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rois coupable devant Jefus-Chrift, fi je n'avois fuivi le mouvement qu'il me donne de vous adreffer cette Lettre, je me promets, que vous la lirez plus d'une fois, & que chaque mot fera quelque impreffion particuliere dans votre cœur. S'il falloit l'écrire de mon fang je n'en ferois pas avare, & j'eftimerois ma vie bien employée pour vous mettre dans les voyes d'un bon Abbé. Je ne cefferai de demander cette grace à l'Auteur de toutes les graces, & cependant permettez-moi de me dire.

LETTRE IX.

A Monfieur Giry (Louis) Advocat au Parlement. Il le congratule fur la traduction des harangues de Symmaque & de faint Ambroife, fur l'Autel de la victoire imprimée à Paris en 1636.

MONSIEUR,

Vôtre Lettre feroit un affez grand prefent toute feule pour m'obliger à vous remercier, Car outre que vôtre efprit y fait paroître la delicateffe, vous m'y donnez des marques fi cheres de la continuation de vôtre amitié, que je ne puis rien voir de plus agréable. Je defirerois feulement que vous

euffiez pris un peu plus de foin de ma modeftie, & que vôtre affection eût été tendre fans être Åâteufe; mais vous voulez que vôtre humilité triomphe, auffi bien que vôtre plume dans l'admirable verfion des Pieces que vous m'avez envoyée. J'avois toûjours fouhaitté que la France pûr entendre ces deux Orateurs qui ont été le miracle & les délices de leur fiècle. La cau

de

fe que faint Ambroise deffend eft fi illuftre, il la foûtient avec tant de force & de lumiere, fon ennemi le combat avec tant d'a dreffe, & le menfonge dans fa bouche a de fi belles couleurs, que j'aurois de la peine à fouffrir que toutes fes richeffes demeuraffent inconnues. Neft vrai qu'avant que vous connoître je ne voïois perfonne capable d'executer heureufement ma penfée; mais depuls que j'ai vu vôtre Apologie de Tertulien, où vous avez paffé fur autant d'écueils qu'il ya de paroles, avec une adreffe merveilleufe, j'ay toûjours eu envie de vous propofer la tâche que vous avez fi heureufement achevée.Je n'ai pas conferé encore les Originaux avec les Copies; Car j'ay reçû mon Paquet fur le chemin de Graffe. Mais je fuis tres-affuré que vous parlez mieux François, que vos Auteurs ne parlent Latin & que vous leur avez donné de nouveaux ornemens. Vôtre ftile eft pur & fort tout enfemble, il n'y a rien d'affecté, les mouve

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que

mens y font dans toute leur force, & les fi gures y brillent de tous côtez. Ne vous laf fez pas, Monfieur,de travailler pour l'Eglife, & puifque vous connoiffez ce miracle d'un Evêque, dont la vie fut un continuel triomphe,qui vit les Empereurs à fes pieds, & qui s'eftima plus fort avec fa Mître, qu' eux avec leurs diadêmes & leurs armées ; ne le quittez pas fi-tôt ; c'eft un tréfor caché fes Livres, & s'il vous plaît de lire le Traité des Vierges, je m'aflure que vous formerez auffi-tôt le deffein de le rendre François. C'eft-là que la delicateffe de fon efprit paroît avec plus d'éclat, qu'il feme fon difcours de Lys & de Rofes, que la pureté de fes penfées égale celle de fon fujer. Vous répondriez à Dieu du talent qu'il vous a donné pour la traduction, fi vous negligiez de l'emploïer pour l'inftruction des hommes. Dans ce travail vous vous inftruirez des plus belles veritez du Chriftianifme vous prendrez l'air de cette ancienne Eglife, fi agreable en fon aufterité, fi févere en fa difcipline, fi religieufe en fes céremonies, fi conftante en fes maximes; vous vous affermirez en cette folide devotion, éloignée de fard & de fineffe, laquelle étoit pratiquée ences heureux tems, & ainfi vous receüillerez le premier une abondante moiffon de vôtre peine. Je fuis.

A Marseille le 7. Mars 1639.

LETTRE XX.

A Mademoiselle Paulet. Fruits que l'on doit tirer de la méditation fur la paffion de Fefus - Chrift.

MA

ADEMOISELLE,

Cette Lettre vous fera renduë en un tems qui doit être tout confacré à la Paffion du Fils de Dieu, & où les Chrêtiens ne doivent converfer qu'avec lui fur le Calvaire. C'est pourquoi je ne veux pas la faire longue. Que nous ferions heureux, fi nous pouvions bien mourir avec Jefus-Chrift, & bien reffufciter avec lui lorfque nous entendons parler de fes ignominies, de fes peines, de fes langueurs, nous fommes un peu émus , nous répandons quelques larmes ; mais qu'elles font bien-tôt taries, & que nôtre reffentiment à peu de durée ! que cette mort opere foiblement en nous !Toutesfois que ne devroit-elle, & que ne pourroit-elle operer? Sur la mort même elle a operé la mort, & elle eft une fource de vie pour ceux en qui elle agit felon toute fon étenduë; elle aporte avec elle dans les cœurs la lumiere & la paix ; elle y établit le régne du nouvel homme; elle y jette les femences d'une

gloire qui ne finira jamais; elle nous détrompe des erreurs communes qui abufent les hommes; enfin pour tout dire, elle nous fait vrais enfans de Jefus-Chrift; les coups en font fenfibles, mais leur rudeffe eft adoucie par des confolations ineffables. Il ne faut

qu'un peu de courage, & on fe mocque de ce qui nous faifoit horreur: mais à qui par. lai-je de courage à la plus vaillante fille que je connoiffe. Tâchez de devenir la plus fainte; vous la ferez indubitablement, fi yous êtes la plus humble & la plus patiente.

4 Graffe ce 3. Avril 1639.

LETTRE XXI.

A Monfieur d'Andilly. Aimer fa folitude les charmes de la grace.

MONSIEUR

Parlez Hermite de Pompone au Chartreux de Graffe; dites lui à quoi vous fongez fous vos Poitiers au bord de la Marne, il vous dira à quoi il fonge fous fes Orangers au rivage de la Mer. Je fuis bien affuré que vous ne fongez gueres au monde, fi ce n'eft pour le méprifer; je ne l'eftime pas beaucoup auffi, & il me femble que tout ce

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