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LETTRE XXXIII.

A Monfeigneur le Cardinal Bentivoglio.
Eloge de fon Hiftoire.

MONSEIGNEUR,

Vôtre Eminence me jugera peut-être importun, lui écrivant fi fouvent, mais je ne me puis empêcher de lui rendre ce devoir, achevant la lecture de fon incomparable Hiftoire, qui n'a rien de mauvais & de fâcheux que de n'être pas plus longue. J'ai mille fois fouhaitté, que la Trêve ne fe fût pas fi-tôt concluë, puifqu'en finifsant la guerre, elle devoit finir nôtre contentement & arrêter le vol glorieux de vôtre plume, digne d'écrire non feulement les triomphes d'une nation, mais ceux des plus grands Conquerans, qui ont jamais été dans tous les fiecles. Je vous conjure par l'honneur de l'Italie, par celui des belles par celui de vôtre Nom de ne demeurer pas oifif, & fi vous ne voulezpas entreprendre quelque grande carriere; d'en choifir une qui foit courte : Je vous réponds, qu'elle fera glorieufe, & un monument éternel de vôtre efprit. J'avois autrefois au la penfées d'écrire quelques vies parti

Lettres,

culieres des plus grands Evêques de l'an cienne Eglife, pour mon inftruction particuliere, & pour effayer fi nôtre langue eft capable du ftile hiftorique; mais je vous avoue que vôtre Livre m'a fait tomber la

plume des mains, & qu'y apperçevant fidée parfaite de ce genre d'écrire, j'ai re connu que ni mom travail, ni ma capacité, ni mon genie,ne me permettoient pas d'efperer de vous pouvoir fuivre des yeux feulement. Je fuis bien-aife toutefois qu'un fi noble modele me faffe perdre courage, & je vous ai une extrême obligation de m'avoir dérrompé de la bonne opinion que peut-être j'avois de moi-même. J'en ai une fi haute de vôtre generofité, que j'ofe vous demander vôtre protection & vôtre faveur pour le Religieux qui vous rendra catre Lertre, & que je me perfuade que vous me croïez toûjours.

A Graffe le 8. Août 1639.

LETTRE XXXIV.

Au même, fur le même sujet.

MON

ONSEIGNEUR,

Je viens de recevoir l'illuftre prefent qu'il plaît à vôtre Eminence de me faire

qui m'a rempli d'une joïe que je ne puis exprimer, me donnant une preuve fi chere & fi glorieufe de vôtre eftime & de vôtre affection. La Lettre qui l'accompagne étoit toute feule capable de me ravir, & vous voïant répandre à pleines mains, comme vous faites, les perles & les diamans, il faut bien reconnoître que vous êtes le Souverain de la terre qui les portez, & que l'éloquence n'a point de trésors qui ne foit en vôtre Puiffance. Vôtre Hiftoire n'a pas befoin d'Apologie, & les plus beaux efprits feront toujours plus en peine de la loüer dignement que de la deffendre. Rome

la payenne n'a rien à reprocher en ce genre à Rome la Sainte. Il n'y a point de patavinité dont les plus délicats vous puiffent accufer, comme on faifoit Tite-live. Enfin il femble que le genie de l'Hiftoire a lui-même travaillé à la vôtre, & mon

feul regret, eft que vous ne foïez pas né François pour écrire avec un ftile tout Roïal les affaires de la premiere Monarchie du monde ; & encore cette vafte car

riere auroit-elle été trop étroite pour un efprit auffi vafte que le vôtre, dans lequel je trouve des qualitez que jufques ici j'avois eftimées contraires. L'impatience que jay de vous entretenir en Flandres m'empêche de vous entretenir à Rome. Vous me permettrez donc de vous laiffer pour

vous réprendre, & de finir mes tres-humbles remerciemens par une tres-fincere proteftation de demeurer toute ma vic.

A Graffe.

LETTRE XXX V

A Madame de Remboüillet Abbeffe d'Yeres. Avis falutaires fur les devoirs d'une Abbisse.

MADAME,

Je prie nôtre Seigneur & fa fainte Mere. de vous donner leur benediction.

,

& que

dans

les

J'ai appris, il y a quelque tems, par Lettres de Mademoiselle Paulet que vos. Bulles étoient venuës peu de tems vous deviez partir pour aller en vôtre Abbaïc. C'eft un grand voïage, encore qu'il. n'y ait que cinq lieues à faire, & vous devez vous fournir de beaucoup de chofes. Je pense que la premiere eft une grande défiance de vos forces, pour une charge auffi pefante que celle qu'il a plû à nôtre Seigneur de vous commettre : il ya de certaines fonctions morales & politiques dans lefquelles on fe peut promettre de réüffir,quand on poffede de certaines qualitez ou naturelles ou acquifes,comme font le bon jugement, la fcience, l'éloquence, la douceur,

& la dexterité de l'efprit. Mais lorsqu'il eft queftion de conduire les ames, de les retirer du peché, ou de les entretenir dans la grace, de leur faire connoître leurs obligations, & de les porter à y fatisfaire, on" a beau être éloquent, a iroit, fage, fçavant, patient, généreux, toutes ces qualitez fans l'onction interieure de l'efprit de Dieu demeurent inutiles. C'eft elle qui parlera au cœur tandis que vous parlerez aux oreilles, qui l'éclairera, qui l'échauffera, qui le troublera, & qui enfin le contraindra de fe rendre. C'est elle qui fera valoir vos exemples, qui adoucira vos cenfures, & qui ne laiffera pas même vôtre filence inutile. Or pour la mériter, le, meilleur moïen eft de vous en eftimer tres-indigne, de la demander avec beaucoup d'humilité, & de reconnoître fouvent devant nôtre Seigneur le befoin que vous en avez.

Cette défiance de vous-même étant feule elle vous rempliroit d'inquiétude, & vous ôteroit le courage, c'eft pourquoi il faut qu'elle foit fuivie d'une ferme affurance em la protection de celui, au nom duquel vous gouvernez vos Filles. En lui vous: pouvez tout il n'y a défordre que par lui vous ne reformiez aifément, conftitutions fi rudes que vous n'établiffiez, courage fi rebelle qui ne s'adou iffe.

:

Et s'il vous femble quelquefois que vous

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