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LETTRE LXXXVIII.

Au même, fur l'Oraifon Funebre de Monfieur l'Evêque de Bazas ; & des Oraifons Funebres en general.

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Encore que l'Oraifon Funebre que j'ai faite de Monfieur l'Evêque de Bazas ait eu quelque applaudiffement à Paris, je n'ai osé l'en croire digne, jufqu'à ce que l'approbation m'en foit venue d'Angoulême. Mais à cette heure que je fçai qu'elle vous a plû, je pense qu'elle me peut plaire, & qu'il ne m'eft pas permis de craindre d'être faté par un Juge fi habile & fi fidele tout enfemble. Vous fçavez combien ces Pieces font difficiles, foit parce que les Auditeurs ne font pas ordinairement bien disposez à entendre les louanges du mort, foit parce que fon merite eft trop commun, foit par ce que la vertu eft extraordinaire, foit par la malignité naturelle des hommes qui prend plus de plaifir à une Satyre mal faite, qu'à un Panegyrique bien travaillé. Quand le mort à attiré la haine & l'envie publique, il faut qu'un Orateur foit merveilleux, pour être écouté fans indignation. On ne fçauroit

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fouffrir que l'on jette des fleurs fur le tombeau de celui que l'on juge indigne même de la fepulture. La liberté de railler eft revenuë, on ne craint plus les cendres du défunt, dont on redoutoit l'autorité;& comme on ne fe peut venger des maux que l'on a foufferts, ou de la calamité publique, que par les repro ches & les railleries, on eft bien plus difpofé à les entendre, qu'à écouter des Eloges. Si la perfonne n'eft pas odieufe, mais feulement d'un merite ordinaire, l'éloquence qui le veut relever, fait mal au cœur, & excite plutôt le mépris que l'admiration. Si la vertu eft rout-à-fait hors de l'ordre commun, il faut pour la mettre en fon luftre fe fervir de tous les fecrets de cet art, qui fe vante de parler des chofes hautes, encore plus hautement qu'elles ne font. Les Orai fons Funebres que nous faifons dans nos Eglifes, ont encore cela de difficile, qu'elles ne doivent pas demeurer tout-à-fait dans les termes d'une harangue oratoire comme elle devroit être fi on la prononçoit dans une Academie. C'eft en effet un Sermon, ou l'on éft obligé de prendre un texte de l'Ecriture fainte & dont la fin principale eft plutôt l'inftruction des Auditeurs, que la louange du mort. Ainfi l'éloquence fe trouve refferrée dans des bornes fort étroites, ne peut recevoir ni toute la force des figures, ni toutes les beautez de l'élocution, ni toute

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la delicateffe des penfées, que fouffriroit la Tribune aux Harangues de la vieille Rome, où les Empereurs mêmes ne dédaignoient pas de paroître pour loüer leurs parens. Le Prélat dont j'avois à parler étoit fans doute un homme excellent, & je ne crois pas avoir fait pour lui ce que l'éloquence fe vante de faire, qui eft d'agrandir les chofes. J'ai fongé feulement à les dire de telle forte que non feulement je finiffe fon portrait au naturel, mais que je donnaffe aux Prélats qui m'écoutoient un modele de conduite en cette Af femblée. Si vous me demandez ce que l'on en doit efperer; je fuis bien fâché de vous répondre, rien de bon. Il eft vrai que nous avons commencé avec quelque vigueur, mais il fouffle de certains vents de l'autre côté de la riviere qui reffemblent à vôtre vent d'Autar, c'eft à dire qui ôtent la force, & prefque la refpiration. Meffieurs les Cardinaux ont prétendu une place à part, dans le Service que nous avons fait pour Monseigneur l'Archevêque de Bourdeaux, ce qui affurement n'eft fondé fur aucune raifon. Car nous en avons un pour Préfi dent, lequel en cette qualité, doit être à nôtre tête, & ce feroit une chofe fort extravagante d'en voir deux autres feparez de lui. Le Clergé de France affifte en Corps, & fi Meffieurs les Cardinaux ne veulent pas en paroître membres en cette occafion,ils

n'ont que faire de fi trouver. Mais je crois que leur Pourpre ne perdra rien de fon éclat, quand elle fe joindra à nôtre Violet, & qu'il leur doit fuffire de préfider à ceux, aprés lefquels autrefois ils fignoient, & étoient affis dans les Conciles. Nous avons même des exemples d'une Affemblée, où Monfieur le Cardinal de la Valette fe mit à la tête des Evêques dans une pareille rencontre, fans fonger à cette diftinction. Cependant la pluralité des voix l'a emporté fur ceux qui ont deffendu la dignité de leur ordre, & l'on a pris un temperamment honteux. aux Evêques de France, dont vous aurez. oui parler. Si la complaifance à fait faire. ce faux pas dés le commencement, que ne fera-t-elle point dans la fuite, lorfque l'interêt particulier y fera joint, & qu'il s'agira de donner pour recevoir. En verité je no vois guere

ne

guere de gens, de qui on doive raifonnablement efperer, qu'ils gardent quelque temperamment entre les neceffitez du Clergé & celles du Roïaume, pour fecourir celui-ci, fans achever d'accabler celui-là. Le peuple quigemit fous l'oppreffion, croit que nous fommes feuls capables de le foulager, & il remettroit volontiers fur nous. toutes les charges qu'il porte. Mais juf qu'ici avons nous vû que ces charges aïcnt diminué, quelques fommes que nous aïonsdonnez on les ménage fi mal que nous em

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fentons l'accablement, & que l'Eftat n'ent fent point du tout de profit. Tout le mange en avances & en remifes, qui ne font point neceffaires, & encore aprés tous ces efforts nous fommes des ferviteurs inutiles, & à. peine nous en fçait-on quelque gré : Car pour toutes ces immunitez Ï'on nous accorde, la même main qui les donne, les retire, & ce font des titres honorables dans nos Archives, qui ne produifent aucun effet. Dans les Provinces, nos Curez & nos Beneficiers demeurent toûjours expofez à la violence de ceux que l'on n'oferoit aujourd'hui appeller par leur nom, & qui de Harpies publiques & de Fleaux de leur païs qu'ils font, fe difent Traitans, & fè font confiderer comme les Colomnes de l'Eftat. Les Evêques gemiront toûjours fous l'autorité de la Juftice temporelle, qui n'eft, ce femble,appliquée qu'à ne laiffer pas échaper une occafion de les mortifier. Mais il faut vivre dans la lie de Romulus, puifque nous y fommes engagez, & tâcher de s'y enfoncer le moins que l'on pourra. Pour moi comme j'ai un fort petit Diocéfe, j'ai peu d'affaires, & ainfi je ne me trouve point engagé en des occafions de me broüiller avec mon Parlement, on n'y a pas encore ouï parler de mon nom, & j'aporte tous mes foins à me conduire de telle forte que l'on ne l'y entende jamais. Saint Ambroife dit. que nôtre

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