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de lui par laquelle il s'oppofe au changement d'une de fes Maifons où on lui mandoit que les Moines étoient toûjours malades. Vous avez donc fujet, Monfieur de benir vos infirmitez, & vous voïez bien de quels maux elles vous délivrent fi vous les comparez à ceux qui vous attachent dans vôtre lit; vous trouverez quelques rudes qu'ils puiffent être, qu'au lieu de chaînes de fer, vous n'en portez que de rofes, Il faut bien qu'elles foient de cette forte puisque vôtre esprit eft fi libre & fi enjoüé. Vôtre Socrate, & vôtre Ariftote ne fe fentent ni des nuits paffées fans dormir, ni de la migraine, ni des douleurs de la fciatique, ni de la vieilleffe, fi ce n'eft par leur fageffe & par leur gravité. Ils paroiffent être des productions de vôtre tête la plus libre qu'elle ait jamais été ; de vos humeurs les plus tranquilles ; de vôtre fang le plus pur, & de vôtre Printems le plus fleuri. Mais ce qui me donne plus de joie eft que je vois des traces de conftance chrétienne & aprife dans l'Evangile, La Philofophique pourroit fuffire, fi aprés cette vie nous devions aller aux champs Elyfiens, Mais comme nous devons ou aller en Paradis, ou defcendre en enfer, je benis Dieu de ce qu'il vous donne la patience qui opere cette efperance laquelle ne nous confond point. Vous voulez bien que je finiffe par ce mot de mon Maître, & que

je vous dife que je ferai toute ma vie, &c.

Le 13. Mai 1647.

LETTRE LXXXV I.

Au même, Defcription du féjour de l'Angou mois & de fon Païs.

MONSIEUR,

Je ne puis me confoler d'avoir fait un voïage en Gafcogne fans m'en retourner par Angoulême, mais un engagement que j'avois à Toulouse pour y faire les Leçons ordinaires à ceux qui devoient recevoir les Or dres facrez en ces Quatre-tems m'en a empêché. Notre cher, Monfeigneur l'Archevêque en eft abfent, & il fe trouve engagé dans cette mer annuelle des Eftats de Languedoc, où le meilleur Pilote a bien de La peine à conduire un Vaiffeau que prefque rous les mariniers veulent perdre. Il s'eft déja fi mal trouvé d'une Affemblée qui devoit être moins perilleufe, que je fuis affuré qu'il n'eft en celle-ci qu'avec beaucoup de chagrin & d'inquiétude. Mais laiffonslà les Eftats de Languedoc ; parlons de vôtre folitude que j'avois une merveilleufe envie de voir. O que je me fuffe agreablement promené dans les allées de ce jardin, & fur le rivage de cette belle r'viere où

vous avez fi doctement & fi delicatement rêvé. J'aurois trouvé les eaux de vôtre Charente plus claires que le criftal dont nous formons tous les ruiffeaux dans nos Vers. Je les aurois préferé à cette fontaine où l'on dir que les poiffons mêmes deviennent Prophetes. J'aurois interrogé tous les oiseaux de vos prairies & de vos boccages pour apprendre d'eux quelque chofe de ce qu'ils vous auroient ouï dire. Enfin j'aurois refpiré vôtre air comme un air de fçience, d'éloquence, de delicatefle, d'urbanité, pour en remplir le vuide de mon efprit qui eft devenu rustique dans les montagnes. Mais je n'aurois pas eu befoin de confulter des maîtres inanimez. Vous en êtes un vivant qui cuffiez inftruit mon ignorance & contenté ma curiofité; j'euffe trouvé dans vos papiers les fleurs, l'or, l'argent & les pierreries. J'y aurois repris le feu que j'avois autrefois & que la folitude à prefque tout à fait éteint. Mes Mufes s'y feroient non feulement ajuftées, mais elles s'y feroient renouvellées. Enfin je me ferois chargé de riche ffes pour tout le tems que j'ai à paffer dans mon defert où je ne vois que,

Des monts pendants en precipices,
Qui pour les coups de defefpoir.
Aux Amants font fi propices.

Si le Soleil n'éclairoit ce defert de fes

purs

raïons; s'il n'en banniffoit le Prince Borée

& toute fa famille ; fi dans quelques petits valons il ne portoit des jaffemins & des oranges, il feroit tout à fait infuportable: mais ces douceurs temperent toute fon aufterité. L'Hyver qui eft mon ennemi, auffibien que le vôtre & celui de la nature,n'oferoit defcendre du haut de fa montagne, & il en laiffe le pied exempt de toutes les violences. Il n'y regne que des Zephirs tiédes qui entretiennent la verdure de nos prairies, & excitent les oifeaux à chanter lorfqu'ils se taisent ailleurs. Il y tombe quelquefois des pluïes qui font des orages, mais nos ruiffeaux n'en font enflez que cinq ou fix heures, & ils femblent ne faire du bruit que pour nous réveiller. On fe promene tous les jours, dans un petit efpace à la verité mais en recompenfe il a une vûë la plus magnifique du monde, car on découvre trente lieues de mer; des Villes aux deux bouts & des montagnes éloignées dont le fommet blanchiffant fe va perdre dans les nuës. Cet. te mer nous cft affez proche pour nous apporter fes commoditez, & affez éloignée pour ne craindre les Pirates d'Alger. C'eft une chose bien honteufe pour la France que de voir la liberté avec laquelle ces ennemis du nom Chrétien la courent depuis la perte de nos Galeres. Tous les jours nous apprenons qu'ils ont fait des efclaves en terre, & ravagé de paits lieux qui font fituez fur le

bord fans trouver aucune refiftance. Il n'en étoit pas ainfi du tems du Cardinal de Richelieu. Nous étions les maîtres de la mer auffibien que de la terre. Nos Galeres dans le Port de Marfeille donnoient la chaffe aux Galeres d'Alger, de Tunis, & de Tripoly. La banniere de France couvroit la Mediterannée, & en rendoit la navigation fans danger. Mais ce grand homme n'eft plus, & nous fommes maintenant le jouet de ceux dont nous étions autrefois la terreur. Les Chrétiens qui battirent les barbares,gemiffent maintenant dans leurs prifons. Ces Corfaires ne font point d'autre commerce que de la liberté de nos garçons, & de la pudicité de nos filles ; & partans de leur Port ils divisent leur proïe, tant ils font affurez de piller Marseille; quand on envoïe un Vaisseau en Levant on fe confole par avance de fa perte. Mais je m'égare bien loin, mon cher Monfieur; & il vaut mieux que je me retire de la mer de peur de tomber dans la calamité que je déplore. Je fuis.

LETTRE

Ce 27. Septembre 1649.

LXXXVII.

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