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bonheur du Ciel, aprés qu'elle aura longtems joui de ceux de la terre.

SIRE,

De VOTRE MAJESTE',

Le trés- humble, trés - obéïffant & fidele fujet & ferviteur, Antoine Evêque de Vence.

LETTRE CXXXII.

"An ROY; fur la mort de la Reine Mere.

SIRE,

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Je ne fçai fi je ne peche point contre le refpect,que je dois à VÔTRE MAJESTE prenant la hardieffe de lui écrire, dans la malheureufe conjoncture de la mort de la Reine fa Mere. Mais la part que fes veritables ferviteurs doivent prendre en la douleur qu'elle reffent, la veneration que j'avois pour fa Majefté defunte, les obligations particulieres, dont je lui étois redevable, & la perte generale que fait l'Eftat, në m'ont pû permettre de garder le filence. Je n'entreprends pas de confoler V. M. d'une fi grande perte; Je ne lui pourrois rien dire que d'autres ne lui aïent dit avec plus de force que moi. Elle a un cfprit fi éclairé,

qu'il trouve dans lui-même toutes les ralfons qui peuvent fervir à foulager fa douleur. Elle a tant de pieté, qu'elle eft parfaitement foumife aux ordres de la Providence, qui eft la Maîtreffe de la vie des Rois & des Reines, comme de la vie du moindre de leurs fujets. Elle a un cœur fi ferme, que les plus grandes afflictions ne le peuvent ébranler, Elle a tant de fageffe, qu'Elle fçait accorder parfaitement les tendreffes de la nature avec la fermeté de la contance, Saint Louis dont Elle porte le nom, & qui eft un Patron qu'Elle veut fans doute imiter, reçût la nouvelle de la mort de la Reine Blanche fa mere, tandis qu'il étoit en Orient, pour faire la guerre aux Infideles. Elle étoit la meilleure mere ; & lui le meilleur fils du monde. Elle lui avoit, confervé sa Couronne comme l'a fait celle, que pleure V. M contre les efforts de ceux, qui l'a lui vouloient ôrer tout-à-fait, ou en diminuer notablement la puiffance & la fplendeur. Elle avoir une paffion pour fa gloire, qu'on ne peut exprimer. Il fut donc trés-fenfiblement touché de fa mort; mais auffi-tôt qu'il· cut apris certe fâcheufe nouvelle du Legat du Papes il fe jetta à genoux, & il adora le jugement de Dieu,qui lui ôtoit une fi bonne & fi excellente mere qu'il lui avoit prêtée; ce fut le mot, dont il fe fervit. En effet, SIRE, Dicu ne donne pas aux Rois de telles meres

pour demeurer toûjours avec eux, c'est assez qu'il les leur prête pour les fervir en des tems perilleux, où ils ont befoin de leur amour, de leur prudence, & de leur courage; aprés cela il les retire à foi, pour les recompenfer des fervices qu'elles leur ont rendu. Il n'y a point de Reine, qui ait tant de raport avec Blanche de Caftille, que la Reine vôtre mere. La Minorité de V. M. & celle de S. Louis ont été agitées des mêmes tempêtes; elle les a heureufement furmontées, & vous a remis entre les mains le Sceptre auffi paifible, qu'elle l'avoit reçû pour le foûtenir durant vôtre bas-âge. Maintenant V. M. n'a plus befoin d'une autre main que de la fienne pour en porter la pefanteur. Elle est toute feule le Pilote du Vaiffeau, qui fous la conduite d'un fi grand Prince n'a plus rien à craindre; Elle fe fouvient des maximes de pieté pour Dieu, de zele pour la Religion, de tendreffe pour fes peuples, & d'innocence pour fa vie particuliere, qu'elle luia infpirées. N'étoit-il donc pas tems, SIR E, que SIRE, que Dieu mît cette grande Princeffe en repos, dont la paffion inquiéte pour V. M. l'empêchoit toûjours de jouir. On peut dire dire que la gloire eft entrée avec elle dans fon tombeau. Le deüil public de la France, les gemiffemens des pauvres, les benedictions des peuples, font des marques certaines de fa vertu. On pourroit lui ren

dre les honneurs, que l'on doit aux Reines; mais fi on ne la regardoit comme une Reine admirable, ces honneurs n'auroient que de la pompe du dehors, les cœurs ne feroient pas touchez comme ils font. Les langues feroient libres, & on ne pourroit pas s'empêcher de blâmer fes mauvaises actions, ou fa mauvaise conduite. Mais la trifteffe eft autant dans les cœurs, que fur les vifages. Tous parlent de fa pieté, de fon zele, de fa liberalité, de fa clemence, de sa bonté, & de fa charité, en des termes qui ne font point fufpects de flâterie. Chacun regarde cette mort comme funefte à la France. Dieu par la mifericorde, SIRE, veuille empêcher ce mauvais préfage. La Reine vôtre mere étant devant Dieu, comme il y a tout fujet d'efperer, qu'elle y eft,le priera continuellement pour la confervation de V. M. pour la paix, & pour la gloire du Roïaume; elle attirera fa benediction fur Vôtre Roïale Perfonne, elle lui obtiendra la continuation des lumieres qu'elle fait paroître, & l'exe cution du grand déffein de reformer tous les defordres de fon Roïaume, à quoi elle travaille fi dignement. Enfin, SIRE, par fa protection vous ferez un grand Roi & un grand faint. Elle ne veut pas l'un fans l'autre pour V. M., parce qu'elle l'aime maintenant d'un amour purifié de toute imperfection, Elle defire davantage de

vous voir avec elle aux pieds du Trône du Roi des Rois, que fur le trône de tout le monde. Le monde prefent n'eft qu'un phantôme, qui s'évanouit dans peu de tems; mais le Roïaume de Dieu, où l'on n'arrive que par l'innocence de la vie, fubfiftera éternellement. Excufez-moi, SIRE, fi j'entretiens fi long-tems, & fi mal V. M. & faites-moi, l'honneur de croire que je fuis avec un refpect & une paffion que je ne lui puis dire.

LETTRE CXXXIII.

A la REINE ; fur la mort de la Reine Mere.

MADAME,

C'eft peut-être manquer de refpect que de prendre la hardieffe d'écrire à VÔTRE MAJESTE' dans la conjoncture prefente de la mort de la Reine mere, mais la part que tous les bons François doivent prendre en la violente douleur qu'en reffent V. M. ne m'a pû permettre de me taire. La charité oblige les Evêques de pleurer avec ceux qui pleurent, à plus forte raifon doivent-ils mêler leurs larmes avec les larmes des grandes Reines leurs Maîtreffes telle qu'eft V. M. Ce n'eft pas affez pour eux de pleurer avec elles, il faut qu'ils tâchent d'arrêter leurs

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