17. il moüilla l'ancre à la rade de Cochin, où il trouva le Vice-amiral & les trois vaiffeaux qu'il commandoit. Le Confeil s'étant alors affemblé, on prit réfolution d'envoier à Bantam la chaloupe du Zélande avec de Sous-commis Paul Overbeeke, porter aux Commis qui étoient dans cette Ville une copie du Trai té fait avec le Samorin; des copies des lettres qu'on avoit laiffées à Calicut, & des lettres pour envoier de Bantam en Hollande, à Meffieurs les Directeurs, par les premiers vaiffeaux qui partiroient pour y retourner.

On avoit auffi deffein d'aprendre au retour de la chaloupe, l'état où étoient les affaires des Indes Orientales, & d'obliger les Commis de Bantam à faire préparer deux vaiffeaux & un Commis, pour aller à Calicut, au defir du Traité. Pour faire fon raport, elle devoit revenir chercher l'Amiral devant Johor, ou devant de Malacca. Enfuite, comme on n'avoit rien à faire à Cochin, la flote continua fa route, courant la bande du Sud-eft, le long de terres, jufques à Malacca.

Le 22. nous eûmes la vue de Ceilon, & de Pointe de Galles. On réfolut alors de détacher le yacht le Griffon pour aller à

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