Imágenes de páginas
PDF
EPUB

maîtreffe, & il femble qu'elle foit jaloufic de cet avantage, & qu'elle veüille fe referver à elle feule la gloire de faire le bien parfaitement. Difons mieux, Monfeigneur, il n'y a que Dieu qui le fçache, & c'est sa proprieté naturelle d'être véritablement bien-faifant & bien-faicteur. Il prévient nos demandes, il ne nous laiffe gueres demander, il nous apprend à demander, il nous accorde toûjours plus que nous ne demandons, il nous apprend à bien ufer de ce qu'il nous donne. Cependant il n'y a gueres d'hommes qui vouluffent lui faire la cour pour obtenir fon Roïaume, comme il la faut faire à un homme pour obtenir une miferable Charge ni prendre autant de peine à faire leur devoir par un motif de pieté, qu'ils en prennent à y manquer par une complaifance criminelle. Mais je ne prens pas garde qu'aïant commencé une Lettre je m'engage dans un Sermon & qu'il eft tems de la finir par la proteftation fincere

[ocr errors]

d'être toute ma vie, &c.

A Paris ce 23. Juillet 1646.

[ocr errors]

LETTRE XCI.

A Monfieur de Thomaffin Préfident au Par lement de Provence. De l'ufage ancien de fouhaitter les bonnes fêtes. De l'Histoire Ecclefiaftique des premiers fiècles.

[blocks in formation]

Je vous fouhitte les bonnes fêtes. J'avois crû jufqu'à cette heure que cette civilité venoit d'Italie, & avoit pris fa naiffance au païs des grimaces & des ceremonies. Mais j'ai trouvé dans faint Gregoire de Nazianze & dans Theodoret, des Lettres qu'ils écrivoient , par lefquelles ils répondent à ceux qui leur avoient fait cette forte de fouhaits en la folemnité de Pâques : ce qui montre que cette coûtume eft ancienne. Je voudrois bien que cette Lettre fût telle que vous en puiffiez dire ce que le premier Pere, que je vous viens d'alleguer,dit d'une de fon ami. Vôtre Lettre eft une Fête; mais elle n'a rien qui lui puiffe faire meriter ce nom. Je n'ai plus cette gaïeté d'efprit qui fe répandoit dans mon ftile, & ce certain je ne fçai quoi fi agreable que l'on trouvoit autrefois dans mes Ouvrages. A quel jeu l'ai-je perdu ? je me trouve fort empêché à vous répondre.

[ocr errors]

Je ne fçai fi l'âge m'a refroidi l'imagination, fi la folitude m'a engourdi l'efprit, fi la difcontinuation d'écrire avec quelque foin m'a ôté ma facilité ancienne, ou fi l'étude plus férieufe que je fais prefentement, & la nature des Ouvrages que je compofe me rendent plus pefant, ou fi vous voulez plus férieux. Il eft vrai que je fuis maintenant engagé dans une route où je ne trouve ni ruiffeaux de cristal, ni prairies émaillées, ni fontaines argentines, ni ombres agreables ni moiffons dorées, ni bergers danfant avec des bergeres, ni'troupeaux, ni chalumeaux, ni mufettes; mais bien des fleuves de fang, des deferts affreux, des fables brûlans, des rochers terribles, des lions, des ours & des panthères, des bourreaux, des chevalets, des fournaifes & des rouës. Vous devinez bien que je veux parler de l'Histoi. re Ecclefiaftique, où je me fuis engagé. Ses premiers fiécles ne contiennent que des perfecutions & des Martyrs ; en quelque lieu que l'on aille, on ne voit que des potences; le fang coule de tous côtez, on entend les mêmes accufations, & les mêmes réponses: ce font les mêmes arrêts, & les mêmes fupplices. Or comment l'efprit le plus fleuri du monde ne fe fécheroit-il pas parmi tant d'objets lugubres. Quel moïen de chanterpar mi les cris & les gemiffemens de tant de perfonnes innocentes qui meurent?eft-il poffible

qu'une plume toûjours trempée dans le fang, trace des caracteres qui ne foient pas funeftes ne me demandez donc rien de joli, de doux & d'agreable. Si je voulois faire des Vers, je crois qu'au lieu des noms de Tirfis, de Lycidas, de Sylvandre, j'emploterois ceux de Neron, de Domitien & de Severe; au lieu de parler de Philis, de Sylvie & de Diane, je parlerois vifiblement d'Agnés, d'Agathe & de Cecile. Il vaut donc mieux que je ne m'embarque pas રે faire un mélange fi ridicule,& que je demeure avec mes tyrans, mes bourreaux & mes Martyrs. Quand j'aurai paffe ces trois fiécles & que je viendrai à Conftantin, l'air s'éclaircira, les foudres ne gronderont plus, les feux s'éteindront, les rouës feront brifées, l'Eglife fe prefentera à mes yeux enr habit de gloire, couronnée de diamans vétuë de pourpre, le Sceptre à la main, & fur un Trône de pierreries. Elle n'aura autour d'elle que de jeunes filles couronnées de fleurs, que de jeunes garçons habillez comme pour un jour de fête,ou que des vieil lards graves & joïeux tout enfemble qui lui ferviront de confeillers. On n'entendra raifonner dans fes Temples & dans les places publiques que des Cantiques de joïe. Enfin toute l'année fera un jour de fête publique, Alors comme les objets qui frapperont no yeux feront plus agreables, nôtre efpri

[ocr errors]

pourra devenir plus gai, & nous pourrons vous écrire des Lettres telles que vous les demandez ; cependant contentez-vous de nos airs triftes, & accommodez-vous avec nôtre deüil.

A Vence le 24. Décembre 1663.

LETTRE XCII.

A Monseigneur l'Evêque de Châlons (ur Marne. Il l'exhorte à s'opposer aux mauvaises maximes des Cafuiftes.

MONSEIGNEUR,

Je viens de recevoir la Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, & je me réjouis extrêmement d'y avoir vû le zele que vous avez pour la deffenfe de la verité, qui eft attaquée fi infolemment. Mais me permettrez-vous de vous demander, fi c'eft affez à un Evêque de gémir, & s'il n'eft pas obligé de faire quelque chofe davantage pour la deffendre. Si l'exemple des Curez de Paris, qui s'en remüent, ne nous oblige pas à faire de nôtre côté nôtre devoir? fi pouvant par l'authorité que Dieu nous a donnée nous oppofer à la naiffance de cette erreur, nous ne le devons pas faire vigoureufement Si parce que le tems eft

« AnteriorContinuar »