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grilles fi vous n'y prenez garde, & peutetre fera-ce par de bonnes perfonnes qui ne regardent pas de fi prés à la perfection de vôtre de vie. Le remede que vous genre y pourriez aporter, eft d'ordonner à vos Filles de n'aller jamais au Parloir, qu'aprés avoir adoré le faint Sacrement, & fait un Acte d'adoration de Jefus-Chrift converfant fur la terre ; & au fortir, d'en faire un autre de contrition pour les pechez commis dans l'entretien. Il feroit bon auffi de vous trouver quand vôtre fanté le permettra au commencement de la converfation & de témoigner que vous ne prenez aucun plaifir aux difcours vains & inutiles.

Quelques perfonnes vous diront que je fuis trop fevére, & que j'y aporte trop de façons mais vous fçavez bien que pour être Religieufe véritablement, il ne fuffic pas de n'être point débauchée & fcandaleufe, ni même d'être devote commé les autres femmes. La qualité d'Epoufes de Jefus Chrift demande de celles qui la portent, une fidélité trés-exacte en toutes chofes; & la meilleure maxime que vous puiffez tenir, eft que tout importe en Religion. Laiffez parler beaucoup de gens qui vous iront voir, & qui jugeront de ce que vous devez faire felon leur efprit. Il n'eft pas jufte qu'elles vous croïent en matiere de modes, & de galanterie : auffi n'eft-il pas

F

raisonnable que vous fuiviez leurs avis en la conduite de vos Filles. C'eft une fcience qui ne s'apprend pas dans les compagnies, & qui a d'autres regles que la morale,le fens commun, ou la politique. Aimez beaucoup Jefus-Chrift qui en eft le Maître, & vous y deviendrez fçavante en peu de tems. Je le prie de tout mon cœur de favorifer vos travaux de fes benedictions. Je me fuis laiffé infenfiblement aller à vous écrire beaucoup de chofes que vous fçavez fans doute. Excufez le defir que j'ai de contribuer quelque chofe à l'œuvre qui vous. eft commife, & croïez qu'en toutes cafions vous pouvez ufer de moi avec franchife. Il y a des montagnes & des rivieres qui nous feparent; mais ceux qui s'aiment en Jefus-Chrift font toujours proches; au faint Autel je lui demande fouvent les graces qui vous font neceffaires, & j'efpere de fa bonté que la fainteté du Miniftere couvrira les défauts du Miniftre qui pourroient rendre fes prieres moins efficaces: fouvenez-vous de moi dans les vôtres, car je manque de tout, & je ne merite rien l'enfer.

que

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A Notre Dame de Graffe le 22. Septembre 1638.

LETTRE XXXVI.

A Monfieur Chappelain. Difpofitions de Monfieur Godeau dans l'acceptation de Evêché de Graffe, fes fentimens pour le retenir.

MONSI

ONSIEUR,

J'ai lû avec étonnement dans la Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire qu'il court à Paris un bruit, que je traitte avec un Confeiller du Parlement pour changer mon Evêché contre des Benefices fimples. Vous avez eu raifon de foûtenir que ce commerce étoit bien éloigné de ma pensée; en effet un semblable deffein n'y eft jamais tombé ; & fi ce n'eft quelque malicieux quifait courir cette nouvelle, c'eft affurement par quelque équivoque qu'elle s'eft debitée. Vous fçavez auffi-bien que perfonne,que lors qu'il plût à fon Eminence de me propofer au Roi pour l'Evêché de Graffe, j'avois l'efprit bien éloigné de cette prétention. Je me connoiffois affez pour ne pas m'eftimer capable d'une dignité,dont à peine un Seraphin feroit digne; il n'y avoit que huit jours que j'étois Prêtre, & je ne fongeois qu'à fervir Dieu,en repos dans cer te fonction, à laquelle je croïois qu'il m'cûc

appellé par beaucoup de circonftances extraordinaires qui ont accompagné ma vocation, dont il n'eft pas neceffaire de parler main tenant. J'avois fait quelque étude des obli gations d'un Evêque, & dans la frequente méditation du prix des ames pour lefquelles le Fils de Dieu eft mort, javois ce me femble, réconnu que le compte qu'il en falloit rendre, étoit extrêmement dange& qu'il n'y avoit rien de plus déplorable, que , que de voir une alliance monftrueufe d'une mediocre vertu avec la plus fainte dignité qui foit fur la terre. Je confiderois encore que fon Eminence aïant jufques là fait choix de perfonnes remarquables par leur doctrine & par leur pieté, c'eût été offenfer mortellement fa prudence, & fon zele de croire qu'il eût voulu jetter les yeux fur moi, qui ne pouvois gueres bien justifier fon choix par mes bonnes qualitez. Outre cela m'étant depuis trois ans rendu Hermite au milieu de Paris, je me perfuadois être un de ceux qu'on ne compte plus entre les vivans. Cette obfcurité m'étoit bien douce, & je me promettois dans ma retraite de goûter des délices innocens, que je n'avois jamais pû trouver dans le monde; le partage que je faifois de mon tems éroit entre l'Autel & mes Livres. Nôtre Seigneur aïant déja beni mon travail, il me fembloit qu'il vouloit que je conti

nuaffe à le fervir par ma plume; & pour cela il m'étoit abfolument neceffaire de mener une vie tranquille, & fans autres foins que ceux où la charité m'obligeoit neceffairement. Mais celui entre les mains duquel les hommes font comme l'argile entre les mains du Potier, à voulu faire de moi un Vaiffeau d'honneur en fon Eglife, & m'y mettre en un rang infiniment audeffus de mes mérites. Je ne vous veux point dire beaucoup de particularitez qui fe pafferent durant les fix femaines qui précederent mon Brevet: mais feulement je me fouviens qu'un grand ferviteur de Dieu, par la direction duquel je me conduifois, me dit que confiderant le petit revenu de l'Evêché, l'éloignement de mes parens, & de mes amis, la rudeffe de ceux aveo lefquels j'avois à vivre, la privation en un mot de tout ce que la nature fouhaite, il croïoit que j'étois obligé d'accepter une dignité qui m'étoit vendue fi cherement ; & que s'il y avoit de l'ambition de mon côté, j'aurois loifir d'en faire pénitence. Je reçûs ces paroles comme un arrêt, & refolus de baiffer le cou fous une Charge dans laquelle j'ai trouvé plus d'épines que de fleurs d'oranges, bien que je fois au païs d'où on vous les porte: Je fçai ce que beaucoup de gens ont dit en cette rencontre ; mais le témoignage de ma confcience me

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