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LETTRE CIX.

A Monfieur l'Abbé *** Confolation fur une affliction arrivée au tems de la Paffion.

MONSIEUR,

Vous êtes bienheureux que nôtre Seigneur Vous veüille donner au tems confacré àla memoire de fa Paffion, quelque part dans fes douleurs, & qu'il vous attache à la croix. Les vifites du crucifié doivent plaire davanrage que celles de l'Enfant & de l'Epoux ; car S.Paul ne dit pas qu'il foit Jefus Enfant, Jefus Epoux, mais Jefus crucifié ; & il le fçavoit mieux par la pratique que par la conoif fance. La premiere grace publique de l'Eglife à été une grace de Croix & de martyre, c'cft l'état & l'efprit de la ReligionChrétienne,& c'eft le chemin Roïal qui conduit affurement à la vie. Ménagez vôtre fanté, non pas pour vous, mais pour celui à qui vous êtes, & au &au fervice duquel il ne faut pas fe rendre inutile. Je me recommande à vos faints facrifices.

Le 14. Auril.

LETTRE CX.

Au même. Faire fa Cour à fefus-Chrift
plutôt qu'aux Rois.

MONSIEUR,

Il est bien plus fûr & plus agréable de

faire la Cour au faint Enfant qu'aux Rois de la terre. On eft affuré d'en trouver l'accés facile, & d'être écouté & exaucé. H ne faut point pefer fes paroles & diffimuler fes fentimens. Il lit dans nos cœurs fans que nous parlions, & plus nous parlons fimplement, plus aisément nous le perfuadons. Dieu veüille benir vôtre deffein mais crains bien que ce foit un mal, quod femper vetabitur, & femper retinebitur. Jẹ fuis tout

à vous.

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Au même. Etre uniquement attaché à Dieu eft le vrai bonheur.

MONSIEUR,

Je me réjouis d'apprendre que vôtre fanté corporelle fe conferve, & que la fpirituelle s'augmente. Ce font les deux plus grands biens dont nous puiffions jouir en la vie, ou pour mieux dire, dont nous devons user, puifque nôtre cœur ne doit être attaché qu'à Dieu par le faint Enfants qu'il nous tue pourvû qu'il regne, qu'il s'abfente,qu'il s'approche, qu'il nous careffe, qu'il nous rebute, fuivons fa volonté, abandonnonsnous à fa conduite & foïons entre les mains

comme des neants dont il faffe tout ce qu'il voudra. Il faut vous fçavoir févrer vousmême. Les enfans naturels ne fe févrent pas eux-mêmes, au contraire ils veulent toûjours demeurer à la mamelle de leurs meres; mais les enfans fpirituels la doivent volontiers quitter, car la trop grande douceur leur peut nuire; le fiel de la Croix n'eft jamais fufpect, il ne plaît pas au goût, mais toûjours il fortifie le cœur. Je fuis.

Le 30 Octobre.

LETTRE

CXII.

Au même. Imiter Jesus - Chrift.

MONSIEUR,

Nous voici au tems des delices, de la joie, & du triomphe des ferviteurs du faint Enfant; mais c'eft un tems où il faut que le cœur parle beaucoup plus que la langue pour imiter nôtre petit Maître,qui étant la parole éternelle du Pere, veut demeurer müet: O que cette conduite condamne bien nôtre empreffement à parler de fes Myfterest que fon filence eft éloquent! ô qu'il est admirable! ô qu'il eft faint! ô quand produira-t-il dans nos cœurs un profond filence de toutes nos paffions, de toutes nos af

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fections charnelles & terreftres !ô quand fermera-t-il abfolument nos efprits, à tout ce qui eft du monde d'Adam ! & qu'y a-t-il en ce monde malheureux digne que nous l'écoutions, que nous le regardions feulement, bien loin que nous le prifions, ou que nous l'aimions. Quel exemple de fon inconftance ne nous donne l'avanture du prifonnier qui va être jugé ? qui ne l'eftimoit le plus heureux homme du monde ? la fcene ne changera jamais dans le monde; il n'y aura que les acteurs qui changeront, & peut-être y verrons-nous bien-tôt pleurer ceux que maintenant nous y voïons rire, La fortune publique femble fort affurée, mais il ne faut qu'un moment pour la troubler, & ce moment eft à craindre de la juf tice de Dieu, qui veut que les Grands le reconnoiffent & le fervent à proportion des graces qu'ils ont reçûës de lui. Enfin tout ce grand monde n'eft qu'une grande illufion; reconnoiffons-là, déteftons-là & attachons nous au monde nouveau que le faint Enfant vient de créer fur la terre & qui eft le monde de verité & de juftice. Je me recom mande à vos facrifices.

Ce 3. Janvier 1665.

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LETTRE CXIII.

A Monfieur l'Abbé de Thomaffin, depuis Coadjuteur de Vence. Lettre de confolation fur la mort de fon pere.

MONSIEUR,

Nous venons tous deux de faire une gran de perte, vous d'un bon pere, & moi d'un cher & excellent ami. Je fçai bien que la nature rend la vôtre plus douloureuse, mais enfin elle arrive par la volonté de Dieu : & nous fommes tous deux obligez de nous y foumettre. Nous fommes tous deux Prêtres, & les Prêtres ont particulierement reçû le commandement de Jefus-Chrift de n'appeller perfonne fur la terre leur pere, c'est à dire de ne les pas aimer d'une affection charnelle qui tienne du vieil Adam. Or la douleur de la perte eft de la nature de la poffef fion, non eft in carendo difficultas, dit faint Auguftin, nifi cum eft in habendo cupiditas. Nôtre douleur doit donc être éloignée de toute la foibleffe du vieil homme & toute foumise à Dieu, puifque la poffeffion doitêtre de la même forte; & ainfi il n'eft pas befoin que l'on emploïe beaucoup de paroles pour vous confoler. L'efprit du Sacerdoce fera vâtre confolateur, & offrant à

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