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'dre de la Providence qui vous le ravit. Dieu n'eft pas obligé de fuivre les mouvemens de nos inclinations, ou nos interêts; c'est affez qu'il tire fa gloire de tout ce qu'il fair; & étant Souverain de fes creatures il ne faut point d'autre raifon de leur ufage que cette même Souveraineté. Pour moi je n'ai rien à faire qu'à vous témoigner combien je fens ce coup inopiné, & à vous renouveller les of fres, que déja vous avez eu agreable que je vous fiffe, & je me plaindrois de vous, fi en cette rencontre vous aviez quelque peine à ufer abfolument de moi par quelque confideration de mes interêts, que je mets au deffous des obligations dont je me fens redevable à l'honneur de vôtre bienveillance, & qui font que par tout je protefte hautement d'ê

tre,

&c.

A Vence le 1. Mars. 1669.

LETTRE

CXIX.

A Madame de Nouveau. Confolation fur la mort de fon Mari.

MADAME,

Je viens d'apprendre dans la Lettre d'un de mes amis la mort de Monfieur de Nouveau: j'ai crû qu'après avoir prié pour le repos de fon ame, je devois vous témoigner

la part que je prens en une affliction qui ne peut qu'elle ne trouble le vôtre; mais quand vous aurez donné à la douleur ce que vous lui devez, il faudra rendre à Dieu ce qu'il demande de vous; fçavoir, la foumiffion à la volonté, qui cft toûjours jufte, & toûjours avantageufe pour le falut des Chrétiens, qui la fçavent reconnoître. Si d'un côté nous perdons quelques avantages pour la terre, de l'autre nous en gagnons de plus grands pour le Ciel. Le coup qui nous fait crier, nous guerit dix plaïes pour une qu'il ouvre, & fa main eft toûjours la main d'un pere, que la bonté & la fageffe conduifent également.Jefus Chrift eft le premier Epoux, auquel vôtte ame s'eft donnée au Baptême. Cet Epoux ne pouvant mourir veut auffi, que vôtre obéïffance à fes defirs foit immortelle, & qu'à fon égard vous ne croïez jamais être veuve. Tout paffe en la terre, tout s'enfuit, il n'y a que des ombres & des apparences de grandeur & de contentement. Et heureux celui qui met routes fes prétentions en celui qui demeure éternellement, qui ne paffera point quand les Cieux pafferont, & qui feul merite nôtre respect & nôtre amour. Je le prie qu'il vous confole & qu'il vous beniffe. Je fuis.

Vôtre tres-humble ferviteur.

A Graffe le 28. Juin 1639.

LETTRE CXX.

A Monfieur Mayne. Lettre de compliment.

M

ONSIEUR,

Je ne puis écrivant à Madame la Comreffe de Saint Paul vous oublier, j'ai besoin de vous afin qu'elle excufe ma pareffe, & reçoive agreablement mes devoirs ; mais fans cet interêt je defire avec une ardente paffion que vous m'aimiez toûjours, & que vous croïiez que je ne perds pas le fouvenir des hommes qui vous reffemblent. Je n'ai pas les belles qualitez de l'ame, mais je les aime en autrui & les révére; j'ajoûte qu'une inclination particuliere vous donna mon cœur dés la premiere vûë. Je crois avoir quelque part dans le vôtre, & que vous ne jugerez pas de la fincerité du mien par mes Lettres. Je ne fçai comment il arrive, que j'écris le moins à ceux, aufquels je voudrois & aimerois mieux écrire. J'aurois bien plus de joïe, fi j'étois moins éloigné de vôtre entretien; mais il faut demeurer au pofte, où nous met la Providence. En nôtre defert nous n'avons que l'écho des tempêtes qui fe forment dans votre climat. La derniere qu'une mort imprévûë à appaifée, n'eft-elle pas un long & inépuifable fu

,

jet de reflexions fur la vanité des chofes de ce monde & l'erreur des raifonnemens de l'efprit humain? La politique du Ciel eft bien differente de la nôtre, & fi en ce fiécle les hommes ne fe détrompent de l'eftime de la grandeur & de la confiance en leurs forces, je ne fçai quand ils fe pourront defabufer. Heureux qui fe peut cacher. Je fuis

A Graffe e 19. Août 1641.

LETTRE

C X X I.

A Monfieur le Marechal de Guiche. Com pliment Chrétien fur le Bâton de Marechal de France.

MONSIEUR,

Les nouvelles du monde arrivent fi tard 'dans mon defert, que depuis deux jours feulement j'ai fçû, l'honneur dont le Roi a recompenfé vôtre vertu. Celui que vous me faites de m'aimer m'oblige d'en avoir une joïe toute particuliere, & je me perfuade que vous n'aurez pas defagreable que je vous en rende témoignage. J'eftime peu de chofe d'arriver aux premieres Charges de la Couronne, fi on n'y arrive par le merite comme vous: & fi elles ne reçoivent autant d'éclat pour le moins de celui à qui on les don

,

ne, qu'elles lui en peuvent apporter. Mais j'aurois mauvaise grace à vous loüer, & vôtre modeftie ne fouffriroit pas que je vous dife tout ce que je penfe fur ce fujer. J'aime mieux vous avertir que le Bâton que vous avez reçû n'eft pas fait de bois incorruptible, & que ces fleurs de Lys dont il eft femé, ne font pas éternelles. Comme Chrétien vous êtes appellé à porter le Sceptre & toutes les grandeurs de la terre font petites en comparaifon de celles où vous avez droit de prétendre fans ambition. Celles-là doivent fervir à nous acquerir cellesci, & qui ne s'en fert pour cette fin, eft plus digne de pitié que d'envie. Cela n'eft pas difficile que l'on s'imagine. La grace chrétienne ne tire perfonne de fa condition, elle fait des Saints dans les armées, auffibien que dans les Cloîtres. Tout fidele eft foldat, & le Ciel ne fe gagne que l'épée à la main. Mais je ne m'apperçois pas qu'au lieu d'un compliment je vous écris un Sermon. Vous excuferez, s'il vous plaît, un homme qui fait fon métier & lui ferez l'honneur de croire qu'il eft.

A Vence le 14. Octobre 1641.

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