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bonté infinie, & d'une fagefle incomprehen. fible, & que ma propre conduite au contraire feroit aveugle, & pleine d'erreur. Je me confole encore dans la ferme creance que j'ai, que ceux qui m'aiment font bien aises de me voir au lieu où je dois être, & que les rivieres & les montagnes qui nous feparent de corps, ne nous diviferont point de cœur. Les nouvelles frequentes que j'en reçois me les rendent prefents en quelque façon; & je ne fuis pas fi fort attaché à mon Diocéfe, que quelque jour je ne doive efperer de les revoir. Vous êtes un des plus fermes, & vous croïez bien auffi qu'à vôtre exemple je fuis avec une fermeté inviolable vôtre ferviteur.

A Graffe le 12. Septembre 1639.

LETTRE XXXVI I.

A Monfeigneur le Cardinal Duc de Richelieu. Refus de l'Evêche que le Cardinal lui offroit.

M

ONS

ONSEIGNEUR,

J'ai apris deux chofes en même tenis de la bouche de Monfieur de Chavigni, que vous avez refolu de donner de bons Eveques à l'Eglife, & que vous jettez les yeux

fur moi pour un Evêché qui vaque en Provence. La premiere refolution eft digne de celui qui a terraffé l'herefie, & relevé les Autels abbatus en tant de Provinces ; mais la connoiffance que j'ai de moi même me fait douter fi la feconde eft de même nature, & fi vôtre bonté & quelques raports avantageux n'ont point aidé à vous la faire prendre. Je fuis donc obligé pour vos interêts, pour ceux de l'Eglife & pour les miens, de vous dire comme à l'oracle par lequel je crois que Dieu me parle en cette rencontre tout ce que je confidere en une chofe de fi grande importance. J'ai crû le devoir faire par écrit pluτότ que de vive voix, craignant de n'avoir pas l'efprit affez prefent devant vous, ou d'abufer de vôtre tems dont toutes les minutes font précieufes. J'ai apris de faint Paul que les lévres des Evêques font dépofitaires de la fcience, qu'ils doivent être faints en leur vie, irreprehenfibles en leurs mœurs, fages en leurs confeils, experimenrez en la conduite des ames, genereux dans leurs refolutions, defintereffez, patiens, morts à eux-mêmes, enfin que toutes les qualitez qui leur font neceffaires, font celles qui me manquent. A peine fuis-je Prêtre & vous fçavez mieux que moi, qu'il eft dangereux d'impofer les mains aux Neo'phites. Tous ces grands Evêques dont nous

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honorons la memoire, & révérons les cendres, ont fuï le fardeau, que vôtre Eminence defire que je prenne. N'aurois-je pas perdu le jugement fi je ne le redoutois? je ne compte pour rien l'éloignement, le climat, les humeurs fâcheufes des peuples, la pauvreté Car toutes ces chofes font fenfibles, & je fçai qu'il n'eft pas permis de les regarder, quand il s'agit du fervice de l'Eglife,qui n'a jamais été fi floriffante que quand fes Miniftres n'ont eu que la Croix pour revenu. La fainteté feule de la charge. m'épouvante, & je me perfuade que fi votre Eminence veut pefer mes raifons devant Dieu, elle ne trouvera pas mauvais fi je la fuplie de faire un choix plus avantageux à l'Eglife & plus honorable pour elle. J'attens de Dieu la place où il me veut mettre pour le fervir; mais je ne fçaurois croire encore qu'il m'en veuille donner une fi haute. Je ne trouve point de paroles pour vous exprimer combien je me fens obligé de l'opinion que vous avez conçuë de moi, & de la pensée que vôtre bonté vous a donnée pour mon avancement plutôt que ma vertu. J'affurerai feulement vôtre Eminence qu'elle ne me rendra pas moins fon redevable, agréant mes tres-humbles excufes, que fi je reffentois les plus fignalez effets de fa liberalité; & que je ne ferai jamais à l'Autel que je ne prie celui qui eft le Prê

A

tre & la Victime tout enfemble, de vous conferver long-tems à la France, comme le plus digne Miniftre qu'elle ait jamais eu. Il ne me refte dans la baffeffe de ma fortune que ce moïen de vous faire voir qu'encore que je ne fois pas tous les jours à vốtre porte, je fuis neanmoins avec autant de zele & de fincerité que perfonne.

LETTRE XXXVIII.

A Monfieur... Sur fa premiere Meffe. Excellens effets de Poblation du Sacrifice.

MONSIEUR,

J'ai apris que vous avez dit vôtre premiere Meffe aux Chartreux; fi j'euffe fçu Te jour j'y cuffe affifté en efprit, & demandé à Dieu pour vous les difpofitions neceffaires pour bien offrir un fi redoutable Sacrifice tout le tems de vôtre vie. Que vôtre engagement à l'état Sacerdotal eft heureux, mais qu'il eft terrible! qu'un bon Prêtre eft excellent & digne d'honneur mais qu'il eft difficile d'être tel! qu'il y a de richeffes à gagner en s'approchant du faint Autel, mais qu'il y a de punitions à craindre quand on ne s'en approche pas faintement ! Vous avez maintenant goûté com

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bien il eft doux, je me promets que jamais il ne vous dégoûtera. Vous êtes un des difpenfateurs de fes Myfteres, vous ferez fans doute fidele; vôtre ardeur ne fe refroidira point, s'il plaît à celui qui eft un feu confumant & nourriffant en l'Euchariftic. C'eft à quoi il faut que nous prenions garde. L'Apôtre avertit fon cher Difciple de reffufciter à la grace qu'il a reçûë par l'impofition des mains; le terme dont il fe fert a plus de force & fignifie rallumer la grace, fouffler ce feu facré par une continuelle méditation de fainteté. Nôtre courfe dans la devotion eft toute contraire à celle du Soleil, quand il monte fur l'horifon il n'eft pas fi lumineux, ni fi chaud, que quand il eft avancé ; nôtre orient dans la pieté d'ordinaire eft plus ardent & plus brillant que nôtre midi. Quand je dis ma premiere Meffe, j'cûs de la peine à contenir mon cœur, les ennemis les plus re'doutables me paroiffoient petits, & rien fur la terre ne me fembloit digne d'être regardé; j'euffe avec beaucoup de joïe mêlé mon fang avec celui de la victime que j'offrois, je devois vivre toute ma vie dans un efprit de mort pour imiter Jefus-Chrift dans ce Sacrifice : enfin je faifois des refolutions admirables. Mais Dieu vous preferve, Monfieur, de la froideur dans laquelle je fuis maintenant tombé. Dieu vous

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