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bonnes graces, comme à celui qui eft avec un profond respect.

A Graffe ce 13. Décembre 1642.

LETTRE LXXVII.

A Monfeigneur le Cardinal de Lion. Confolation fur la mort du Cardinal de Richelieu fon Frere.

MONS

ONSEIGNEUR,

Puifque mon éloignement m'empêche de pouvoir témoigner de bouche à vôtre Eminence, l'extrême douleur que m'aporte la nouvelle de la mort de Monfeigneur le Cardinal Duc, j'ai crû être obligé de le faire par cette Lettre. Mais quand je cherche des termes dans mon efprit, pour dire ce que je fens, les larmes me viennent aux yeux, & les foûpirs à la bouche, & j'ai de la peine à les retenir tandis que j'écris ces lignes. Je fuis François & j'aime ma Patrie. Cette feule qualité, Monfeigneur, me peut & me doit rendre inconfolable. Mais je fuis obligé à fon Eminence de l'honneur & du bien que je poffede. J'en ai reçû des témoignages d'affection & d'eftime que je prife encore plus que la Mitre & que les rentes jugez donc fi je puis être

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touché mediocrement, & en état d'exprimer ma douleur; elle m'ôte l'efprit avec la parole, & je ne puis rien ajoûter dans un fi grand trouble, finon que je fuis avec une extrême paffion.

A Graffe ce 16. Décembre 1642.

LETTRE LXXVIII.

Madame d'Eguillon. Confolation fur la mort du Cardinal de Richelieu.

MADAME,

Ce n'eft pas pour vous confoler que je vous écris, c'eft plutôt pour vous témoigner que je fuis inconfolable. Il eft vrai que nos per

tes font bien differentes ; mais la reconnoiffance, le devoir & l'inclination me don-` nent, fi je l'ofe dire, des fentimens qui ne çedent gueres en violence à ceux du fang & de la nature. Je pleure donc en vous écrivant, & je ne vois point de raifon qui ne m'oblige à faire durer la caufe de mes larmes. Je demande à Dieu feul la force de foûtenir un coup de tempête fi effroïable, parce que c'eft lui feul, qui peut me rendre le calme & fermer une plaïe fi cruelle. C'est fans doute à ce Medecin que vous avez recours, c'est à lui que vous ouvrez vôtre

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cœur, & c'eft en fa prefence que vous gé. miffez Plaife à fa bonté de recevoir en odeur de facrifice vos larmes & vos gemiffemens, pour le repos de l'ame de ce grand & de ce cher Oncle,dont il s'eft fervi pour defi grandes chofes. En l'état où me met la douleur, je ne puis que pleurer, & non pas faire un Panegyrique; la fimple narration de fa vie fera le meilleur que l'on puiffe dresser à fa memoire. Pour moi je ne fçai ce que je fais, ni ce que je dis, j'ai l'efprit abîmé de trifteffe, & ma main tremble fi fort qu'à peine puis-je écrire que je ferai toute ma vie. A Graffe ce 16 Décembre 1642.

LETTRE LXXIX.

A Monfieur de Chavigni, fur le même sujet.

MONSI

ONSIEUR,

Je ne fçai fi ma douleur garde la bienfeance, mais elle ne fe peut empêcher de faire retentir fes plaintes jufques à vos oreilles. La perte que je viens de faire en la mort de Monfieur le Cardinal me trouble de telle forte,que n'en pouvant parler affez, il faut que j'en écrive. Comme vous avez eu part aux obligations dont je lui fuis redevable je crois être obligé de vous

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témoigner ma reconnoiffance par mon af fiction. Je me perfuade que fi quelque chofe peut adoucir la vôtre, c'eft de voir que fes ferviteurs fentent, comme ils doivent, un fi grand coup, & qu'ils ne peuvent choifir une perfonne qui reçoive plus volontiers le tribut de leurs larmes : les miennes couleront long-tems, & je ne crois pas, que la Philofophie m'oblige de les arrêter. Quand mon cœur ne les tireroit pas de mes yeux par propres fentimens, ceux des interêrs de la France en prolongeront le cours, & je ferois affligé du malheur de ma Patrie, fi je ne l'étois du mien. Je ne fcai ce que je dis, & il vaut mieux que j'aille à l'Autel, offrir à Dieu cette grande ame, & le prier de repandre fes infinies mifericordes fur elle. Je l'efpere avec confiance, & je vous fupplie de croire que je fuis avec le refp.ct que je

fes

dois.

A Graffe le 16. Decembre 1642.

LETTRE LXXX.

A Monfieur de Noyers, fur le même sujet.

MONSIEUR,

Dans l'horrible douleur que je fens de la more du plus grand des hommes, & à qui j'avois des obligations fi particulieres, jene

puis m'empêcher de vous donner des témoígnages de mon trouble, & de mon inconfolable affliction. Je ne fçai fi la bienseance eft violée en cela, & fi je ne fuis point trop libre, mais je ne puis retenir mon cœur, & en l'état où je fuis, je ne vois que ma perte, je ne fonge à autre chofe, & je ne puis ni parler ni écrire que de mon malheur. Je fçai quel coup vôtre cœur a reçû; & il me femble que je foulage le mien, en me plaignant à vous; je ne trouve de confolation nulle part qu'à l'Autel, où l'immolation de la victime qu'y s'y fait, m'enseigne à fupporter les morts de cette nature, & à facrifier à Dieu les chofes les plus cheres. C'eft lui qui m'ôte toutes mes joïes & tout mon trefor en une feule perfonne; c'eft lui feul auffi qui me peut enfeigner à bien recevoir un femblable depoüillement. Plaife à fa mifericorde de donner la paix à celui qui travailloit tant pour la donner à l'Europe, & qui a fait de fi grandes cho

fes

pour fa gloire. Les Autels rétablis dans la Rochelle & les autres Villes Huguenotes, demandent pardon pour lui, & j'ai confiance qu'elles l'ont obtenu. Ainfi les Cedres tombent, ainfi la figure de ce monde passe mais la memoire de ce grand homme ne paffera point. Plaife à Dieu, qu'il foit auffi élevé dans le Ciel qu'il l'étoit fur la terre. Les larmes qui me tombent des yeux m'em

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