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de nos fontaines, fur des fujets proportionnez à ma foibleffe; mais je les quitterai volontiers pour oüir la Profe qu'elles vous infpirent. En verité, j'y trouve une pureté qui n'eft point de ce fiécle, & un air qui fe fent de cette Rome, qui étoit auffi-bien la maîtreffe de l'empire de l'éloquence que de celui du monde. Continuez donc, s'il vous plaît, à travailler; & en faifant l'éloge des hommes illuftres de nôtre fiécle, affurez-vous que vous compofez le vôtre. Je fuis, &c.

Du s. Decembre 1637.

LETTRE VIII.

A Madame la Princeffe de Condé. Qu'il n'y a nulle comparaison des richesses & des grandeurs de la terre, avec celles du Ciel.

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pas

crû

que

J'avois toûjours bien crû que vôtre bonté étoit grande, mais je n'euffe qu'elle eût été fi diligente; & il me fembloit que c'étoit affez de me faire l'honneur j'ai reçû par vôtre Lettre fans me le faire fi-tôt Mais vous avez confideré que le regret d'être fi loin de vous, avoit befoin d'un prompt remede, & vous avez voulu fur

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paffer & tromper mes efperances en même tems. Je vous avouë que du côté de la terre, je n'en ai point de plus cheres, ni de plus douces, que celles d'avoir quelque part en vôtre fouvenir; & je me plains un peu, Madame, de ce que vous me dites que vous croïiez que je vous euffe oubliée ma memoire n'eft jamais infidelle quand elle doit être reconnoiffante, & j'ai de trop étroites obligations à vôtre bonté, pour ne les avoir pas fans ceffe devant les yeux. Je m'interreffe d'une façon toute particuliere à ce qui vous touche, & principalement à ce qui regarde vos affaires de l'autre monde; car elles font les plus importantes, & je ferois ravi de vous voir Reine en Paradis, aprés vous avoir vûë Princeffe en la terre. Certes, vous avez beaucoup plus de chemin à faire qu'un autre pour y arriver; & il n'y a pas fi loin de la cellule de vos cheres Carmelites, que d'un grand Palais : Mais il y a moïen de trouver la cellule dans le Louvre ; il ne faut qu'un peu d'attention aux chofes, pour méprifer tout ce que l'on a coûtume d'adorer dans le fiécle. De loin les chofes ont de l'éclat, & de prés on en reconnoit bien-tôt les taches. Les Grands, s'ils le veulent, font les plus capables de fouler aux pieds la grandeur; ils s'aveuglent eux-mêmes auffi souvent qu'ils font aveuglez, & d'ordinaire ils com

pofent le breuvage qui les affoupit : Ils fe plaignent que leur qualité leur pefe, & ils la rendent plus lourde par mille embarras volontaires aufquels ils s'engagent, faute de fonger un peu à leur principale affaire en ce monde qui eft leur falut: Ce foin n'eft pas un foin qui ôte la joïe; au contraire, il donne la veritable gaieté ; on fent quelques épines, mais la piqueure en eft précieufe; & avec un peu de courage, on furmonte toutes les difficultez, on chaffe de fon cœur tout ce qui le dérobe à Dieu, le partageant avec les créatures, dont l'amour eft toûjours accompagné de trouble & de répentir. N'eft-ce pas une chofe étrange, qu'ils foient fi jaloux de conferver le rang où la naiffance les a élevez; & que quand on les choque de ce côté-là ils faffent voir les éclairs & les tonnerres, & qu'euxmêmes proftituënt la grande & prefque incomprehenfible dignité d'enfans de Dieu & d'heritiers du Paradis, fans rougir jamais pour cela de la moindre honte ; pourquoi ne fe fervent-ils pas dans ces occafions de ce grand cœur que le fang leur donne ? Mais, Madame, je fais une queftion ridicule puifque ce grand cœur eft le cœur de la vieille créature & qu'il faut celui de l'homme nouveau, pour aimer les veritables grandeurs du Roïaume de Dieu, & pour avoir les fentimens de fa condition. Avec

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un cœur terreftre, il ne faut pas s'étonner qu'on aime la terre; & pour aimer le Ciel, il faut un amour célefte que la naiffance ne donne point c'est celui que je demande pour vous à Dieu, & je crois qu'il ne vous peut faire une plus grande faveur. Vous m'avez ordonné, Madame, de vous parler avec liberté ; voila comme je vous obéïs fimplement, & j'efpere que vous recevrez en bonne part, la franchise de mes paroles; comme, &c.

Du 21. Decembre 1637.

LETTRE IX.

A Madame de la Villauclers; defcription vive d'une perfonne pénitente.

MADAME,

L'objet du rocher de la fainte Amante 'de Jefus, m'occupe l'efprit de telle forte, qu'encore qu'il y ait quatre jours que j'en fois parti; toutefois il m'eft impoffible de vous parler d'autre chofe: Et certes, j'ai affez de connoiffance de vôtre pieté & de la dévotion particuliere que vous avez pour le miracle de l'amour & de la pénitence, pour croire que vous aimerez mieux que je vous dife quelque chofe d'elle; que fi je

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m'excufois de ne vous avoir pas encore rendu compte de mon voïage; mais ne vaudroit-il pas mieux d'un autre côté pleurer avec Madeleine, qui ne parle que par fes larme au Fils de Dieu, qui fe confeffe par fes larmes, qui eft toûjours à fes pieds, où elle l'écoute fans l'interroger, & qui paffe trente ans dans une grotte fans faire parler d'elle, & fans parler à perfonne. Que pouvons nous dire de celle que Jefus a voulu cacher, dont la vie cachée honora fi parfaitement celle dont il vit dans le fein de fon pere, qui étoit fi parfaitement attachée à JefusChrift felon l'efprit, & qui avoit une union fi ineffable avec lui? Refpectons le fecret de fa grace par nôtre filence, Madame, que notre delicateffe nous humilie à la vûë des rigueurs de fa pénitence. Made-. leine nourrie dans les plaifirs, Madeleine affurée du pardon de fes fautes, Madeleine élevée de la terre, dans l'Ordre Seraphique du divin amour, laiffe la compagnie de la fainte Vierge, des Apôtres, du Lazare, de Marthe, & va s'enfevelir toute vivante dans un rocher; où on peur dire,. quand onconfidere fon élevation,qu'elle vola fur les aîles de fon amour. De tous côtez il n'y a que des précipices affreux qui le bordent, on n'y entend que le bruit des torrens, le Soleil le Soleil n'y luit que la moitié de l'année, il femble que l'hiver y a choisi fa

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