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elle ne coule fans ceffe, fi toûjours elle ne monte vers fa fource, qui eft Dieu, Carvenant de lui elle doit retourner à lui, & nous ne pouvons, fans facrilege l'arrêter de nouse mêmes; c'eft toutefois ce que nous faifons fouvent, fi nous n'y prenons garde & en cela les plus fpirituels font trompez. Nous no devons plus avoir de nous-même, fi nous fommes vraiement à Jesus-Chrift; car Jefus-Chrift lui-même n'a point eu de foin humain, aïant privé fon humanité fainte de la fubfistance naturelle, qui étoit fon foi-même, pour fubfifter en la perfonne divine,qui lui étoit un foi étranger, mais fon foi-adorable, mais un foi qui fait que l'homme eft Dieu. Qu'est-ce que nôtre nous-mêmes qu'un cloaque d'impureté, qu'une masse de corruption, c'eft un neant & voïez comment l'édifice que l'on y fonde peur fubfifter. David dit en un endroit de fes Pleaumes que les enfans des hommes font trompeurs en leurs balances. Il y en a une verfion qui porte, que fi d'un côté de la balance on mettoit les hommes, & de l'autre la vanité elle-même, les hommes feroient encore plus legers. Dieu nous faffe donc la grace de bien mourir à tout ce que nous fommes par nous-mêmes pour vivre en Jefus-Chrift qui eft la vie, la voie & la verité. Je fuis en lui.

A Graffe ce 28. Septembre 1641.

LETTRE LXVI.

LETTRE LXVI.

A Monfieur Thomaffin Seigneur de la Garde, Préfident au Parlement de Provence ; fur le jour de fon Baptême, Renouvellement de fentimens Chrétiens en ce jour.

MONSIEUR,

Le jour où nous fommes eft celui de mon Baptême. Les anciens Chrétiens en faifoient une grande fête tous les ans, & j'eftime que cette coutûme étoit tres-fainte. Nous avons raifon de pleurer le jour de nôtre entrée dans la vie, parce que nous naiffons ennemis de Dieu. L'éclat de la pompe fur laquelle naiffent les enfans des Rois, n'efface pas la tache de leur origine, & fi d'un côté ils font heritiers d'une Couronne temporelle, de l'autre ils font efclaves de la mort & du peché. Mais par le Baptême nous fortons de la malediction; nous devenons membres de Jefus-Chrift, & compofons un Ordre facré de nouvelles creatures,qui n'appartiennent plus à la vieille géneration du premier homme; car ce Sacrement oper d s effets de mort & de vie en même tems. Il détruit la vie d'Adam & nous fait mourir à fon efprit & à fes maximes, pour introdui

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re en nous la vie de Jefus-Chrift. Nous fommes, dit S. Paul, baptifez en la mort de Jefus Chrift, & il ne faut pas feulement entendre ces grandes paroles de quelque reprefentation exterieure, qui confifte en ce que Jefus-Chrift a été enfermé dans le fepulchre, & nous, nous fommes plongez dans les eaux du Baptême par trois fois felon la pratique ancienne; cela feroit bien peu de chofe. Il faut donc tenir pour certain que la mort de Jefus-Chrift opere dans l'ame du baptifé d'une façon admirable. Or que peut operer cette mort, que la mort? Qu'est-ce que la mort, finon la destructionde la vie, &quel le vie en nous eft contraire à Jesus-Chrift finon la vie d'Adam? Nôtre mort n'opere rien, au contraire, elle eft la fin de nos operations; mais la mort de Jefus-Christ est divine & énergique, & par elle il a commencé d'entrer dans fes operations divines d'une façon digne de lui; car par fa mort il leve l'empêchement à la fanctification des hommes, il fatisfait pour eux à fon Pere, il dépouille lui-même la fimilitude de peché, & auffi il reçoit toutepuiflance au Ciel & en la terre, fur les Anges,& fur les hommes ; il eft aprés s'être donné pour cux, en état de fe donner à eux felon la Loi des facrifices; enfin fon Pere l'établit Chef d'un nouveau Corps qui eft l'Eglife. Ce Corps a plufieurs membres

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& ces membres font formez par le Baptême. Ces membres doivent mourir & puis révivre en lui lui & de lui comme il vit , par en fon Pere, par fon Pere, & pour fon Pere. Voïez comment cette verité fubfiftante, peut accorder la vie de la nature avec la vie Chrétienne; je dirai plus, comment l'innocence morale peut fuffire à une personne baptifée pour être agreable à Dieu ? Les creatures font chacune ce que Dieu leur a marqué. Le Soleil non feulement fe deve le matin il fournit toute fa carriere, il vient au midi & puis il fe couche. Dans l'ordre de la grace où nous entrons par le Baptême, faifons ce que cet ordre exige de Rous & ne le confondons pas avec celui de la nature même en fa pureté. Souvenonsnous que nous fommes confacrez par le Batême à la fainte Trinité, au Nom de laquelle il nous eft donné, & que nous compofons de cette forte une Hierarchie nouvelle, qui ne cede pas à celle des Anges; car ils ne font créez qu'en l'honneur de fes perfections effentielles. Les Seraphins, par exemple, en l'honneur de l'amour,incréé, qui eft un attribut commun aux trois Perfonnes. Mais les Chrétiens regardent Dieu comme Pere, Fils, & Saint Efprit; & au Batême Dieu comme Pere, Fils & Saint Efprit fe donne à nous, agit en nous entre en nous, & y rave un caractere divin, qui eft com

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me le Sceau de nôtre confecration. A quel honneur eft-ce être appellé, quels hommages, quels fentimens doivent être les nôtres pour une fi grande grace? à quelle fainteté ne fommes-nous pas obligez, & comment pouvons-nous ufer de nôtre ame pour nôtre propre fatisfaction, ou pour celle d'autrui, n'étant plus à nous-mêmes, mais au Pere, au Fils & au Saint Efprit, pour être en un continuel état de fervitude envers eux, pour recevoir leurs influences, & imiter autant que nous le pouvons leurs ineffables proceffions? & la vie qu'ils ont l'un dans l'autre? Faut-il s'étonner,fi devant que de recevoir le Baptême on fait faire une renoncia. tion folemnelle, au diable, au monde & à fes pompes? Peut-il y avoir quelque focieté entre la lumiere & les tenebres ? & y aya t-il rien que l'on ne doive quitter de bon cœur pour devenir membres de Jesus-Christ? Plaife au Pere des lumieres de renouveller en moi l'efprit que j'ai reçû, il y a 36. ans en ce Sacrement, dont je vous entretiens; demandez-lui cette grace pour moi & avec une ferveur égale à mes befoins. Je vous ai écrit les mouvemens de mon cœur fans ordre & fans artifice, vous m'avez témoi gné que de tems en tems cela ne vous feroit pas defagreable. Je fuis.

A Graffe ce 29. Septembre 1641.

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