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demeure, de tous côtez l'eau diftile, & fe glace devant que de tomber à terre. Voilà, Madame, le palais de la Madeleine, voilà fon cabinet, fes vafes de criftal, ses tableaux, fes bras d'argent, fes caffoletes, fes tapifferies; là elle couche fur une pierre; elle s'abreuve de fes larmes, elle repaffe dans l'amertume de fon cœur, tous les jours de fa vie, & porte fon Epoux fur fon fein, non pas comme un bouquet de fleurs d'orange, mais comme un bouquet de myrrhe. Et nous, Madame, qui n'avons jamais peut-être pleuré nos pechez, qui ne fçavons, pas fi tant de confeffions que nous avons faites, ne font point autant de facriléges, qui depuis la grace du Baptême, avons fi lâchement violé toutes nos promeffes; adoré le monde, aux pompes duquel nous avions renoncé; méprifé la Croix de Jefus-Chrift, dont nous nous étions chargez nous, disje qui fommes en cet état, ne pouvons pas feulement fouffrir le mot de pénitence. Les meubles les plus riches ne nous contentent pas, les appartemens les plus fuperbes, nors femblent petits, le luxe manque d'inven ion pour nous fatisfaire, nous ne prions pas Dieu à nêtre aife, fi ce n'eft dans des lieux magnifiques, & au milieu des parfums. C'eft fans doute un aveuglement bien déplor ble, & dont je crains bien que nous

ne nous repentions trop tard. Souffronsdonc, Madame, & fi nôtre condition ne nous permet pas de certaines aufteritez prenons bien garde à ne point paffer dans l'extrémité contraire. Ici nôtre chant doit être un chant de colombe, qui gémit; aimer & pâtir eft la devife commune de tous les veritables Chrêtiens, & ceux qui font à Jefus-Chrift, dit l'Apôtre, crucifient leur chair avec toutes leurs convoitifes. Beni foit à jamais fon faint Nom, de ce que vous entendez & pratiquez ces maximes; Je le fupplie de tout mon cœur de me les faire fuivre, & de vous dépouiller de jour en jour de vous-même, afin que vous foïez toute à lui. Je fuis, &c.

Du 14. Septembre 1637,

LETTRE X.

A Monfeigneur l'Eminentiffime Cardinal Bentivoglio. Il le remercie de fon Hiftoire dont il fait l'éloge.

MONSEI

ONSEIGNEUR,

Il faudroit pour vous remercier dignement du Livre que j'ai reçû par l'ordre de vôtre Eminence, que vous m'euffiez fait part des richeffes de ce grand efprit & de cette

merveilleufe éloquence qui l'ont compofé; car quelque bonne opinion que je puiffe avoir de mon efprit, & de la richeffe de ma langue naturelle, je n'y trouve rien qui vous puiffe témoigner à mon gré, le fentiment que j'ai d'une fi glorieuse marque de vôtre fouvenir, & l'eftime que je fais d'un fi rare préfent. L'un m'apprend à quel haut point vous poffedez la génerofité; & l'autre, avec quel avantage vous furpaffez tous les Ecrivains de vôtre fiécle. J'ai fouvent admiré les grands Poëtes que l'Italie a portez, & je n'ai jamais lû leurs Ouvrages fans tranfport. L'economie de leurs Poëmes, la richeffe de leurs defcriptions, la majefté du langage, la douceur des nombres, la fublimité des penfées me les font, reconnoître dignes fucceffeurs d'Horace & de Virgile; & je fuis bien aife de voir que pour les Vers, la nouvelle Italie ne doive rien à l'ancienne. Mais je vous avouë, Monfeigneur, que vôtre Hiftoire m'a de goûté de leur lecture, & que la verité re-. vêtuë de ce chafte habit que vous lui donnez, m'a paru plus belle que leurs menfonges, parez avec tant d'art & de magnificence. Vous ajoûtez une nouvelle grandeur aux chofes grandes; vous portez le flambeau dans les deffeins les plus cachez, & les intentions les plus fecretes ; vous démêlez clairement les narrations les plus

embroüillées ; vous inftruifez par la bouche des Efpagnols & de leurs ennemis, tous les Capitaines qui doivent naître. Enfin, pour devenir un parfait politique & un grand General d'armée, pour apprendre tout le fecret de l'art de commander, pourfçavoir conquerir & conferver fes conquêtes, il ne faut que lire attentivement vôtre Hiftoire: Elle immortalife beaucoup de perfonnes; mais elle ne met point de fi durable & de fi précieux laurier fur le front d'aucun que fur celai de fon Auteur, qui s'y bâtit un temple fur les monumens qu'il drede à la memoire de ceux dont il parle. Depuis la fondation de ce grand Empire, qui fut le maître de tous les autres, on n'a vû rien de fi prodigieux que la naiffance de la Republique de Hollande, & il n'y a point de politique qui n'y ait perdu toutes fes mefures. Les commencemens en paroiffoient plûtôt ridicules que redoutables, & on ne voïoit rien de ce qui eft neceffaire pour former un grand corps, & lui donner une folide confiftence, mais au contraire, tout ce qui a de coûtume de faire avorter les deffeins de cette nature s'y rencontroit; l'inftabilité de l'efprit des peuples, les timiditez naturelles, l'accoûtumance au repos, les jaloufies des Chefs, l'établiffement de l'autorité legitime, & l'affection naturelle des Flamans pour leur Prince. Mais Dieu a

& rendre des be

ils

voulu en cette occafion confondre la prudente politique des hommes, & leur montrer que comme c'eft lui feul qui empêche que la mer ne noïe la Hollande; c'étoit lui feul qui la retenoit dans la fidélité; & qu'aïant fondé de nouveaux empires, par des Conquerans & par des soldats, il peut fonder des États par des gueux, faces auffi terribles que des épées. Ces gueux font maintenant plus riches que leurs maîtres; de la liberté où ils fe font mis ont paffé à la conquête ; & aprés avoir fair un fi grand bruit dans l'Europe, ils en feront dans le nouveau monde, & leurs flotes de Marchandifes ruinent les flottes de guerre des Efpagnols; ils leurs laiffent fouilfer l'or dans les mines avec beaucoup de travail, & ou ils le leur volent fur la mer, ou ils le leur font dépenfer fur la terre inutilement. Qui n'eût dit lorfque ces païs, où l'or & l'argent ne font pas des métaux précieux, parce qu'ils font communs, furent découverts, que la Providence leur mettoit entre les mains un moïen indubitable de parvenir à la Monarchie univerfelle; & que joignant le fecret de la guerre à l'ardeur de l'ambition, à la fageffe de la conduite, à la fermeté dans les deffeins, & au courage des Soldats rien n'étoit capable de leur refifter. Mais on ne fongeoit pas que Dieu creufoit un abîme en

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