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point de reflexion fur nous, pour nous voir, fi nous fommes Diamans ou Emeraudes. Travaillons toûjours & laiffons à Dieu le foin de la moiffon:tandis que nous confiderons ce que nous avons gagné, nous laiffons échapper une occafion de gagner davantage. On avanceroit chemin tandis qu'on demande combien on a fait de lieuës, & combien il en refte. C'eft affez que Dieu nous connoiffe; il tiendra plus fidelement compte de nôtre bien, que nous-mêmes. Car c'eft ordinairement l'amour propre, qui veut nombrer nos richeffes fpirituelles, & il en arrive de même, que de l'argent des Rois, dont il demeure toûjours quelque partie à ceux par les mains de qui il paffe.

Du 28. Août 1634.

LETTRE

CXXV.

A Monfieur le Prince de Monaco, fur l'a declaration de ce Prince pour la France contre la Maifon d'Autriche.

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MONSEIGNEUR,

Aprés ce que vôtre Excellence à fair pour la France, il femble que tous ceux qui l'aiment vous doivent rendre quelque témoignage de leur reffentiment, & qu'on ne

peut affez louer une action fi genereufe. Vous aviez trop de lumiere & d'experience, pour ne voir pas que cette grande masse que l'ambition d'Efpagne avoit élevée en fi peu de tems à une fi effroïable grandeur, fans fe foucier de la bâtir fur des fondemens juftes & folides, fe dementoit de toutes parts, & s'en alloit tomber par terre. Vous êtes trop bien inftruit dans les maximes de la veritable politique, pour ignorer que Dieu a mis des bornes auffi bien aux Empires qu'à la mer, & que ceux qui entreprennent de les étendre fans fon ordre, en voulant ufurper le bien d'autrui, expofent le leur en proïe, & aprés des deffeins imaginaires de Conquête font reduits d'ordinaire aux termes d'une honteufe deffenfe. Vous Içavez qu'il n'y a pas une autre Juftice pour les Princes que pour les particuliers, comme ceux qui édifient bâtiffent en vain leur maison, fì Dieu ne la bâtit en mêmetems; c'est-à-dire,s'ils ne la fondent fur l'équité de même ceux-là affemblent inutilement des Provinces pour en faire un grand Corps, fi le Roi des Rois n'est appellé au confeil; je ne dis pas à ce confeil de confcience, comme on la pratique en Espagne; mais comme je le trouve dans l'Evangile. Je n'y vois point, qu'il foit permis à un Empereur Chrétien & Catholique de favorifer l'établiffement d'une herefie nouvelle,

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pour broüiller l'Empire, & profiter de la divifion. Encore moins y trouvai-je, que le pillage de la Ville, où eft le fiége de la Foi, foit licite; bien moins que la captivité du Vicaire de Jefus-Chrift, foit jufte, fi ce n'eft, que pour l'excufer, on veüille alleguer les Proceffions qu'il faifoit en Efpagne pour la delivrance de celui qu'il tenoit prifonnier. Je n'y rencontre pas non plus les maximes de Philippe II. par lefquelles il entretenoit contre un Prince Catholique la revolte de fes Sujets, & abandonnoit la guerre de Flandres contre les rebelles Heretiques, pour favorifer ceux de France. La Conquête du Portugal celebre par la mort de tant de Religieux, à aucun defquels il ne pardonna, dit un Auteur du tems, eft auffi fort difficile à trouver dans la fainte Ecriture. Elle enfeigne auffi peu le fecours donné à ceux de la Rochelle, & le Sac de Mantouë; l'ufurpation du Piémont & la tyrannie de l'Allemagne. Que pouvoit-on attendre de tant de perfidies & de violences, que la confufion de leurs Auteurs & la ruïne de l'édifice dont elles étoient le fondement ? Vous

faires partie de l'Hiftoire; car en dépit de Dieu, qui vous avoir fait naître Souve rain, les Espagnols vous avoient rendu efclave & on pouvoit dire, que Monaco n'étoit pas vôrre Place Capirale, mais vôtre prifon. Les foldats, qui la gardoient, affié

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goient, vôtre perfonne, & ce qui fembloit être une marque de grandeur étoit une veritable fervitude. Vous aviez autant de maîtres que de Capitaines, & de personnes de commandement, & vous fçavez mieux que moi quelle complaifance il falloit avoir pour fupporter leur arrogance & leur me lancholie. Les Vaiffeaux qui fe sauvoient de l'orage dans vôrre Port, en excitoient un autre dans vôtre Maifon. Il leur fembloit que vous deviez reparer toutes leurs pertes, rafraîchir toutes leurs Armées & défraïer tous leurs Ambaffadeurs. Enfin vous faifiez d'ordinaire l'honneur de la Couronne d'Efpagne fans qu'on vous en remerciât feulement. Mais je ne dois pas repeter ce que vôtre Excellence a fi admirablement bien reprefenté dans ce Manifcfte, où vous faites paroître que vôtre efprit feconde vôtre courage. La clarté du premier vous aïant fait penetrer la decadence du Parti que vous fuiviez, vous a fait en même tems voir la feureté & la gloire de celui que vous vouliez prendre. Vous avez confideré que la France avoit un Prince qui ne goûte pas même les voluptez legitimes, & dont la pieté est aussi folide qu'éclatante, qui delibere fagement au confeil, & execute plus genereufement à campagne; qui ne fonge point à la Conquête, mais à la défenfe de fes Alliez oppreflez, qui ne veut point profiter de leur

la

foibleffe, ni s'approprier ce qu'il fait femblant de deffendre. Auffi le bonheur des évenemens a repondu & repond tous les -jours à la juftice des entreprifes & à l'incomparable prudence de ce grand Miniftre qui eft au deffus de toutes nos louanges. Nos ennemis qui ne peuvent refifter par la force, ont eu recours aux trahisons domeftiques. Ils ont cru fe pouvoir dédommager par les derniers coups de leur politique, de toutes leurs pertes. La victoire au premier avoit d'abord favorifé la revolte, mais comme fi elle eût été furprise, elle repara par la mort de celui, qu'elle venoit de couronner, le mal, qu'elle avoit fait, & alla au devant de ceux qui le doivent fuivre. Ce pauvre Prince qui a été la victime de leur ambition, meritoit une meilleure fortune, & la France

ne laiffe pas de le pleurer comme malheureux, encore qu'il fût criminel. C'eft le fecond de ce nom, que leurs artifices ont perdu; mais ils n'ont pas tiré grand profit de leur perte. Leur feconde fufée a été auffi malheureufe, & la prife de Perpignan nous venge affez de leur mauvaife intention. Si aprés cela ils ont encore bonne opinion de leurs forces, je fuis d'avis qu'on leur laiffe le plaifir de cette folie, & qu'on ne travaille pas à guerir des malades incurables. La Providence fçait quelles en feront les fuites; mais la prudence humaine peut fans préfom

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