Achin, prendre promtement connoiffance de l'état des affaires des Indes, & charger les toiles qui fe trouveroient entre les mains des Commis', & qui feroient propres pour porter dans les païs du Sud. Nicolas Puyes eût ordre d'y aller pour cet effet, & de revenir joindre la flote devant Johor, ou devant Malacca.

La nuit entre le dernier d'Octobre & le 1. de Novembre 1608. la flote, aprés avoir eu beaucoup de gros tems, fut difperfée, & le lendemain matin les vaiffeaux les Provines-Unies, Zélande, & Hoorn, qui étoient demeurez enfemble, fe ouvérent féparez des autres. Les Officiers de ces trois navires convinrent entre eux de faire fanal tour-à-tour, & de prendre la route de Sumatra, pour y chercher les autres vaisseaux, & les rejoindre.

Le 19. du même mois de Novembre, fur les trois heures après-midi, ils décou vrirent fix voiles, & bien-tôt aprés ils reconnurent que c'étoit leur flote.

Pendant qu'ils en avoient été féparez les fept vaiffeaux dont elle fe trouvoit alors compofée, avoient ancré le 5. de Novembre, le long de la côte de Sumatra, fur 18. braffes d'eau. Le 6. il fut réfolu que Gilles le Fieff, Commis du Lion Rouge, s'embar queroit dans fa chaloupe, pour aller à Achin, s'informer de l'état des affaires des Indes. D 4

Il en revint le 7. & fit raport que le yacht le Griffon en étoit parti deux jours auparavant qu'il amenoit deux Envoiez du Roi,& Albert Willemfz premier Commis du comptoir, avec un prefent de certains fruits des Indes pour l'Amiral, lequel il venoit prier de rendre vifite au Roi d'Achin avec telle fuite & telles compagnies de Gardes qu'il jugeroit à propos, afin de renouveller les alliances. Mais comme on étoit loin d'Achin, & qu'on fe préparoit à faire voiles pour aller à Malacca, l'Amiral s'en excufa pour cette fois.

Le 8. le Confeil s'étant affemblé, il fut réfolu que pour contenter le Roi, on lui envoieroit Hertfing, le Fieff, Pierre Segertfz, & fix Sous-commis, Afliftans & Trompettes, pour le faluër de la part dè l'Amiral, & lui prefenter certaines lettres, avec un prefent d'une piéce de drap écarlate, deux paquets de coral rouge, quelques fufils.

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Le matin du 9. les trois vaiffeaux deftinez pour Achin s'étant détachez, ceux qui les montoient arrivérent dès le foir dans la loge de cette Ville, où le Sabandar, ou Sambador, les vifita, & enfuite il alla donner avis au Roi de leur venue.

Le 10. le Roi envoia des éléphans, & quelques-uns de fes Seigneurs pour ame

ner les Envoiez Hollandois à la Cour. Ils montérent fur les éléfans, & lorfqu'ils furent arrivez proche. du lieu où le Roi donne audience, ils mirent pié à terre, ôtérent leurs fouliers & leurs bas, entrérent dans la falle, faluérent ce Prince à la mo→ de de leur païs, en lui faifant de profondes revérences, & lui offrirent leurs prefens.

Enfuite on étendit des tapis fur le piancher, où le Roi s'étant affis avec les Envoiez, il les entretint, & leur demanda des nouvelles de l'état des Provinces-Unies, & d'où venoit que l'Amiral n'étoit pas venu le visiter, lui qui étoit un des meilleurs amis & alliez des Hollandois.

Les Envoiez lui répondirent que fes affaires l'apelloient néceffairement ailleurs, que fa flote étoit déja fous voiles pour aller à Malacca infulter les Portugais leurs ennemis communs, ainfi qu'il étoit porté dans les lettres qu'ils lui prefentérent. Ces lettres, & les excufes qu'elles contenoient, furent fort bien reçûës, & le Roi fit donner à chacun des Envoicz une belle robe de chambre, avec quelques autres petits prefens.

Ce Prince étoit paré de quantité de diamans & d'autres pierreries, & fervi par des femmes, & par quelques Eunuques, qu'on avoit coupez tout ras. Il y avoit devant la ly falle de l'audience 1300. foldats fous les

armes, & quantité de Nobleffe affife fur des nattes, les jambes croifées fous leur corps. On fit auffi venir 58. éléphans qu'on fit combattre les uns contre les autres, pour régaler les Envoiez de ce fpetacle, & des coqs pour faire la même chofe ; à quoi tout le monde prit beaucoup de plaifir.

Après cela on prefenta la collation qui fut fuperbe à la maniére du Païs. Quand on eût mangé, les Envoiez aiant pris congé du Roi, remontérent fur les éléphans, & s'en retournérent à leur loge, où ils pafférent la nuit, & ils fe rembarquérent le lendemain.

La Ville d'Achin eft agréable. Elle eft arrofée d'une belle riviére, mais fi peu profonde, qu'à peine une chaloupe chargée y peut naviger. On voit au milieu de la Ville une Fortereffe bien munie de canons de fonte, & aux deux côtez, pardehors, de grands bois, où il y a des finges, des guenons, des hérons, & diver. fes efpéces d'oifeaux. La Ville eft grande, fituée dans une plaine unie, & n'est point `murée. Les maifons font élevées fur des pieux, & couvertes de feüilles de cocos.

Les habitans ont le vifage plat & jaunâtre. Ils portent une chemife de foie, ou de toile de coton. Les enfans vont tout nuds, hormis que les filles ont une petite

plaque d'argent fur leurs parties naturelles.. Le Roi loge dans la Fortereffe, qui cft bien fituée & bien forte pour une Place. des Indes, étant entourée de murailles & de paliffades, & munie de canon tout autour. Ce Prince entretient quantité d'éléphans, & s'en fert à fe rendre redoutable à fes Sujets, faifant expofer à ces bêtes ceux qui entreprennent de faire des chofes qui lui déplaifent. Ce qu'il y a de furprenant eft que les éléphans entendent quelle eft la volonté du Roi, & que dansle mal qu'ils font aux coupables, ils ne vont pas plus loin qu'il leur eft ordonné.

Il y a encore d'autres fuplices. On coupe aux prévenus les mains, ou les piés ou bien une main & un pié, ou les parties naturelles, & on les envoie dans l'Ile Puloai, ou Pulo Wai, qui n'eft prefque peuplée que de pareilles gens. On en voit auffi à Achem, qui mandient leur pain. ›

Le païs eft fertile, & bien pourvû d'oranges, de limons, de citrons, de grenades, de bananes, & d'autres fruits. Il y a des bœufs, des vaches, des buffles, & quelques brebis qui apartiennent au Roi feul, perfonne, foit riche ou pauvre, n'ofant en nourrir. Les Guerres qui y ont été depuis quelques années y ont rendu les vivres chers; mais le prix.commence à en diminuër.