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je me démafque, & que tout de bon je vous dife ce que je penfe de vôtre Ouvrage; il n'eft indigne, ni de vôtre efprit, ni de vôtre âge, ni de vôtre condition, ni de vôtre)

vertu.

LETTRE CXXXV.

Monfeigneur le Cardinal de Vendome ; fur fa promotion au Cardinalat

MONS

ONSEIGNEUR,

Si la Pourpre dont vous venez d'être révêtu, n'étoit fimplement qu'une couleur éclatante, je ne croirois pas avoir fujet de m'en beaucoup réjouir; ni qu'elle ajoûtât grand'chofe à vôtre Manteau Ducal; mais c'eft une Pourpre teinte dans le Sang de Jefus Chrift, elle vous fait Prince de l'Eglife. C'eft ce qui me la fait confiderer comme precicufe, & ce qui m'oblige de vous té moigner la joie que j'ai de vous voir en un fi haut rang, non feulement comme vôtre ferviteur particulier, mais comme un Evêque intereffé pour l'Epoufe du Fils de Dieu. C'eft elle, que maintenant vous êtes obligé de défendre jufqu'à repandre vôtre fang pour elle : & comme par la grace de Dieu, elle n'eft pas en neceffité de recevoir ce fervice de vous, j'efpere. que vous la défendrez

ne font

plus paifiblement, mais non pas moins courageufement, fi vous ne prenez pas l'Emi nence dans vos Titres, vous la confervant dans vôtre vertu : & c'eft ce qui vous fera veritablement grand devant Dieu, devant qui toutes les autres Grandeurs que pouffiere. Je lui demande de tout mon cœur, qu'il vous rende un digre Prince de fon Eglife; & je prie V. A. de croire que perfonne ne fe réjouit plus veritablement que moi de vôtre promotion, & n'eft avec plus de refpect.

LETTRE CXXXV I.

A Monfieur du Pleffis. Comment il faut qu'un Chrétien prenne les pertes & les afflictions.

MONS

ONSIEUR,

J'ai appris le defordre qui eft arrivé dans vos affaires, & le coup dont Dieu vois a frappé. Cette nouvelle m'auroit plus fenfiblement affligé, qu'elle n'a fait, fi je n'avois appris en même tems de quelle façon vous l'avez reçû, & quel eft l'ufage que vous en faites. C'eft une chofe fâcheufe fans doute de perdre fon bien; mais cela n'eft fâcheux qu'à ceux qui font attachez à leur bien, & il n'y a difficulté de souffrir la dit faint Auguftin, que quand il y a

perte,

eu beaucoup de convoitise à joüir. Mais un vrai Chrétien ne veut jouir de rien fur la terre, il ufe fimplement des chofes, & il les tient toûjours dans une dépendance abfoluë de la volonté de Dieu. C'eft le grand fecret pour demeurer en repos, quand on vient à en être privé. C'eft un moïen de faire un facrifice agreable à Dieu, & de participer à la pauvreté, à l'abjećtion, & aux fouffrances de fon Fils; & qu'y a-t-il de plus avantageux, & de plus fouhaittable à un vrai difciple de Jefus-Christ, que cette conformité; la nature ne la peut goûter, elle la craint, elle la fuit, elle l'abhorre: mais un vrai Chrétien, ne doit pas vivre felon la nature. Depuis que le Fils de Dieu s'eft fait Homme, les hommes doivent ceffer d'être hommes, & il faut qu'ils fuivent d'autres maximes, qu'ils changent de pensées, & de fentimens. Perfonne ne s'aviferoit de choisir cet état nouveau ; mais quand la Providence nous y met par les évenemens de nôtre vie, nous devons la benir, & adorer les jugemens qui nous font fi avantageux pour le falut éternel. Tout ce que l'on peut en ce monde pour l'acquerir ou pour l'affurer, c'eft un grand gain. Car qu'est-ce que l'on peut perdre que des biens périffables, qui paffent & qui s'écoulent fi vite. Ce font des chaînes dont on eft déchargé, ce font des poids pefans, dont on eft délivré. Je

prie Dieu qu'il imprime bien ces veritez dans vôtre cœur, qu'il foit vôtre soûtient, vôtre tréfor, vôtre efperance, & vôtre unique amour. C'eft en lui que je fuis.

LETTRE CXXXVII.

Madame du Pleffis fur le même sujet.

MADAME,

;

J'écris à Monfieur du Pleffis une Lettre fur la nouvelle que j'ai apprife du coup dont Dieu à frappé vôtre Maifon. Il vous fera fans doute part de ce que je lui mande, & je ne doute point qu'avant moi vous ne lui aïez dit les mêmes chofes. Mais j'aprens que vous les pratiquez mieux que vous ne les dites & c'eft ce qui a beaucoup diminué ma douleur apprenant vôtre avanture. Car que peut-on fouhaiter de plus avantageux à fes amis que le falut éternel, & qu'y-a-t-il qu'il faille leur fouhaitter que cela? Or rien n'affure tant ce falut que la perte des biens de la terre, parce que ces biens ou empêchent tout-à-fait d'y fonger, ou du moins font qu'on y travaille avec plus de tiédeur & moins de pureté. Il y a un poifon attaché aux grandeurs & aux richeffes de la terre, qui altere le cœur s'il ne le corrompt tout-à-fait ; qui obfcurcit fa

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lumiere & qui retarde fon vol vers le Souverain bien. Il faut pour aller à Dicu être déchargé du poids des richeffes & des emplois du monde, & on avance dans le chemin de fon amour à mesure que l'on eft vuide de foi-même. Or rien ne vous remplit tant de nous-même que la profperité du fiécle l'abondance & l'autorité, Heureux fommes nous donc quand la Providence ou diminuë, ou nous ôre ces chofes que nous ne quitterions jamais de nous-mêmes. Vous fçavez toutes ces veritez, Madame, aïant fuçé il y a long-tems la veritable doctrine de l'Evangile & fuivi d'autres maximes que celles du monde. Voici le tems de mettre la fpeculation en pratique & de faire voir vous avez profité de l'Ecole. Je prie le divin Maître qui y occupe la Chaire, de fortifier vôtre cœur contre cette grande tentation, & qu'il la fasse fervir à vôtre lavancement en fon amour & au dégagement de l'amour du fiècle. C'eft tout le fecours que je vous puis donner dans mon impuiffance, qui n'empêche pas que je ne fois avec palfion.

que

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