Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]
[ocr errors]

dant illuftre par leur merite, le deshonoreront par fon ingratitude, au jugement d'une équitable pofterité. Mais depuis qu'il y a des hommes il y a des tirans des fols, des aveugles, des ingrats, & des injuftes; & il ne faut pas penfer que les honnêtes gens du monde, qui eft fur fon déclin, foient de meilleure condition que ceux du monde en la vigueur de fa jeuneffe. Ils ont en eux-mêmes ce que le monde ne leur peut donner ni ravir, & ils peuvent dire avec plus de raifon que Medée dans Senéque :

Fortuna femper omnis intra me ftetit.

Je ne vous fouhaitte ni plus de bien ni plus d'honneur, mais je voudrois bien que vôtre ame fût micux logée, & que la nature cût pris la peine de lui bâtir une auffi douce & commode demeure, que Monfieur vôtre pere a fait bâtiflant Balzac. La migraine ne dévroit être que pour les têtes qui produifent les galimatias, & qui font comme des zones inhabitables pour les bons raifonnemens. Le rhûme ne dévroit remplir que les cerveaux creux; la fièvre ne dévroit allumer que ce fang qui eft de glace, & où on ne peut pas dire comme les Hebreux, que l'ame ait fon fiége. Enfin, il faudroit qu'une grande Reine habitât dans un palais qui fût commode, s'il n'étoit

beau & magnifique. Il eft fâcheux qu'elle ne puiffe ni en fortir ni y demeurer, qu'à toute heure il fe faffe une bréche à sa prifon, fans qu'elle foit une porte pour fa liberté, & que fa chaîne étant pefante, elle foit encore honteufe. Mais comme nous ne nous fommes pas faits nous-mêmes, il faut nous fouffrir tels que nous nous trouvons, & n'empirer pas nôtre condition par nos murmures. Le Chriftianisme s'éleve plus haut; car il veut que nous nous glorifions en nos infirmitez, & c'eft où la Grace fait éclater fa puiffance. Le corps eft un esclave qui s'érige en tiran, auffi-tôt qu'on le laiffe faire le maître : il n'emploïe fa force qu'à pouffer fa rebellion le plus loin qu'il peut; & il fait des armes de tout ce qui eft en lui, auffi bien que de tout ce qu'il trouve à fa rencontre. Il eft bon qu'une tête, qui eft un ciel par la fublimité de fes raifonnemens devienne quelquefois une terre pefante par le catharre, & que la douleur tempere la volupté que produifent les excellens ouvrages de l'efprit, afin que l'homme reconnoiffe qu'il n'en eft ni le pere ni le maître; qu'il luit par une lumiere empruntée, & que fon partage naturel eft la foibleffe & la pauvreté. Mais je ne m'apperçois pas, qu'aïant commencé une Lettre, je fais un Sermon; c'est mon mêtier à la verité, mais vous n'en avez pas

[ocr errors]

befoin, & je me dois contenter de vous dire que je n'ai jamais plus ardemment fouhaitte de fçavoir écrire comme vous, que pour vous remercier de ce que vous avez écrit pour moi, & pour tant d'excellentes perfonnes, avec qui vous me donnez une fi glorieufe place dans vôtre Livre. Je ne leur difpute point le mérite, mais je ne leur puis ceder en l'eftime de vôtre vertu, & en la paffion avec laquelle je ferai toute ma vie, &c.

LETTRE V.

A Madame de la Villauclers, fur la naiffance de Mr. Son fils.

MADAME,

Je prie N. Seigneur & fa fainte Mere, de vous donner leurs plus cheres benedictions. Je me réjouis d'apprendre que vous êtes mere, & que vous l'êtes d'un fils; mais je me réjouis bien davantage, de ce que vous voulez en être mere felon la grace, plutôt que felon la nature, & de ce que l'offrant à Jefus-Chrift, vous lui offrez une partie de vous-même. Dans l'ancienne Loi les peres ne cherchoient dans leurs mariages que le Meffie, & tous defiroient d'avoir

,

part en fa génération, & de lui être liez felon la chair: C'eft pourquoi le frere époufoit fa belle fœur, & la térilité étoit une peine. Mais puifque le Meffie eft venu, les Chrétiens le doivent regarder dans leurs mariages en une autre maniere, non pour lui appartenir comme fes peres, & pour avoir l'honneur de le compter entre leurs defcendans; mais pour lui donner des ferviteurs, & pour avoir moïen de lui faire des facrifices. Et certes nous devons nous fouvenir que par la foi nous fommes enfans d'Abraham, qui voulut immoler fon fils avec tant de courage & de promptitude, & qui connoiffant la fainteté de Dieu; connoiffoit bien qu'il n'y a rien fur la terre, ni dans nous-mêmes, ni dans ce qui nous appartient de plus près, qui mérite de fúbfifter devant cet Eftre ineffable, & qui ne fût heureusement détruit, fi par fa deftruction il le pouvoit honorer. La mere de Néron difoit, qu'il me tuë, pourvû qu'il régne mais une mere chrétienne doit dire de Dieu, qu'il le tuë, qu'il m'ôte la vie en même tems, ou qu'il me la laiffe, pourvû qu'il régne, pourvû que fes faintes volontez s'éxécutent. L'amour de la Vierge pour Jefus, étoit fans doute le plus pur le plus grand de tous les amours. Cependant comme Jefus au premier moment de fa vie nouvelle, s'offre à fon pere : ainfi

ces

Marie auffi-tôt qu'elle eft mere, fait auffitôt l'office de prêtreffe, & offre à Dieu ce cher Fils qu'il lui a donné, & s'en defaproprie entre fes mains; non pour l'établir fur le trône de David qu'il lui a promis, mais pour l'immoler fur la Croix. Voila, Madame, les oblations que vous pouvez imiter par la vôtre; voila le moïen d'être veritablement devote. Car encore que la devotion, qui eft reglée par la charité divine, n'ôte pas aux peres la charité naturelle, ni le foin de leur famille, & même qu'elle leur permette de faire quelque chofe l'élever ; pour toutefois il est certain que la pieté fincere ne fouffre point ces paffions furieufes pour fa maison interêts fi ardens, fi déraisonnables pour la foûtenir ou pour y mettre de nouveaux honneurs ; cette inquiétude continuelle qu'elle ne manque, ou par faute d'heritiers, ou par la pauvreté, ou par une violence étrangere; & il faut bien prendre garde de qui on prend avis fur ce point: car il arrive ordinairement que les confultans & les confeillers font interreffez, & qu'ils ne fongent pas affez à cette abnégation que nous avons vouée au Baptême & enfuite de laquelle Jefus-Chrift nous a reçus pour les membres. Si cette verité étoit bien gravée dans le cœur de la pluspart des perfonnes du monde, elles joui

,

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »