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d'autres. Toute cette faveur paffée ne paroît-elle pas un phantôme, une figure creufe & vaine, un fonge fugitif, une ombre legere? Dieu qui eft l'éternelle verité, ne passe point, & pour devenir immüables, d'inconftants que nous fommes, il faut nous artacher fortement à lui, qui ne peut changer. J'aurois eu beaucoup de joie de vous dire de bouche ce que je vous écris en courant; mais Dieu ne m'a pas voulu donner cette confolation. Elle m'eût été non feulement agreable, mais neceffaire; car dans ma folitude j'ai befoin, que l'on me réveille & que l'on m'échauffe. Je ne parle pas pour l'amitié que je vous porte & que je vous dois; car fans me fervir de tous les beaux termes du monde, je protefte fincerement & en vrai Chrétien que je fuis avec plus de paffion que je n'ai jamais été.

A Graffe le . Octobre 1842.,

LETTRE CXXVII.

A Monfeigneur *** fur la condamnation du Rituel d'Alet.

M

ONSEIGNEUR,

Je fuis trés- perfuadé de l'utilité du Rituel de Monfeigneur l'Evêque d'Alet, & con

vaincu des maximes qu'il enfeigne, & j'ai vû avec douleur la cenfure que le Pape en a faite, par furprise fans doute. Mais enfin la cenfure porte le nom du Pape, & comment des Evêques particuliers peuvent-ils fe joindre en grand nombre pour donner une Approbation publique à un Ouvrage, que le Pape a fi folemnellement condamné ? N'eft-ce pas fe vouloir feparer de lui publiquement? n'eft-ce pas l'obliger à fe porter aux extrêmitez. pour deffendre fon autorité mortellement bleffée, par ceux qui font fes inferieurs, & qui comme tels ne peuvent & ne doivent pas juftifier ce qu'il condamne Les autres Evêques de France, & des autres Provinces Chrétiennes approuveront-ils cette conduite? le Roi la foûtiendra-t-il & s'il ne nous foûtient, où en serons-nous? Affurement il demeurera bien plutôt du côté du Pape, que du nôtre, & il aura beaucoup d'apparences de raifon d'en ufer ainfi. Ceux qui font perfuadez qu'ils doivent déferer à la cenfure, ne fe rameneront pas par nos Approbations, & fans Approbations le Livre confervera fon credit & fa veneration parmi ceux qui l'ont reçû. Ainfi je ne vois pas quel fruit elles pourront produire, & je crains beaucoup de maux qu'elles pourront caufer. Vous fçavez bien que felon la penfée de faint Auguftin la rupture de l'unité eft le plus grand mal qui

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puiffe arriver dans l'Eglife; & elle eft inévitable fi on fait ce que vous me propofez. Ne vaudroit-il pas mieux écrire une Lettre au Pape que beaucoup d'Evêques figneroient, par laquelle on lui reprefenteroit que fa cenfure a fait beaucoup de mauvais effets en France, & fcandalife les perfonnes de pieté, qui font perfuadez de la verité de la doctrine du Rituel de Monfieur d'Alet ? qu'il eft entre les mains de tous les gens de fçavoir & de pieté qui l'eftiment infiniment: que fa condamnation détruit tout le bien que Monfieur l'Evêque d'Alet a établi dans fon Diocéfe, & y renverfe toute la difcipline Ecclefiaftique: Aprés quoi on fupplicroit le Pape de fe vouloir donner la peine de faire examiner ce Rituel par des perfonnes non fufpectes; ce qui lui fera connoître que l'on a furpris fa Sainteté, & lui fera chercher quelque temperamment jufte & raisonnable, qui décharge ce Livre de la tache outrageufe de fa cenfure, & conferve toutefois l'authorité du Pape qui l'a cenfuré. Cependant les Evêques peuvent recommander ce Livre à leurs Prêtres, & en parler comme d'un Ouvrage bon & utile, & tout à-fait Orthodoxe. Voilà mon fentiment, Monfeigneur que je foûmets à vôtre prudence, & à votre jugement. Monfieur d'Alet ne voudroit Pamour affurém nr, que pour pas de lui nous nous commiffions avec le Pape, Q

& excitaffions quelque tempête, que nous ne pourrions pas appaifer à nôtre avantage. Je ne fuis point deffenfeur de l'authorité immoderée des Papes & de leurs entreprifes, mais j'aime la paix de l'Eglife, & je donnerois volontiers ma vie pour la conferver.

LETTRE

CXXVIII.

A Monseigneur le Prince; fur la mort de Monfeigneur le Prince de Conti.

MONSEIGNEUR,

J'avois trop d'attachement à la perfonne de Monfeigneur le Prince de Conti, & je prens trop de part dans tout ce qui arrive à la Maifon de V. A. pour n'être pas trésfenfiblememt touché d'une fi grande perte. La Religion en fa mort perd un grand appui, l'Estat un grand Prince, & V. A. un frere trés-cher & trés-accompli. Tous ceux qui aiment l'Eglife, le doivent regreter. Tous fes ferviteurs, au nombre defquels il me faifoit l'honneur de me tenir ne peuvent qu'ils ne le pleurent amerement. Vôtre A. le pleurera comme un Heros Chrétien, & n'aura pas nos foibleffes. Ce qui nous doit confoler, c'eft l'efperance, que nous pouvons concevoir, que maintenant il eft

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Roi dans ce Roïaume, dont S. Auguftin dit, que la verité eft le Monarque, la charité la Loi, & l'éternité la durée. Tous les autres Roïaumes en comparaifon de celui-là ne font que bien peu de chofe. Je fuis. MONSEIGNEUR, de V. A. Trés-humble & trés-obéïffant ferviteur Antoine Ev. de Vence.

Ce 13. Mars.

LETTRE CXXIX.

A Madame la Ducheffe de Longueville,
Sur le même sujet.

MADAME,

C'est moins pour confoler Vôtre. Alteffe que pour lui témoigner la douleur que je fens de la mort de Monfeigneur le Prince de Conti, que je prens la liberté de lui écrire. La Religion & l'Eftat font une fi grande perte en fa Perfonne, qu'un Evêque qui doit aimer l'un & l'autre ne peut en être mediocrement touché ; mais la profeffion particuliere que je faifois d'être fon ferviteur, & la part que je prens dans tout ce qui vous arrive, m'obligent à un reffentiment. plus grand que celui des autres. Je le pleute donc, Madame, pour l'amour de l'Eglife,

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