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queftions de la Religion & de la piete Quand on eft pouffé de cet efprit dans la compofition, il me femble qu'il eft aisé de le reconnoître dans l'ouvrage même, lequel manque d'un je fçai quoi, que l'on voit, & que l'on ne peut pas bien dire. L'amour de la fouveraine beauté a un langage que les infideles ne peuvent parfer correctement. Ils en ont bien quelques mots; mais l'accent fait bien-tôt voir qu'ils font étrangers en ce païs de la fainte dilection. Ce langage ne s'apprend pas dans les Livres ni dans l'Academie; Jefus-Chrift l'enfeigne au pied de fa Croix. Nous tenons la plume, mais il faut qu'il la conduife & qu'il donne vie aux caracteres qu'elle forme premierement dans nos cœurs & aprés fur le papier. Mais il vaudroit encore mieux le fçavoir bien aimer & fe taire. Car que pouvons-nous dire de celur qui feul fçait ce qu'il eft, & combien de grands Saints ont vécu en la terre fans avoir jamais ni écrit, ni prêche, ni difpute pour celui pour lequel ils euffent volontiers fouffert la mort; & nous autres nous écri vons, nous prêchons, & nous difpurons; mais nous avons peine à fouffrir une piqueure. Pour moi j'aurois quelques fois envie de ne fçavoir pas lire, car il' me femble que je fçaurois mieux aimer & que je fetois plus humble.. La fainteté que je ré

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vére davantage eft la fainteté inconnuë auffi eft-ce la plus fainte puifqu'elle approche de plus prés de celle du Saint des Saints. Je le prie qu'il vous faffe toute fainte, toute angelique, toute brebis pour les autres toute lionne contre vous-même, & contre le peché. Ce n'eft pas affez de gronder contre lui, il faut rugir, il faut déchirer & devorer; c'eft proprement être la lionne des Cieux, & je vous réponds d'une place, non pas entre les Aftres, mais audeffus de tous les Aftres, fi vous êtes en effet ce que l'on vous à fait être par galan terie, dont j'ai crû devoir tirer de fens Chrêtien. Adieu.

A Graffe ce Fr. Juillet 1639.

LET TRE XXIX.

A Monfieur Abbé de Saint Nicolas H. Arnaud depuis Evêque d'Angers. Confolation fur la défaite de Monfieur de Fenquieres fon parent.

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Vous ne doutez pas que je ne fois tresfenfible à tous les interêts de vôtre Famille qui font ce me semble les miens. Je ne puis

toutefois m'empêcher de vous le témoigner, en particulier dans la rencontre du malheur arrivé à Monfieur de Feuquieres ; mais de la façon que la chofe s'eft paffée, il merite autant de loüange, que s'il avoit été le victorieux, & fon armée lui a manqué plûtôt qu'il n'a manqué à fon armée. Des membres fi lâches ne meritoient pas d'avoir un Chef fi généreux, & un Chef fi vaillant étoit digne d'une meilleure fortune; mais le Dieu de la guerre fe fait appeller chez les Poëtes, douteux, & la prudence non plus que le courage n'eft pas toujours l'arbitre de la victoire. Parlons plus chêtiennement, il y a un Dieu des combats qui ôte le cœur aux hommes quand il lui plaît, qui difpofe des évenemens de nos confeils, & confond toute nôtre fageffe: il met des bornes aux conquêtes auffi-bien qu'à la mer, & il dit aux conquerans comme aux vagues, vous

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viendrez jufques ici & briferez tout vôtre orgueil contre ce petit monceau de fable. Certes il y a dequoi le remercier en vôtre affliction plutôt que de fe plaindre; car on ne peut rien defirer d'un Capitaine & d'un foldat que Monfieur de Feuquieres n'ait fait, & ce qui me confole eft, que le Roi & fon Eminence ont rendu à fa vertu le témoignage qui lui étoit dû, avec des paroles & des effets dignes de leur juftice & de leur bonté. J'apprens encore que la,

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&

bleffure ne lui laiffera point de ces fâcheufes marques de valeur, dont la gloire eft fi incommode à ceux qui les portent: Je la fouhaitte entiere à mes amis & non pas eftropiée. Connoiffant vôtre fageffe vôtre pieté, je n'ajoûte point les ufages que la grace vous oblige de faire de cette affliction, car je parlerois à mon maître & il vaut mieux que je rance d'être toute ma vie.

que je finiffe par

A Graffe le 14. Fuillet 1639. ·

LETTRE XXX,

l'affu

A une Religieufe conduite qu'elle doit garder dans un Monaftere où l'Obfervance n'étoit pas tout à fait reguliere.

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Je prie nôtre Seigneur de vous fortifier de fon efprit, & de graver fon faint amour au fonds de vôtre ame. J'ay eu une extrême joye d'apprendre la réfolution que vous avez faite, non feulement de fervir Jefus-Chrift, mais d'employer toutes vos forces, afin qu'il foit fervi dans la Maison où vous êtes. Madame de la Villeauclers m'a donné ces bonnes nouvelles, & a voulu

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que je vous écriviffe pour vous fortifier en ce bon deffein, je crois que vous ne le trouverez pas mauvais & que vous ne penferez jamais que je doute de vôtre zele ou que je veuille entreprendre de vous fai te des leçons. J'ai trop de connoiffance & de vous & de moi pour avoir ces pensées. Je veux feulement vous raffraîchir la memoire des chofes que vous fçavez auffi-bien que moi, & m'inftruire en vous confolant. Les filles qui entrent dans des Monafteres, où la Regfe eft févérement gardée, où chacune par une fainte émulation s'efforce de devancer la compagne, où l'on ne sçait ce que c'eft ni des biens particuliers, ni de volonté propre, où l'on obeït au moindre figne des Supérieures; les filles, dis-je, qui entrent en de tels Monafteres font un facrifice, qui répond à ceux que faifoit nôtre Seigneur durant la vie à fon Pere éternel, de toutes fes œuvres. Mais celles qui entrent dans une Maifon, laquelle n'a pas même la forme religieufe, où l'on ne fait ce que c'est ni de modeftie dans le Chaur ni d'Oraifon dans la Cellule, ni de filence dans le Cloitre; où chacune a fon ménage & fes affaires ou les Directeurs qui devroient bannir le defordre, le fomentent; où il n'y a que moequeries pour celles qui veulent vivre felon l'efprit de leur Inftitut: celles-là, dis-je, qui entrent en de telles

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