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témoignant la part qu'ils prennent à votre affliction, je ne devois pas être un des plus pareffeux, mais un des plus affectionnez. Aujourd'hui même j'en ai reçû la nouvelle, & je ne veux pas differer davantage de vous témoigner combien elle m'a été fenfible; il merite qu'on le regrette pour l'amour de lui-même, & il le fera fans doute tout de bon & du fonds du cœur, de ceux qui le connoiffoient. Le rang de la parenté au quel il touchoit, fon éminence lui pouvoit faire des feviteurs intereffez; mais fa modeftie, fa bonté, & fon courage lui ont fait des veritables amis Sa réputation étoit connue dans cette Province où fa perfonne ne l'étoit pas, il a glorieufement confirmé la bonne opinion qu'on avoit de lui. Je fouhaitterois que c'eût été d'une façon moins funefte; mais il eft bien mal-aifé que les profperitez publiques ne foient les calami tez de quelques particuliers, & ceux qui comme vous, aiment pour l'honneur de leur maître & de leur Patrie que leur Maison, fe confolent aifément de leurs pertes domeftiques, quand elles ont contribué à Ja gloire generale. Vous portez fans doute encore la vue plus haut, & vous vous confoléz par des maximes plus faintes. Dieu qui donne des victoires les méle de deüil, comme il lui plaît, & ne fuit, ni nos interêts, minos inclinations au choix des perfonnes

qu'il nous ôte. Il ne fait rien neanmoins qu'avec une bonté auffi grande que fa Sa geffe; & il y a, ce me femble, un grand plaifir à recevoir tout ce qui nous vient de fa main. Mais je ne prens pas garde qu'au lieu de demeurer dans les termes d'un fimple compliment, je m'embarque dans une cófolation que vous pouvez trouver en vousmême. Vous avez jetté de fi profondes ra- cines dans la veritable pieté, que fi ce coup vous ébranle un peu,il ne vous abbartra pas, & qu'il vous confirmera d'avantage dans l'eftime & le jugement que les véritables Chrétiens doivent faire de l'éclat du monde prefent. L'Apôtre dit quela figure de ce monde paffe, & en ce peu de mots nous enfeigne une merveilleufe verité. Je vous en dis une quand je vous affure que je fuis avec le refpec que je dois.

Ce 16. Août 1641.

LETTRE LVIII.

A Monfieur de Scuderi. Avis Chrétiens à Monfieur de Scuderi fur fes Poëfies.

MONSIEUR

Il faut que je me

que je me plaigne de la conjura

tion du frere & de la four contre ma ten

dreffe, elle eft fi puiffante, & fi agreable, que j'ai bien de la peine à me refoudre de fonger à m'en deffendre. Jugez comme j'y pourrai refifter. Le prefent que j'ai donné ordre qu'on vous fit de ma part, eft une dette que l'on vous a païée; vous voulez toutefois vous en tenir obligé & m'en remercier. C'eft être bien genereux ; je fouhaitterois que l'on eût fait à Dieu le trophée des voix,des Luths,& des Harpes, dont vous parlez, & que toutes parlaffent de fes grandeurs. Ces Hymnes font de tous les tems, & on n'y peut trouver d'hiperboles. Judas feul s'offenfa entre les Apôtres, du parfum que Magdeleine répandit fur Jefus-Chrift. Les Odes d'Horace ne fe lifent qu'en quelques Cabinets, & les Pfeaumes de David fe chantent par tour le monde. Si j'ai ajoûté quelques cordes à la Harpe, je l'ay profanée & effeminée, & je méritois qu'on les coupât, comme fit cet ancien, celles qu'un Muficien avoit trouvées de nouveau. Nos rimes, nos cefures, nos pointes font trop foibles pout exprimer les fentimens d'un homme felon le cœur de Dieu, qui parloit felon fon efprit. Je ne fçai fi ce que vous loüez dans les Eglogues, n'eft point ce qui me condamne, & j'ai peur que l'Iris ne foit trop ajuftée pour un Berger de la Paleftine. Lycidas pourroit bien avoir trop retenu du langa ge de l'Egypte; pour le moins il tâche d'en

retirer fon cœur, il n'a pas le poulmon affez fort pour la trompette, & en cette occafion l'Evêque cede la place à fon Chapelain. Il ne tiendra qu'à vous de faire ces grands deffeins, & je ferois ravi que vous en vouluffiez choisir un dans l'Hiftoire fainte; les chofes muettes loücnt le Dieu qui les a ornées. Penfez-vous, que fans ingratitude vous puiffiez lui refufer l'hommage de vôtre voix. Après les Eudoxes ne voulezvous point faire parler les Agathes ou les Ceciles. Le théatre de la celefte Jerufalem merite bien, ce me femble, qu'on ne le laiffe pas vuide. Que vous auriez d'illuftres fpectateurs ! que vôtre louange feroit folide! que vôtre recompenfe feroit glorieuse! Croyez moi, Monfieur, il n'y a que Dieu qui foit grand & qui merite qu'on le loüe. Je n'ai point encore reçu les Livres que Mademoiselle Paulet m'a mandé que vous me faifiez la grace de m'envoïer: j'ofe en juger par avance, & prononcer qu'ils ont toutes les beautez de leur genre. Pour nos Mufes, elles dorment il y a long-tems. Quand le Berger craint le loup, il ne s'amufe pas à jouer du chalumeau. Je fuis.

A D. ce 16. Août 1641.

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LETTRE LIX.

A Mademoiffelle de Scuderi. Sentimens hum bles de l'Auteur fur fes Poëfies.

M

ADEMOISELLE,

Au lieu de vous remercier de l'éloquenta Lettre que vous m'avez écrite, il faut que je m'en plaigne, & que je vous en faffe une correction. Ne fçavez-vous pas qu'il en eft des Ecrivains,& fur tout des Poëtes,de même que des femmes. Si vous leur dites une fois qu'elles font belles, le diable le leur redit cent, & elles ajoûtent plus de créance à ce pere de menfonge qu'à la glace la plus fidele, d'un miroir. L'efprit aime toutes fes produc tions, parce qu'en l'état du peché où nous fommes, l'amour propre infecte toutes les puiffances de nôtre ame, & fur tout celle qui eft la plus divine; mais comme il a plus de part dans les Vers, que dans les autres Ouvrages de Profe, érant, s'il faut ainfi dire, comme créateur de ceux-là, il en eft auffi plus jaloux, pour ne pas me fervir d'un terme plus rude. Pourquoi donc prenez-vous tant de peine à me faire avaler un poifon, dont je fuis déja tout plein? Si vous penfez que la civilité vous y oblige, elle eft

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