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bien cruelle: fi vous croïez ce que vous di

tes,

il faut que je vous détrompe, & que je vous dife que dans le Livre dont vous faites tant de cas, il n'y a rien de précieux que la matiere. C'eft fans doute ce qui vous a fait tomber en erreur, & vous avez fait comme les amans, qui trouvent que toutes les peintures de la perfonne qu'ils aiment, font des chefs-d'œuvres, & ne diftinguent pas celles de l'ouvrier, de celles de leur paffion. Pour moi je vous jure fincérement que parmi tant de pieces, je vois peu de chofes, qui me fatisfaffent, & beaucoup qui me déplaifent. Ma pareffe naturellem'a empêché de les corriger, & j'ai crû que cela n'empécherait pas la fin que je me fuis propofee, qui eft de rendre quelque fervice à Dieu, en détournant les hommes des lectures proftnes, au moins pour quelque tems. Croïezmoi,il n'y a point de gloire dans la terre dont on doive faire beaucoup de compte, les Panegyriftes font vains, les louanges vaines & ce qui en refte, fumée & vanité. Sur tout je ne puis concevoir comment il est poffible, que confiderant avec un peu d'at tention la grandeur des Myfteres de Dieu, on puiffe s'imaginer que l'on en parle, je ne dirai pas dignement, mais mediocrement. Je le prie qu'il me pardonne mes fautes en cette occafion, & qu'il approuve, ou plutôt, qu'il purific mes intentions pour l'ave

nir. Je vous conseille auffi de vous repentir de vos cajoleries, elles ne m'ont que tròp plû; mais ce qui m'oblige davantage, c'est l'affurance qu'il vous plaît de me donner que je fuis dans vos bonnes graces. Croïez que je vous honore fincerement & que je fuis.

A Graffe ce 16. Août 1641.

LETTRE LX.

A Monfieur l'Abbé Thomassin. Avis pieux & falutaires, fur l'humilité que doit avoir un Ecclefiaftique.

MONSIEUR,

Je ne puis m'empêcher de vous témoigner la joie que j'ai, d'apprendre la bonne édification que vous donnez à la Compagnie des Ecclefiaftiques de faint Lazare, par vôtre humilité & vôtre douceur. J'aime cette chere Compagnie avec des tendreffes que je ne puis exprimer. C'eft l'Ecole que nôtre Seigneur m'a ouverte, pour y apprendre des maximes bien éloignées de celles que jusqu'alors j'avois étudiées. J'y ai entendu des veritez & vû des exemples qui me confondront devant le Tribunal de Jefus-Chrift, & m'ôteront toutes fortes d'excufes, L

feu que j'y devois concevoir me devoit du rer un ficcle, & cependant j'éprouve reus les jours qu'il fe refroidit. Je deviens de glace avec des perfonnes tiédes avec qui la Providence a ordonné que je vive, & au lieu de les échauffer, elles éteignent ma ferveur. Mais je voulois parler de vous, & infenfiblement je parle de moi-même, dont je ne puis rien dire qui vaille. Beni foit le Souverain Evêque de nos ames, & le Prin ce des Pasteurs, de ce qu'il vous donne l'efprit du Sacerdoce; encore qu'il fût Roïal, il l'a toutefois exercé fous la forme de ferviteur, & même de pecheur fur la Croix. Il a caché les thréfors de fa Sageffe, & a même fouffert qu'on le nommât fou, lui qui eftla Sageffeéternelle. Quelle leçon pour ceux qui font Prêtres felon fon ordre ! Quel exemple d'abaiffement & de confufion de foi-même pour les fciences & les qualitez de l'efprit! Mais le vicil Adam n'écoute pas volontiers cesleçons, &il fuit plus difficilement ces exemples. C'eft un pauvre glorieux qui prend du fable pour de l'or, & qui s'eftime magnifiquement paré avec des haillons. Lui demander qu'il foit humble dans la poffeffion des avantages de l'efprit, c'eft lui propofer des maximes, que par fon efprit il juge extravagantes, & le vouloir obliger à l'impoffible. Mais c'eft ce que fait le nouyel homme, c'cft ce qu'il trouve également

penetre

jufte & facile. Il connoît que l'efprit hu main n'aïant aucune proportion avec Dieu n'en peut rien concevoir qui approche tant foit peu de fa grandeur, & qu'il porte en foi une indignité d'avoir aucune communication avec lui. Que fi la Foi lui apprend quelque chofe, c'eft une lumiere qui ne lui eft point dûë; fi par la vivacité de fon entendement, & l'affiduité du travail, & la benediction particuliere de Dieu, il dans le Sanctuaire, à mesure qu'il entre plus avant, fon repos s'augmente, & il apprend mieux à fe fervir de ces connoiffances felon la conduite de l'efprit de Jefus Chrift qui eft humble & ennemie de tout éclat, & de toute recherche de foi-même ; car Jefus Chrift, dit l'Apôtre, ne s'eft point plû en foi-même. Or voila ce que l'on profeffe dans cette Affemblée où vous donnez tant d'édification. Continuez, Monfieur & nous faites voir en ce tems que la fcienee n'enfle pas toûjours, & qu'il y en a qui la foumettent aux pieds de Jefus-Chrift, qui bégaient avec Jefus-Chrift dans la Créche qui fe font petits avec les petits, & ne veulent rien fçavoir que la Croix. O que ce Livre contient de choses! qui ne l'étudie point eft malheureux & ignorant. Je fuis.

A Graffe ce 39, Hoût 1641.

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Au même fur fon Ordination; inftractions fur les devoirs de la Prêtrife.

MONSIEUR,

Depuis que vous êtes Prêtre, & que fçai que vous êtes bon Prêtre, je vous avoue que mon amitié s'augmente pour vous, & que je fens des tendreffes extraotdinaires de cœur pour vôtre perfonne, darts la confiance que j'ai de vôtre perfeverance', & de vôtre avancement: l'inclination naturelle & les belles qualitez de vôtre efprit, m'ont premierement donné à vous; mais aujourd'hui la grace m'y joint fi puiflamment, que ce triple noeud difficilement fe peut rompre. Et certes toutes les autres liaifons font vaines & fragiles. Le tems & lés interêts les affoibliffent, s'ils ne les ruihent tout-à-fait. Mais comme Jefus-Chrift, felon le langage de l'Apôtre, eft hier & aujourd'hui & dans les fiecles des ficcles, lés cœurs,qu'il joint, ne font point fufers aux viciffitudes humaines. Il eft leur unique prétention, & il fe communique à eux diverfement fans jaloufie. N'eft-il pas vrai, qu'il eft infiniment bon à ceux qui l'aiment ; &

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