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mauvais, nous devons être foibles fi voïant que la Sorbonne eft empêchée d'agir, nous devons nous taire, & attendre une occafion plus favorable de deffendre la verité ? Quand arrivera-t-elle ? cependant l'erreur triomphe, & le menfonge s'établit. Je vous prie, Monfeigneur, de vouloir faire un peu de reflexion fur mes doutes ? vous êtes un grand Prélat par vôtre fiége & par vôtre pieté & le témoignage, qu'en cette rencontre vous rendrez à la verité, lui fera tout-à-fait avantageux. Pour moi,encore que le mien ne foit pas beaucoup important, je fuis refolu de le rendre avec toute la force que je pourrai. On me mande que Meffeigneurs de Sens

de Beauvais & d'Angers feront la même chose. En voila affez avec vous pour empêcher la prefcription de l'erreur. Excufez ma liberté qui ne vient que du particulier amour que je vous porte, & de la paffion avec laquelle Je fuis.

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Monfieur le Marquis de Richelieu. Quand il n'auroit porté que ce nom, je fuis trop obligé de l'honorer pour n'avoir pas pleuré la perte. Mais il étoit vôtre gendre, & vous avez tant de fujet de le regreter, que je ne puis m'empêcher de vous témoigner la part que je prens en vôtre douleur. Elle eft fi raifonnable, qu'on ne la peut condamner fans être barbare: mais plus elle eft jufte plus auffi le facrifice que vous en ferez à Dieu, lui fera-t-il agreable, & témoignerat-il vôtre foûmiffion aux ordres de fa Providence. Abraham n'eût jamais été le pere des fideles & de la Foi, s'il n'eût facrifié fon fils au premier commandement qu'il en reçût. Dieu n'exige pas de nous mainte nant que nous facrifions nos proches de cette façon; mais quand il les facrifie luimême, il veut que nous confentions à ce facrifice, & que nous lui donnions ce qu'il prend: mais ce qu'il prend, il nous l'a don né, il en est donc le Maître, & il faut croire qu'il eft auffi jufte en nous l'ôtant, qu'il a été bon en nous le donnant. Que s'il nous l'ôre par colere, le meilleur moïen de l'appaifer eft de le benir en cette privation. Ainfi de quelque côté, Madame, que vous puiffiez regarder ce coup, vous êtes obligée de baifer & d'adorer la main qui vous frappe. Vous êtes à la fource des confolations: vous les pouvez prendre dans vous-même, &

Ny

j'aurois mauvaise grace de me mêler de vous en donner, moi qui fuis un homme de montagne & qui ai oublié le langage de la Cour; mais je n'oublierai jamais mon devoir, qui veut que je fois toute ma vie.

Ce 28. Avril 1662.

LETTRE XCIV.

A Monfieur

MONSIEU

fur le même sujet.

ONSIEUR,
EUR,

C'eft avec bien de la douleur que je romps le filence que j'ai gardé avec vous depuis mon départ de Paris, pour une occafion auffi trifte qu'eft celle de la mortde Monfieur le Marquis votre frere: mais comme ce n'eft ni faute de refpect ni oubli, qui m'a empêché de vous écrire, ce feroit faute de reconnoiffance & un manquement inexcufable, fi je ne vous témoignois la part que je prens à la perte que vous avez faite. Quand il n'y auroit que le nom qu'il portoit, j'ai trop d'obligation de l'honorer, pour n'en avoir pas été touché mais il vous étoit fi proche & vôtre cœur eft fi tendre, que par cette raifon je ne me puis difpenfer de le pleurer avec vous. La pieté chrétienne ne deffend pas vos larmes, elle les permet

à la

:

nature, & le Fils de Dieu les a voulu fanctifier par les fiennes ; mais il faut pleurer comme lui, & entrer dans les difpofitions. faintes de la trifteffe qu'il a voulu fentir pour fon ami Lazare; car les larmes que la tendreffe feule, ou la bienféance arracheroient de nos yeux, font indignes d'un Chrétien des yeux qui doivent un jour voir Dieu, ne doivent pas fe prophaner non plus par des pleurs humains, que par de mauvais regards. Et vous fçavez que l'Apôtre nous deffend de pleurer, comme pleurent les Gentils qui n'ont point d'ef perance. J'aurois mauvaise grace d'en dire davantage à un homme qui en fçait autant que vous, & que Dieu fortifiera fans dourede fon efprit en cette occafion. Je vous fupplie de croire que je fuis avec tout le refpect que je dois.

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J'ai de trop étroites obligations d'hon norer le nom de Richelieu, pour n'être pas fenfiblement touché de la perte de ceux qui

le portent. J'ai donc appris avec douleur les nouvelles de la mort de Monfieur le Marquis vôtre Neveu ; & j'ai cru qu'encore que vous euffiez fujet d'être mal fatisfaite de lui, que je devois en cette occasion vous témoigner mon reffentiment. La mort qui a glacé le fang dans fes veines

aura ré

chauffé le vôtre; & je ne doute point que vous ne l'aïez pleuré. Je voudrois bien n'avoir pas commencé à vous écrire par une fr trifte occafion; mais je ne pouvois que rompre mon filence aprés l'avoir gardé fi longtems, par refpect plutôt que par pareffe, ou par oubli: j'ai de trop grandes obligations à vôtre bonté pour être capable de ce dernier deffaut. Mon cœur qui en conferve toûjours la reconnoiffance conferve auffi la fidélité de ma memoire & tout indigne que je fuis, je me fouviens de vous trés-fouvent au faint Autel. Ce n'eft que par ce moïen que je puis m'acquiter de ce que je vous dois & vous faire paroître que je fuis avec paffion.

Le 28. Avril 1662.

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