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que Madame vôtre chere Epoufe vous attend. Elle s'eft fait tant d'amis par fes aumônes, pour la recevoir dans les tabernacles éternels, que fi elle n'y a été reçûë par eux en triomphe, perfonne ne doit efperer d'y être jamais reçû. S'il y avoit un S. Paul vivant fur la terre, tant de pauvres qu'elle a révêtus lui pourroient montrer les robes qu'elle leur donnoit, & l'obliger à la reffufciter. Mais Jefus - Chrift, qu'elle a révêtu en eux & à qui elle a donné non pas un verre d'eau froide, mais de l'or, des perles, & des diamans, la reffufcitera de la feconde refurrection, qui eft le feul bien que nous lui pouvons fouhaiter. La vie prefente ne doit jamais être agreable à un vrai Chrétien, qui en attend une autre meilleure. Mais nous fommes en un fiecle, qui a perdu, comme S. Auguftin difoit du fien, l'apparence même de la feduction Bienheureux donc font ceux, qui fortent d'un Païs fi malheureux, mais qui en fortent, comme eft fortie celle que nous pleurons, pleine de bonnes œuvres. Je prie Dieu qu'il vous confole & je suis.

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Ce 26. Septembre 1665.

LETTRE

CXLIX.

A Madame la Ducheffe d'Eguillon; fur la perte des efperances de fa Famille par la mort de fon Neveu.

MADAME,

Comme je fuis reculé au bout du Roïaume & que j'ai peu de commerce avec Paris, j'aprens bien tard les chofes qui y arrivent. C'eft ce qui me fait efperer que vous m'excuferez aifément, fi je ne vous ay pas témoigné plutôt la part que je prens dans la perte que vous venez de faire. J'ai trop d'o bligation de m'interffer en tout ce qui vous arrive, pour n'être pas touché de vôtre afflic tion. Je fçai quelle eft vôtre tendreffe ; & je confidere toutes les circonftances qui peuvent augmenter vôtre douleur. Mais je fçai auffi quelle eft vôtre pieté, & que vous êtes meilleure Chrétienne, que vous n'êtes bonne tante. En verité le coup que vous avez reçû, eft de ces coups dont Dieu frape les ames fortes, dont il veut éprouver la foi & la foumiffion à fes volontez. Mais l'épreuve de la tribulation doit, felon l'Apôtre, produire l'efperance & une efperance vive qui ne confond point. Ce fera fans doute ce qu'elle produira dans vôtre cœur,

que

c'eft la feule chofe quieft capable de vous confoler; car fi vous ne regardiez que les efperances de la terre, qui font toutes perduës, vous auriez raifon d'être inconfolable, & que font ces efperances de grandeur de Famille & de confervation de Maison, que des efperances de chofes vaines & paffageres? Nôtre Famille eft la focieté des Saints; nôtre Maison eft le Paradis, & tout ce qui nous y peut conduire eft nôtre profperité. Or rien ne nous y conduit plus furement que le renversement de nos deffeins, & les afflictions pareilles à la vôtre. Faire en ces occafions un facrifice volontaire à Dieu de ce qu'il vous ôte par la conduite de fa Providence, c'eft beaucoup plus gagner que perdre, c'eft avoir plus de fujet de rendre des actions de graces, que de faire des plaintes. Tous les Chrétiens font enfans d'Abraham par la foi, & tous le doivent imiter dans le grand facrifice, qu'il fit de fon fils unique conçu par un miracle, & dans lequel il lui avoit été dit, que toutes les Nations feroient benies. S'ils ne facrifient pas de leur propre main leurs enfans & leurs parens, les plus proches & les plus neceffaires à la con fervation de leurs Familles, ils doivent confentir de bon cœur, que Dieu les facrific par la mort au tems & en la maniere qui

plaît. Sa Providence pour nous eft la Providence d'un Pere charitable, qui nous

te quelquefois des perfonnes, fur qui nous bâtiflions de grandes efperances & qui nous euffent été des fujets d'affliction & de confufion. Laiffez-le donc faire, Madame, & eftimez-vous bienheureufe d'être marquée du Sceau de fon Fils, qui eft la Croix. Je fe prie de vous la rendre douce, & je fuis avec tout le refpect que je dois.

Ce 25. Septembre 1665.

LETTRE CL.

A Monfieur le Comte de Brienne ; fur la mort de Madame sa mers.

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Ce n'eft pas pour vous confoler de la mort de Madame vôtre mere que je vous écris cette Lettre. Je fçai que fefus-Chrift à qui vous vous êtes donné, eft vôtre Confolateur, que c'eft à fes pieds que vous la pleurez, & je ne doute point que vous ne lui en aïez fait un amoureux facrifice. C'eft plu τότ pour me confoler moi-même avec vous de la perte d'une amie fi précieufe, & pour me fortifier par votre conftance. Un tel fils que vous, n'a pas, à proprement par ler, perdu une telle mere, il la confidere comme aïant pris les devants pour arriver à

la Patrie aprés laquelle elle foûpiroit, & aprés laquelle il foûpire lui-même. Vous vous étiez déja feparé d'elle, d'une manicre qui montroit bien que vous ne la confi deriez que comme vôtre mere felon l'efprit du Chriftianisme le plus parfait. Vous ne pouviez voir auprés d'elle, que des exemples de pieté; vous n'y euffiez trouvé aucun empêchement à vos exercices de devotion ; vous avez voulu neanmoins vous feparer d'elle, & venir dans une terre étrangere, que le Seigneur vous a montrée; vous vivez parmi les Prêtres de Jefus - Chrift, qui vivent felon l'efprit de la Prêtrife, & vous fçavez que cette Prêtrife ne connoît ni pere ni mere & qu'elle n'eft attachée qu'au Pere, qui eft dans les Cieux. Les Chrétiens, dit l'Apôtre, ne doivent pas regretter leurs morts comme les Gentils, mais les Clercs de l'Eglife ne les doivent pas regretter comme les autres Chrétiens. On fouffre en ceux-ci des tendreffes & des foibleffes, qui ne font pas pardonnables à ceux-là. La douleur, que l'on fent en la perte de quelque chofe eft la marque de la pureté, ou de l'impureté avec laquelle on la poffedoit. Ceux qui au lieu d'ufer des creatures, en ve ilent jouir, font inconfolables, quand quelque accident les en prive. Mais ceux qui n'en ont que le fimple ufage, font toûjours prêts de les perdre,& bien loin de murmurer contre Dieu

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