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que hors de fon fervice il n'y a ni paix, ni joïe, nilumiere, ni verité. Vous êtes maintenant difpenfateur de fes thréfors & de lui-même. Cela demande une grande fidelité. Car fi nous devons rendre un compte fi exact de l'ufage des creatures, quel fera celui-ci de Jefus-Chrift. Beni foit-il à jamais de ce qu'il vous a infpiré de vous mettre dans une Compagnie, où véritablement il eft connu, & où fes maximes font pratiquées; trois Conférences font plus utiles que vingt ans d'étude, pour acquerir l'efprit Ecclefiaftique, fans lequel nous avons comme cet Evêque de l'Apocalypfe, un nom qui marque la vie, & cependant nous fommes morts. Vous y donnez de fi bons exemples, que je ne puis m'empêcher de vous témoigner la joïe que j'ai d'en apprendre des nouvelles. Continuez Monfieur, & facrifiez de bon cœur à la fimplicité Evangelique tout l'or & les diamans de vôtre éloquence: prêchez Jefus - Christ crucifié. Qu'affis dans vôtre cœur comme fur un trone il parle par vôtre bouche & enfeigne fes maximes à ces bienheureux pauvres aufquels fon Roïaume appartient. Laiffez crier le monde, ne vous informez pas feulement de ce qu'il dit, & des jugemens prononce fur vos deffeins. Si vous lui, plaifez, affurez-vous que vous déplaifez à Jefus-Chrift qui l'a déja jugé. Que nous

qu'il

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fervent toutes nos doctrines: Le bon, Monfieur, Bernard qui a paffé pour un homme fimple, eft maintenant honoré comme un faint, & il condamne ceux qui ont condamné fes fimplicitez. Le bel'efprit eft un grand don de Dieu; mais il eft dangereux, & fi l'efprit de Jefus-Chrift ne le rectifie c'eft une effence qui s'évapore, ou pour mieux dire, un parfum qui empoisonne fouvent ceux qui le portent: mais il eft tems que je finiffe, pour ne vous pas détourner de quelque meilleure occupation. Encore un coup, Monfieur, courage & perfeverance; le monde n'eft rien, fa figure paffe, & Jefus-Chrift demeure éternellement. Bienheureux ceux qui fe cachent, & qu'une condition éclatante n'expofe point au danger de fe perdre en fauvant les autres. Je fuis. A Graffe ce 17. Août 1641.

LET TRE LXII.

A Mademoiselle Paulet, fur la converfion d'un pecheur.

MADEMOISELLE,

Votre Lettre du 30. du mois paffé, m'apprend une converfion de laquelle j'ai loué Dieu de bon cœur, Certes fes jugemens

fur les hommes font admirables & fes voits incomprehenfibles. Il ne fuit point les petites regles de la juftice humaine, qui fe mêle infolemment de diftribuer fes graces d'une façon bien éloignée de fes deffeins. Il laiffe tomber les cedres & éleve des buiffons pour les planter en fa fainte Maifon, & leur faire porter des fruits dignes du Ciel, Il tourne les cœurs comme il lui plaît, & il fond les plus endurcis avec un fouffle de fa bouche; tandis que ceux qui paroiffent tout de feu fe transforment en pierres par une fecrette punition de leur orgueil, & pour d'autres raifons qui ne laiffent pas d'être juftes, quoi qu'elles foient cachées. C'eft pourquoi, il ne faut, ni haïr ni mépriser les plus grands pecheurs parce que l'on s'expofe au danger de hair & de méprifer des predeftinez, & de perdre la grace fi on la poffede. Il faut beaucoup s'humilier au contraire en les voïant, &entrer dans une crainte refpectueufe; car qui nous empêche de commettre les plus énormes crimes, fi ce n'eft la grace, que nous ne pouvons avoir par nous-mêmes; & qui eft affuré, › que la main qui le tient fur le bord du precipice depuis dix ans, le tiendra encore une minute : Qui fçait s'il ne refte pas en foi des inclinations corrompues qui emporteroient l'ame à d'étranges defordres, fi la bonté divine ne les arrêtoit.Beni foit donc nôtre Seigneur quand

il nous preferve,que toute la gloire lui en foi rendue, & pour nous croïons & confeffons que nous ne fommes que peché, & qu'il n'y aucun bien en nous. Veillons & prions a fin que nous ne tombions pas, & regardons toûjours à nos pieds. Loin toute affurance orgueilleufe d'être hors de danger de commertre quelque peché que ce foit,car nul ne fait une offenfe, que tous ne fiffent fans l'affiftance de Dieu. Loüons-le en fes mifericordes envers les pecheurs, & imitons les Anges qui s'en rejoüiffent dans le Ciel. Prions pour leur perfeverance & offronsnous à Jefus-Chrift pour eux, afin de ter même leurs pechez paffez; car l'Apôtre veut que nous portions les fardeaux les uns des autres. Et en effet la Communion des Saints, que nous profeffons de croire au Symbole, nous y oblige. Voila les dévifes que vous aurez de moi pour cette fois. Je faluë de bon cœur celles qui en defirent. Elles font à la fource, & Monfieur Chapelain en a toûjours de referve. Je n'ai plus d'efprit depuis quelque tems; je voudrois bien avoir de la pieté & de la patience pour fouffrir mes croix. Je fuis.

A Graffe ce 16. Septembre 1641.

por+

LETTRE LXIII.

A Mademoiselle de Rambouillet. Utilité des douleurs pour le falut. Neceffité de la pénitence.

MADEMOISELLE,

J'ai apris par Mademoiselle Paulet qu'il vous étoit venu un mal à la jouë, qu'on vous l'avoit percé, & que vous vous en portiez bien. Je me rejouis de vôtre fanté, & je ne fuis pas fâché de ces petites indifpofitions qui vous viennent de tems en tems; car en verité j'aime vôtre ame plus que je ne vous puis dire,& je fçai qu'il eft tres-bon & tres-neceffaire, que la douleur la réveille quelquefois, & l'applique davantage à Dieu. Il eft bien doux d'être dans l'aprobation ge nerale des honnêtes gens, d'avoir tous les avantages de l'efprit & du corps: mais cela eft bien dangereux pour le falut éternel & pour cette vie, qui ne fera donnée ni à l'approbation des hommes, ni aux qualitez naturelles. C'eft pourquoi la douleur est bonne, car on la peut offrir à nôtre Seigneur. pour reparation du mauvais ufage que l'on a fait des plaifirs quoique legitimes. C'eft une maxime auffi véritable que Dieu même,

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