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u lieu du combat. Je ne doute point que cette mort ne vous ait fenfiblement touché. il méritoit l'amitié & le refpect de tous

les

gens de bien, & vous connoiffiez particulierement fa vertu. Il en reçoit la récompenfe & repofe en paix dans le fein de Dieu, tandis que nous voguons fans fçavoir fi nous arriverons au Port. L'Eglife de France auroit befoin de beaucoup d'Evêques auffi fermes & auffi zelez. Les premiers fiécles ont vû jufqu'où pouvoit aller la liberté des Miniftres du Fils de Dieu. Les nôtres voïent jufqu'où peut aller l'interêt & la baffeffe de courage. Le Souverain Pasteur veiiille regarder en pitié fon Epoufe & reffufciter parmi nous cette genereufe modeftie qui n'offenfoir perfonne, mais qui ne craignoit perfonne. Auffi quand nous ferons Saints comme nos Peres on nous refpectera comme eux, & les Ambroifes trouveront des Theodofes. Quand nos biens feront les biens des pauvres, on les tiendra facrez, & on craindra d'y mettre la main auffi-bien que fur l'encenfoir; mais fi nous continuons à les prophaner les premiers nous trouverons juftement des mains qui ne croiront pas faire des facrileges, en nous les raviffant. Qui a établi tes Evêques, que Jefus-Chriften quoi confifte leur dignité,fi ce n'eft en la continuation des fonctions de Jefus-Chrift? Qu'est que ce

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caractere fi facré, finon la marque & le Sceau de Jefus-Chrift qui les met au rang de fes freres, & les confacre d'une maniere tres-fainte & trés-ineffable? Or comment pouvons-nous demander qu'on nous traitte comme tenant la place de Jefus-Chrift, h nous l'avons entierement dépouillé, & s'il ne paroît en nous que cet homme, qui eft fon ennemi. Quelle folie! on fe mocque de la Religion, & on veut recevoir des honneurs, & des privileges qui ne font dûs que par les maximes & l'ordre de la Religion. Nous n'entendons point les cris des pauvres à nos portes, & nous voulons qu'on entende & qu'on craigne les nôtres comme des foudres. Mais je ne m'apperçois pas que je paffe les bornes & le ftile d'une Lettre. Je vous prie que vos yeux feuls lifent celle-ci, je vous parle à cœur ouvert, & comme à Monfieur d'Andilly. Je fuis.

Ce 22.

Juillet 1641.

LETTRE LVI.

A Mademoiselle de P... Confolation de la mort d'un Comte.

MADEM

ADEMOISELLE,

Vôtre derniere Lettre du 12. Juillet me

confirme

confirme la nouvelle de la mort de Monfieur le Comte. C'eft un évenement fi extraordinaire & fi épouventable, que je ne fuis pas encore revenu de l'étonnement où il m'a mis. S'il ne fait voir aux Grands la vanité de leur grandeur & de leurs deffeins, la foibleffe de leur force, & l'incertitud ede leur efperance, je ne fçai ce qui le leur peut faire connoître. C'eft un coup de la droite de celui qui tient leurs cœurs entre fes mains, & par des fecrets adorables de fa Juftice, les incline comme il lui plaît pour l'exccution de fes volontez fur cux & fur les peuples; il renverfe leurs confeils, il trouble leurs prudence, & leur donne un efprit de vertige & d'affoupiffement qui ne leur laiffe plus de lumiere pour voir, ni de raison, ni d'équité. Peu à peu ils viennent à ce malheureux état, & les petites injuftices font les degrez des grandes. Mais rien ne les y con duit fi-tôt que l'ufage infolent de leur puiffance, & une certaine yvrefle d'autorité dans laquelle ils s'entretiennent, qui à peine leur permet de voir au deffus d'eux, celui devant lequel cependant ils ne font que pouffiere. L'Ecriture fainte ne dit point que Nabuchodonofor fut changé en beuf pour fes adulteres, ou fes cruautez ou autres vices femblables, mais feulement pour avoir. eu trop de complaifance en la beauté de Babylone qu'il avoit bâtie, & pour avoir dit,

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n'eft-ce pas la celefte Babylone que j'ai édi fiée en la force de mon bras & en la fplendeur de ma gloire. A peine avoit-il achevé la derniere parole, qu'il eft chaffé de cette ville fuperbe, & relegué parmi les bêtes pour paître l'herbe comme elles. La grandeur n'appartient proprement qu'à Dieu, & tout ce qui eft en la terre, n'en a qu'une fubalterne, qui eft plus une apparence qu'une verité. C'eft pourquoi le Tres-haut ne peut fouffrir que ceux aufquels il l'a communiquée pour le bien des autres, en abusent, s'en enflent, & la veüillent poffeder contre fes deffeins, & ce femble, avec independance de fa conduite; il s'en fert en fa colere pour chatier d'autres crimes par ce crime. Par Abfalon il fait porter à David la peine de fon peché: mais Abfalon demeure attaché à un arbre, & David en eft plus fidele & plus faint le refte de fa vie. David qui pleure ce fils ingrat, & qui avoit tant recommandé qu'on l'épargnât, nous enfeigne à pleurer le рацvre Prince dont je vous parle. Sa haine à été fa confeillere, & pour le mettre en feureté il s'eft perdu. Les fuites de fa victoire ne pouvoient être que bien funeftes, & il n'y point de maux qui ne vaillent mieux que ces remedes. Les étrangers n'euf fent geres longé au foulagement des peuples. Et ce que ces gens de guerre commençoient dans Sédan, étoit un beau prélude

pour la Champagne. Quelle fatisfaction peut-on faire de ces défordres ? & quel compte en faut-il rendre à Dieu ? J'efpere qu'il n'aura pas été un Juge de colere pour Mon

fieur le Comte. Il a un fonds de mifericor des que rien ne peut épuifer, & nous ne pouvons penetrer dans les fecrets de fon Tribunal, qui juge d'une façon bien differente de nôtre juftice ordinaire. Songeons à nous humilier & à craindre pour nousmêmes, qu'il ne nous laiffe à nôtre propre conduite. C'eft le chemin du précipice & de la mort. Tâchons de defarmer par la pénitence le bras que Dieu nous montre levé, & détourner ce tonnerre dont nous avons vû l'éclair, &c.

Le 31. Fuillet 1641.

LETTRE LVII.

A Monfieur le Chancelier. Confolation fur la mort du Marquis de Coëflin, tué au fiége d'Aire, en Juillet 1641.

MONSIEUR,

Je fuis bien fâché de commencer à vous écrire pour une occafion auffi funefte que celle de la mort de Monfieur de Coëflin. Mais j'ai crû que tous vos ferviteurs vous

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