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LETTRE LXVII.

A Monfieur Mole premier Président de Paris, Sur fa promotion à la Charge de premier Préfident.

MONSIEUR,

Comme je fuis au bout de la France, les nouvelles du monde y arrivent bien tard; c'eft pourquoi vous ne trouverez pas étrange, que je fois des derniers à me réjouir avec vous de vôtre promotion, à une dignité où tous les gens de bien fouhaittoient de vous voir, il y a long-tems. Elle ne vous apportera que de nouveaux foins. Elle vous ôtera vôtre repos, mais elle vous donnera auffi moïen de deffendre l'innocence opprimée de corriger beaucoup d'abus, & d'appuïer les bonnes intentions de ceux qui travaillent pour la gloire du Fils de Dieu, &pour le falut du prochain. L'Eglife aura en vous un Protecteur de fa liberté & de fes droits, & confervant l'autorité du Prince vous fçaurez bien maintenir celle de Jesus-Chrift par qui les Princes regnent, & dont ils font enfans auffi-bien que leurs fujets. C'est ce que j'attens de vôtre pieté, & je me promets encore que vous me ferez l'honneur de me confiderer toûjours comme celui qui eft.

: A Graffe ce 1, Decembre 1641.

LETTRE LXVIII.

A Mademoiselle de Gournai. Eloge des Pieces Poëtiques & de l'esprit de cette Demoiselle.

M

DEN

ADEMOISELLE

que

Vôtre derniere eft accompagnée d'un prefent digne de vôtre efprit, & dont je vous rends mille graces. Mais elle me parle d'un autre que je n'ai point encore vû, & dont la perte me feroit tres-fenfible, puifque tout ce qui part de vos mains m'eft précieux. Si Camufat l'a reçû, il me l'envoiera dans la premiere balle de Livres qu'il fera pour moi. Je vous en remercie par avance, & je vous prie de croire, que je vous confidere comme une perfonne extraordinaire, & je voudrois qui eût beu dans la fontaine Jouvence, auffi-bien que dans celle de Permeffe. Car en verité vous devez long-tems vivre pour faire l'honneur de vôtre fexe, & de vôtre fiecle. J'ai reconnu Horace dans l'Ode que vous avez traduite, & il parle auffi delicatement François que Latin. Sa version n'est pas un Ouvrage moins difficile, que l'imitation de Pindare, & fi celleci eft jugée par lui-même une entreprise d'Ivous faites voir celle-là eft encore

care,

que

at deffous de vos forces. Pour moi j'entreprends de parler de beaucoup de fujets qui furpaffent les miennes ; mais je crois y être obligé. Ce choix ne m'étant pas libre, je pafferai pour obéïffant & pour fidele, plutôt que pour temeraire. Les rofes du Paradis terreftre, doù vous dites que j'ai tiré mes fleurs, étoient fans épines, & il n'en eft pas de même de vos Vers; mais elles font bien feantes fur le Calvaire, & nôtre Maître en eft couronné. J'ai plutôt fongé à toucher les cœurs que les oreilles, & j'aime mieux qu'il y ait du feu dans mes écrits que de la lumiere. Un autre reparera mes fautes & je n'en ferai point jaloux. Je fuis.

Ce 30. Décembre 1641.

LETTRE LXIX.

A Monfieur d'Andilly. Compliment sur un Livre qu'il avoit composé.

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Je n'ai pas encore reçû le riche present que vous avez fait au Public, qui eft autant un Ouvrage de vôtre pieté que de vôtre efprit. La premiere m'empêchera de lui don ner les louanges qu'il merite quand je l'aurai lû. Et le fecond d'y trouver matiere d'eK iiij.

xercer la cenfure fidelle, que vous me demandez. Il eft à ce que j'apprens dans une approbation fi generale des plus honnêtes gens, que vous auriez fujet d'être fatisfait, fi vous cherchiez vôtre fatisfaction dans l'eftime des hommes, qui pour être veritable & raisonnable ne laiffe pas d'être vaine. Il y a des fumées puantes, & des fumées qui fentent bon, mais toutes fe diffipent bien-tôt ; il n'y a que celle de l'encens que nous offrons à Dieu, qui ne fe perd point en s'élevant vers' lui; cet encens n'eft pas feulement la priere, mais auffi le raport que nous faifons à la grace de l'honneur que l'on nous rend & de tout ce que nous produifons digne de quelque louange. Il n'eft pas moins ennemi de ceux qui adorent leur efprit, que de ceux qui adoroient leurs Idoles, & je crains bien que plufieurs, qui ne voudroient pas avoir dit une parole contre la pureté, ne foient coupables devant lui de cette fornication interieure que l'on commet par l'amour propre & l'admiration fecrette de foi-même;

je la crains pour moi plus que pour les autres, car quoi qu'on foit peu aimable, l'état du peché, où fe trouve la nature, ne laiffe pas de nous attacher fi fortement à nous-mêmes, que nous idolâtrons nos défauts. Priez Dieu qu'il me délivre de cette pefte, & continuez à travailler pour lui. Je fuis de tout mon cœur.

A Vence ce 24. Mai. 1642.

LETTRE LXX.

A la Reverende Mere de Roury, Supérieure des Filles de la Vifitation de Graffe. Pensées Chrétiennes fur le jour de la mort de Fefus-Chrift.

M

ES TRES-CHERES FILLES,

Je prie nôtre Seigneur qu'il vous donne fa fainte benediction. C'eft Jeudi que nous celebrons le départ ou plutôt le triomphe de nôtre Maître. Si ce n'étoit qu'un départ nous aurions fujet de nous affliger avec les Apôtres; mais puifque c'eft un triomphe, il faut nous en réjouir avec les Anges, & montrer que nous aimons le Triomphateur. Depuis qu'il eft reffufcité, il eft comme en un état de violence; car vivant de la vie de la gloire il devroit être dans le lieu de la gloire. La terre eft pour les enfans des hommes qui vivent de la vie du vieil homme, mais le Ciel eft le féjour des enfans de Dieu qui font vivans de la vie de Dieu. Et JefusChrift eft le premier né de ces enfans ; la terre n'a jamais merité de le porter, mais elle l'a merité encore moins depuis qu'il eft reffufcité, parce qu'il n'a plus rien de la vieille creation, comme elle réjoüiffons

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