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mais pour l'Eglife, & pour Dieu; leur union étant un grand Myftere en Jefus Chrift, & en fon Eglife. La vie des enfans eft donc plus à Dieu, & à l'Eglife, que ny à eux-mêmes, ny à leurs peres, & à leurs meres. Quand donc ils la perdent pour fa deffenfe, ils païent une dette, & fe doivent eftimer bienheureux, que Dieu accepte leur facrifice, & leurs peres & meres doivent humblement aquiefcer à ce facrifice, & s'y joindre par leur foumiffion, Monficur vôtre fils étant brave, comme il étoit, ne pouvoit fouhaitter une autre mort, que celle des braves dans le lit d'honneur. Mais étant Chrétien, comme il l'étoit, afant appris de vous les veritables maximes du Chriftianifme, bien éloignées de celles du monde, il devoit craindre, & il craignoit fans doute ce lit d'honneur de la terre, qui eft le lit de l'ignominie éternelle dans l'Enfer. Le voilà maintenant en affurance, il eft mort en brave & en Chrétien au lit d'honneur pour le Ciel, auffi-bien que pour la terre, & il eft couronné des mains de la Foi, & des mains de la gloire. Quel fujet de confolation pour vous, Madame, qui lui voïez achever fa carriere fi honorablement, & fi faintement. Il a donné fa vie pour la deffenfe de la Religion, & dans le Ciel il fera le deffenfeur de fa Famille affligée, & perfecutée ; ce qui eft le caractere d'une Fa

, que

mille Chrétienne. Quand la Maifon de la terre eft fi folidement bâtie que rien ce femble ne la peut renverfer, quand elle est élevée fi haut,qu'elle ne peut monter davantage, il eft fort à craindre la Maifon du Ciel ne foit bien peu folide & bien basse parce que les fondemens de ces deux édifices font tous contraires les uns aux autres. Et dequoi fert à un vrai Chrétien d'être bien logé dans un Païs, où il ne doit pas demeu rer, mais où il ne fait que paffer, & où il doit vivre comme un pelerin, & non pas comme un citoïen ? il n'y peut rien perdre, parce qu'il n'y veut rien poffeder, & que toutes les prétentions font en cette patrie, où on ne perd rien, & on ne poffede que des biens grands, folides, veritables, & éternels. Portons-y tous nos defirs, Madame, & n'aimons que cela. Je fuis de tout mon cœur en celui qui en eft le Roi.

LETTRE CXLI.

A Meffieurs

* * fur cette expreffion; Le Soleil fait le jour.

MESSIEURS,

Vous me faites beaucoup d'honneur de me prendre pour juge de la noble difpute, qui s'eft élevée entre vous.

Non noftrum est tantas componere lites. Comme le Soleil eft le fujet de vôtre diffe rent, il faudroit pour bien juger, avoir l'efprit plus lumineux que je ne l'ai ....Dans mon âge penchant

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Et qui fe voit fi prés de fon trifte couchant. Je ne prononcerai donc rien commne Juge & je me contenterai de parler comme un admirateur de ce bel Aftre, je fuis tout-àfait partial pour lui, je voudrois qu'il fir toutes chofes dans la Poëfie, auffi-bien que dans la nature. Mais s'il n'a point de bor nes dans celle-ci, il en a fans doute quelques-unes dans celle-là. Dire qu'il fait le jour, c'eft parler proprement, & felon l'ufage de toutes les langues, lequel eft le Maître fouverain en cela. Mais c'eft encore faire entendre plus qu'on ne dit, il y a quelque fens plus beau, que ne porte de foi ce mot de faire. Je ne fçai fi je m'explique bien, dire, que le Soleil peint les jours, c'eft parler figurement, & emploïer une Metaphore, qui d'abord frappe l'imagination par fa nouveauté & femble exprimer un fens fort beau; mais quand l'entendement confidere de plus prés cette locution, il en eft affurement bleffé, & la lu miere qu'elle porte, reflemble à celle d'un éclair, qui eft plus vive, & plus refplandiffante que celle du Soleil, mais qui éblouit, qui bleffe les yeux, & qui difparoît

incontinent. La Metaphore hardie eft comme le caractere de la Poëfie qui eft differente de la Profe, en ce qu'elle ne dit jamais les chofes par leur nom. Plus la hardieffe va loin, plus elle femble belle, & la furprise de l'imagination ou l'image nouvelle & extraordinaire qu'elle forme, fait que d'abord elle plaît. Il y a des langues, où elle regne plus imperieufement que dans d'autres. Elle eft plus hardie dans la langue Grecque, que dans la Latine, & plus dans l'Efpagnole, que dans l'Italienne. Le Taffe a des hardieffes belles & nouvelles. Mais le Cavalier Marini en a de furprenantes, & de bizares; toutefois elles trouvent des Lecteurs à qui elles plaifent.

LETTRE CXLII.

A Madame la Marquise de Ramboüillet; fur la mort de Madame la Marquise de Grignan.

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Encore que vous aïez le cœur d'une anciene Romainne, il ne laiffe pas d'être tendre, comme celui d'une bonne mere: & vôtre haute vertu n'a pas empêché en vous les fentimens de la nature dans la mort de Madame la Marquise de Grignan. Aussi

?

ne faut-il pas pour être la femme forte être la femme infenfible. La vertu des Chrétiens n'eft pas la dureté d'une ftatuë, c'eft une foumiffion genereufe & humble tout enfemble aux ordres de la Providence de Dieu; comme ils font les ordres de nôtre Maître, ils doivent fuivre fa volonté & fa fageffe, & non pas nos interêts, ou nos inclinations: Nous devons être affurez, qu'ils font toûjours juftes & qu'ils fervent à nôtre falut. S. Paul dit, que toutes chofes cooperent en bien à ceux qui aiment Dieu ; & S. Auguftin ajoûte même les pechez. Or fi les pechez, qui font les ennemis de nôtre falut, nous peuvent fervir pour nous fauver, à plus forte raifon la mort des perfonnes, qui nous font les plus cheres, nous y doitelle être utile, Car ce n'est pas à proprement parler une mort & une perte ce n'eft qu'une avance du voïage vers la Patrie Celefte, à laquelle la Foi nous oblige de tendre tous par un defir continuel. Celui-là n'eft pas veritablement Chrétien, à qui la vie prefente n'eft pas à charge, qui ne la porte pas en patience, comme un baniffement, & qui ne defire pas d'en être delivré comme d'une prison. En tout tems elle a dû être ennuïeuse aux Chrétiens de bonne efperance, comme les appelle faint Auguf tin, mais dans le fiécle où nous fommes, elle me femble insupportable. Heureux font donc

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