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même & dans les actions,qui en doivent être les plus éloignées? les uns le peuvent faire exprés,& ceux-là font des profanes, qui ofent mêler leur efprit avec l'Esprit de J. Chrift qui penfent pouvoir accorder ces contraires, & que la Sageffe éternelle n'eft pas affez puiffante toute feule. Les autres font bien fouvent trompez & fuivent le chemin, que de mauvais guides leur montrent.

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beaucoup plus agreable, par ce qu'on voit à chaque pas, que l'on avance, on raisonne, on eft applaudi, on eft imité, on ne trouve gueres d'épines, on ne choque perfonne, & enfin on trouve un lieu agreable pour fe repofer. Mais il faut craindre, que de ce repos on ne tombe dans le precipice; & loüé foit Dieu, fi le precipice n'eft que pour cette vie,& fi on en fort par la confufion. Ce n'est pas qu'il ne faille être prudens comme les ferpens; mais c'eft qu'il eft bien mal-aisé d'être en même tems fimples comme des colombes, Le ferpent feul rampe contre terre, & la colombe's'éleve dans le Ciel. Le ferpent eft maudit & la colombe eft conviée par l'Epoux à entrer dans les trous de la pierre. Nous devons dans nôtre miniftere faire l'alliance de l'un & de l'autre. Le zele ne nous excufe pas, quand il nous fait faire des fautes. 11 faut qu'il foit felon la fcience, parce qu'il doit conduire, & que foit par malice, foit par imprudence le Pafteur ne doit pas perdre

fon troupeau. Il y a des rencontres, qui defirent la magnanimité & l'éclat des actions, & alors fa charité veut qu'on s'éleve, & qu'on fure ce qui pourroit être une fainte baffeffe, en une autre occafion. Mais heu reux ceux qui ne font point obligez de fortir de cette baffeffe! bienheureux ces pauvres d'efprit, qui ne font point de bruit par leurs Lettres, par leurs difcours, & par leurs actions bienheureux ceux dont le monde fe mocque, qu'il va oüir pour rire, & qu'il ne croit capables de rien ! ils demeurent dans la boue, ils font fouvent eux-mêmes foulez aux pieds comme la boue, & ils fervent de jouet & de rifée à ceux, qui boivent le vin des plaifirs du ficcle, mais leur mort arrive & fe trouve precieufe devant Dieu. Ces prudens, ces fages font bien étonnez, quand ils voïent ces hommes méprifables à leurs yeux, élevez à la gloire des Saints. Il faut qu'ils changent de langage, qu'ils confeffent que leur conduite étoit remplie de la veritable fagffeffe, & que celle dont ils font profeffion n'eft que vanité. Certes je ne crois pas qu'il y ait Docteur au monde, qui ne voulût bien être à la place du pauvre Pretre.Nôtre Seigneur l'a mené par un chemin, où l'amour propre n'entre gueres volontiers; mais ce chemin a abouti au Paradis. Benif fons le Maître en fes ferviteurs, & tâchons d'être du nombre. Je fuis.

A Graffe ce 9. Juillet 1641.

LETTRE LIII.

A Monfieur de Cerifai. Avis falutaires pour continuer la vie Chrétienne qu'il avoit commencée.

MONSIEUR

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Je vous declare d'abord que je n'enters point vous obliger à une reponfe afin que vous lifiez ma Lettre, & que vôtre pareffe ne prenne pas l'alarme; toutefois, fr elle vouloit faire un effort & fe refoudre à m'écrire, je vous confeffe que je m'en fentirois tres-obligé. Il ne faut point venir du bout du Fauxbourg S.Germain, au bout du Marais,il ne faut que prendre du papier & une plume, écrire fans fonger à ce que vous écrivez ; & croyez fur ma parole que ce fera de belles chofes, aprés les nouvelles de vôtre fanté & de celles de .... J'apprendrai avec plaifir celles de vôtre progrés en la devotion; car je croi que vous y en avez fait un grand, aïant fi gencreufement commencé. C'eft un chemin où il n'eft jamais permis de s'arrêter, fi ce n'eft pour reprendre haleine, afin de marcher aprés avec plus de courage & de diligence. Il ne faut point regarder derriere foi, mais devant, fans nous étonner de la longueur de la carriere qui nous refte à

fournir. Celui par la grace duquel nous l'avons commencée nous la fera achever & il fuffit de fe tenir bien à lui. Notre amour propre voudroit voler, fortant du il port, voudroit avoir achevé la navigation, il colore fa pareffe à la crainte de la peine, du fpecieux prétexte du defir de la perfection. C'eft à quoi il faut bien prendre garde , pour ne perdre pas courage, & de peur de retourner en arriere tout d'un coup. L'orgueil fecret de la nature aime l'excel lence, & comme elle fe trouve dans la vic toire des paffions, & la pratique des hautes vertus, on fe fâche aisément de fentir encore les unes,& on afpire ardemment à la poffeffion des autres. On voudroit ne plus toucher la terre, être révêtu entierement du nouvel homme, avoir toutes fes penfées, Toutes les affections en Dieu

mence de goûter. Qu'y a que l'on com→

ce femble, de plus jufte que cette prétention? mais ne nous trompons pas; regardons fi c'eft pour Dieu ou pour nous; fi nous cherchons la fanctification de fon Nom ou nôtre complaifance; fi nous ne demandons pas les faveurs dûës aux amans avant que d'avoir expié les fautes que nous avons faites étant fes ennemis.. Aïons un ferme defir de lui plaire. Ménageons fidelement la grace qu'il nous met en main, & ne fongeons point à une aurre, dont il ne nous rendra nullement

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comptable. Marchons quand il voudra & comme il voudra. Courons s'il nous en donne la force, mais volons à lui, afin de nous éloigner davantage du monde, & de nous-mêmes. Dans la fable, Dedale n'entreprend de voler que pour fortir de prifon & revoir fon païs natal. Nôtre païs, nôtre féjour, c'eft le fein de Dieu où Jefus-Chrift. nous veut cacher avec lui, Heureux celui qui s'y perd; il eft bien affuré dans cet azile, il fe mocque bien de tous ces orages qui grondent fous fes pieds en quel lieu de la terre ne grondent-ils pas, & quelles têtes fe fauvent de leurs coups & de leurs menaces. Mais le jufte a la retraite dont je parle, où ni les fléches qui volent en plein jour, ni les démons du midi, ni ceux de la nuit ne peuvent letroubler. Tous les mouvemens de nôtre fiecle montrent bien fa neceffité, & quiconque a éprouvé fes délices ne les changera jamais, s'il n'eft ennemi de foimême. Mais il eft tems de finir pour ne l'être pas de vos affaires. Je vous deffie de m'ennuïer par la longueur de vôtre reponse, & de m'obliger à ceffer d'être, &c.

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A Graffe ce 20. Juillet 1641

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