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moins qu'il y a trois états qui ont plus d'oppofition à la fainteté, celui des richeffes celui de la fcience, celui de la grandeur. La beatitude n'eft promife qu'aux pauvres d'efprit, qu'à ceux qui fouffrent,qu'aux personnes viles devant les yeux des hommes. Et ce qui me donne de l'étonnement, eft que nôtre Seigneur qui a voulu defcendre de David, n'eft né que lorfque la Royauté étoit en roture dans fa maifon : car la fainte Vierge époufe un charpentier qui fait un métier bien éloigné de la fplendeur de la Souveraineté. De tant de Rois qui ont porté le Sceptre, à peine en compte-t-on une douzaine qui foient Saints, & l'Eglife en la fête de Saint Henri Empereur, dit en l'Oraifon de l'Office: O Seigneur, qui ne refufez vôtre grace à aucune condition; comme fi c'étoit un effet particulier & rare de fa mifericorde de voir un Prince fon ferviteur. Je le benis avec raifon de ce que vous êtes du nombre de ceux qui ont reconnu la vanité de leur grandeur, & je fuis ravi de joie, voïant qu'en ce malheureux fiecle vos mœurs font Chrêtiennes, & vôtre vie fi reglée, que les Ecclefiaftiques peuvent profiter de vôtre exemple. J'avoue que pour moi j'en tire une inftruction, & que la paffion que vous avez pour le bien temporel de la Province m'en donne pour le bien fpirituel de mon Diocêfe. Je ne puis détourner les malheurs

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qui le menacent en particulier par le voilinage de l'ennemi, qu'en levant les mains au Ciel & m'offrant comme victime pour tout mon peuple, tandis que vous combattrez pour lui & que vous ferez voir que vous avez autant de courage pour défendre la Province, que de fageffe pour la gouverner. Je fuis.

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A Graffe le 8. Avril 1639.

LETTRE

XXIV.

A Madame la Comteffe de *** Que la parfaite amitié eft fondée sur le Chriftianifme.

MADAME,

J'ai reçû la Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, qui me témoigne que vous êtes toûjours bonne Chrêtienne & bonne amie. Cette feconde qualité dépend de la premiere, & comme le monde n'a point de véritable fageffe, auffi n'a-t-il point de parfaite amitié. L'interêt feul de la fortune ou du plaifir fait prefque toutes fes liaifons, & il y a plus de fujet de fe défier de leurs forces, plus il affure qu'elles feront immuables. L'âge & les humeurs féparent aisément les perfonnes qui paroif

foient

foient trés-étroitement unis. La vertu mê

me purement morale n'est pas un fondement affez ferme pour établir une affection conftante, puifqu'elle même, quelques tîtres que notre vanité lui donne, n'a que fort peu de lumiere, & encore moins de folidité. Il n'appartient qu'à la grace de Jefus-Chrift, qui eft une participation de la nature divine, d'élever l'homme à quelque ftabilité,& d'arrêter ce funefte cours qui le porte au néant avec tant de violence. Toutes les chofes en leur être propre font baffes, foibles, impures, & indignes d'un cœur capable de poffeder celui par qui toutes chofes ont été faites. Tout eft où il fe trouve, & il n'y a rien où il n'eft pas. C'eft la robe qui nous pare, & fans lui, fuffions-nous revêtus d'un manteau Royal, ou couronnez d'une Thiare, cet équipage pompeux ne seroit devant les yeux qu'un habillement de theatre, qui ne nous donneroit aucune véritable grandeur. Il eft vrai que comme maintenant il eft humilié en fes membres, auffibien qu'il l'a été autrefois en fa perfonne, les dignitez féculieres, & les qualitez exterieures font plus refpectées aujourd'hui que les qualitez chrétiennes qui font cachées; & qu'il veut même que,fans confiderer le peché, nous honorions les pecheurs qu'il a mis dans les charges. Mais en cela nous devons reconnoître une conduite d'huD

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miliation fur l'Eglife qui finira aprés le Ju gement, car dans le Ciel chacun fera honoré felon le merite & la fainteté de fa grace & un Saint fera grand Saint, felon que Jefus-Chrift le Roi des Saints fera en lui, le penetrera & l'unira par lui à fon Pere. La Hierarchie Ecclefiaftique ceffera, & il n'y aura plus, ni Papes, ni Evêques ni Docteurs à plus forte raifon ne verra-t-on plus cette diftinction que l'ordre de fa Providence fouffre ou établit dans le fiecle. Tous les habitans de cette fainte demeure feront Prêtres & Rois, comme leur Chef eft Prêtre & Roi éternellement. Cependant ceux qui marchent felon fon Esprit, doivent avoir cette verité imprimée dans le cœur, Que la creature n'eft point digne d'un amour folide, quand Jefus-Chrift ne regne pas en elle, & que fa grace eft la premiere chose à laquelle nous devons du refpect en quelque lieu qu'elle fe rencontre. Le vrai moïen de l'acquerir & de la conferver cette grace fi precieuse, eft de porter la croix. Vous dites que vous en avez eu de petites qui ne font pas comparables aux grandesCroix, maisne fçayez-vous pas que c'eft à Jefus-Chrift à les tailler pour nous. Il prit celle que les Juifs lui donnerent. Il ne s'informa ni de fa pefan, teur, ni de fa longueur, ni de quel bois elle étoit faite, mais il la chargea promptement & gayement fur les épaules & s'y facrifia.

Voilà nôtre leçon; qu'il nous attache à de grandes, à de lourdes ou à de legeres croix, laiffons-le faire, demeurons feulement attachez avec fidelité, peut-être defcendrions nous bien vîte d'une plus pefante & plus élevée. Nous devons toujours croire que nous n'en meritons pas une moindre : Mais je dois prendre garde auffi que ma Lettre eft trop longue, Je fuis,

A Graffe le 10. Avril 1639.

LETTRE XXV.

A Monfieur de Montmaur, fur la mort de Monfieur fon pent.

MONSI

ONSIEUR,

La Gazete m'a appris la mort de Mon fieur vôtre pere, & l'amitié me commande de vous témoigner que je fens cette per o avec vous; je connois la bonté de vôtre naturel & vôtre tendreffe, mais je connois auffi la force de vôtre efprit & l'éminence de vôtre pieté; de forte que fi d'un côté je fuis obligé de mêler mes larmes aux vôtres, & d'être affligé de vôtre affliction: de l'autre vôtre conftance me doit confoler, & vôtre refignation à la volonté divine m'apprendre

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