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que fans pénitence on n'entrera point en Paradis. Nous n'avons gueres le courage de la faire de nous-mêmes, & jamais nous ne manquons d'excufes & de raifons pour la differer ou pour nous en exempter tout-à fait. N'eft ce donc pas une grande mifericorde que de tems en tems il fe prefente une occafion de faire de neceffité vertu, & d'offrir à Jefus-Chrift de petits maux, pour expier de grandes offenfes. Vous êtes à Paris au tems de la mifericorde, le Jubilé étant ouvert. Je vous confeille d'avoir une grande foi aux Indulgences, mais je vous conjure de tout mon cœur d'avoir un grand amour pour la fainte pénitence, fans laquelle les plus juftes, difoit faint Auguftin ne doivent pas fortir de cette vie. Or je ne parle pas feulement de la pénitence corporelle, où il faut apporter beaucoup de prudence, &qui produit fouvent de tres-mauvais effets, comme la préfomption de l'efprit, la cenfure des autres, la rigueur envers le pecheur, le chagrin & l'inquiétude. Je defire principalement la pénitence du cœur, qui forme aprés aifément tout le refte, & qui en un mot confifte à tenir le parti de Dieu offensé contre foi-même, à vouloir détruire en nous tout ce qui lui déplair, & à confiderer chaque peché qui nous a privez de fa grace, comme un nouveau titre par lequel nous lai voulons appartenir. Mais je ne fon

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ge pas que mon Sermon eft trop long vous excuferez bien, & me ferez s'il vous plaît, l'honneur de croire que je fuis avec tout le refpect que je dois & toute la passion dont je fuis capable.

A Graffe ce 24. Septembre 1641.

LETTRE LXIV.

A Mademoiselle de Meffieres. Difpofition d'une ame véritablement pénitente.

MADEMOISELLE,

Je me réjouis d'apprendre qu'aux dou teurs vous mêlez l'amertume de la pénitence. Je fuis bien-aife qu'au lieu d'occuper vos mains à m'écrire, vous les occupiez à dreffer vôtre Confeffion. La nature ne prend gueres de plaifir à remettre dans fa memoire les chofes qui l'humilient;ne vous étonnez donc pas fi elle a de la peine à les mettre fur le papier, & plus encore à les dire. Dans l'état du peché nous fommes tout appliquez à nous-mêmes, tous remplis de nous, & dans une ardente envie d'être aimez & loüez des autres; ou nous ne connoiffons pas nos feres, ou nous feignons de les méconnoître, & nôtre plus grand travail eft à nous tromper, foit en nous perfuadant que nous

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avons les vertus qui nous manquent, foit en excufant nos défauts & les diminuant s'ils font tels, qu'il nous foit impoffible de n'en demeurer pas d'accord dans le fonds de nôtre confcience. Quelquefois nous paffons dans une autre extrêmité; nous nous affligeons cruellement de nos pechez. Il nous femble alors que nôtre contrition eft parfaite & cependant elle n'eft bien fouvent qu'un effet de notre tendreffe naturelle, ou de nôtre orgueil interieur. Nous voyons la beauté de la vertu contre laquelle nous avons peché; c'est une excellence que nous prendrions plaifir de poffeder, & la privation nons en afflige, non pas pour l'amour de Dieu à qui nous déplaifons, mais pour l'amour de nous-mêmes, qui nous trouvons moins agreables aprés tant de refolutions de nous corriger, fans l'avoir fait, nos chûtes nous font voir nôtre foibleffe, & nous penfions être bien forts, de forte que nôtre amour propre eft humilié, en depit de lui. Il faut l'aneantir, s'il eft poffible, en la vue de Jefus-Chrift qui n'a jamais eu ni deffein,ni defir de fe complaire en foi-meme, comme dit l'Apôtre, Qui pourroit plus juftement fe complaire en foi, que celui qui avoit Dien habitant corporellement en foi ? Mais Jefus-Chrift eft l'Adam celefte › qui doit avoir des pentées & des maximes bien éloignées de celles de l'Adam terreftre. Celui

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ci s'eft perdu parce qu'il s'eft arrêté à luimême, celui-là pour nous fauver, ne fe plaît qu'en fon Pere, & ne fe repofe qu'en fon fein. Le Pere dit, qu'il prend fa complaifance en lui,& lui ne prend les délices qu'en fon Pere. Ne nous plaifons donc point en nous, & ne nous inquiétons pas fi fort, n'y voïant que des fujets de nous déplaire. Dans le peché il y a deux chofes , ce qui offenfe Dieu & ce qui nous confond. Il faut détefter mortellement ce que Dieu hait dans nôtre action, ce qui y eft opposé à fa faïnteté & ce qui nous prive de fa grace. Mais pour cette confufion, qui nous vient d'être tombez aprés tant de promeffes & de réfolutions, il faut l'aimer, & c'eft la premiere difpofition requifepour faire une bonneConfeffion generale, car elle nous remet toute nôtre vie paffée devant les yeux, & l'amas de nos infidelitez nous troublera, fi nous ne faifons cette diftinction. Les pechez de cette façon fervent aux Elus, & du plus grand de tous les maux on en tire un tres-grand bien. Dieu ne rejette jamais les larmes d'un cœur qui s'humilie, mais les larmes d'un cœur fuperbe lui font en abomination. Vous n'aimez pas les longs Sermons, c'eft pourquoi je finis celui-ci, & demeure.

A Graffe ce 24. Septembre 1641.

LETTRE LXV.

A Mademoiselle Paulet. Neceffité de pro fiter de tous les momens de la vie, pour expier fes pechez.

MADEMOISELLE,

Il y a deux ans aujourd'hui que Monfieur le Cardinal de la Vallette fortit de la vie & 36. que j'y entrai. J'efpere que fa fortie à été en la grace de Dieu & je fuis bien affuré que mon entrée à été dans la malediction, puifque nous naiffons tous enfans d'ire & de peché. Le Baptême a effacé cette tache. Mais quand je confidere, combien peu j'en conferve la fainteté & les pechez que j'ai com◄ misen 36.ans,certes je fuis bien épouvanté, & ne vois rien qui me puiffe excufer d'une fi horrible ingratitude, mais auffi ne faut-il pas chercher des excufes à fes offenfes, il les faut pleurer, les haïr & s'en corriger ; il faut tâcher de mieux achever ma carriere, que je ne l'ai commencée, & aprés avoir perdu tant d'années, profiter des heures & des momens. On n'eft pas innocent quand on fe contente de ne pas mal faire, il faut faire le bien, & la grace Chrétienne nous oblige d'operer. C'est une eau qui fe corrompt, fi

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