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vacarme que caufoit cette affaire, P. RA-voulut en prendre connoiffance ; MUS. mais fes adverfaires perfuadez qu'elle y feroit examinée dans toutes les formes & felon les regles de l'équité, la tirerent de ce Tribunal par leurs intrigues, & la firent évoquer au Confeil du Roi, où ils efperoient que leur credit leur feroit d'un grand ufage.

Le Roi ordonna donc qu'Antoine Goved, qui étoit fon principal adverfaire, & Ramus, choifiroient chacun deux perfonnes habiles pour être avec celui qu'il nommeroit luimême Juges de leur difpute. En conféquence de cette ordonnance, Govea choifit Pierre Danés, & Fram çois Vicomercat, & Ramus,nomma Jean Quintin, Docteur en Droit, & Jean de Beaumont, Docteur en Medecine. Le Deputé de la partida Roi fut Jean de Salignac ↓ Docteur en Theologie. brood mugisle

Ramus, pour obéir aux ordres du Roi, comparut devant les cinq Ju ges, quoiqu'il y en eût trois qui fuffent fes ennemis declarez. On difputa pendant deux jours. Il fau

P. RA- tint que la Dialectique d'Ariftote

MUS.

étoit imparfaite,parce qu'elle ne contenoit ni définition, ni divifion. Les deux Juges qu'il avoit choifis declarerent le premier jour que la défimtion étoit neceffaire dans toute dif pute bien reglée; les trois autres declarerent au contraire que la Dia lectique peut être parfaite fans dé

finition. Le lendemain ces derniers reconnurent que la divifion y étoit neceffaire; mais voyant que Ramus en concluoit qu'il avoit raifon de condamner la Logique d'Ariftote, puifqu'elle n'en avoit point, ils renvoyerent l'affaire à un autre jour. S'appercevant enfuite qu'ils s'é toient jettez dans un embarras,dont ils ne pouvoient fortir avee honneur, ils declarerent qu'il falloit re commencer la difpute, & tenir pour non avenu tout ce qui s'étoit paffe pendant les deux jours. Ramus le plaignit hautement de ce procedé, par lequel les Juges non feulement faifoient paroître ouvertement qu'ils vouloient le condamnér, mais caffoient auffi eux-mêmes leur Jugement, il les recufa, & appella de

tour

P. RA

tout ce qu'ils pourroient faire.
Son appel fut declaré nul par Fran- MUS.
çois I. qui ordonna que les cinq Ju-
ges prononceroient en dernier ref-
fort & définitivment fur cette af-
faire. Les Juges nommez par Ra-
mus ne voulurent point affifter au
Jugement, pour n'être point té-
moins de l'injuftice qu'on alloit lui
faire. Ainfi les trois autres pronon-
cerent tout ce que la paffion & la
prévention leur fuggererent, fans
avoir attendu davantage Ramus,
qui ne voulut plus paroître devant
eux & ils prévinrent tellement
l'efprit du Roi par de faux
qu'ils obtinrent de lui la confirma-
tion de leur Jugement.

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rapports,

C'est ainsi que ce fait eft raconté par Omar Talon dans un Livre qu'il dédia au Cardinal de Lorraine. Si on s'arrête à fon recit, comme il y a tout lieu de le faire, on rejettera comme une fable ce qui eft rapporté par Pierre Galland dans la vie de Caftellan, où il dit que François I. ayant appris les invectives continuelles d'un certain Sophifte contre Ariftote, contre Ciceron & contre Tome XIII.

Z

MUS.

P. RA- Quintilien, avoit réfolu de l'envoyer aux Galeres; mais que Caftellan lui fuggera un autre genre de punition, qui fut d'engager ce Sophiste à une difpute, où il feroit voir fa folie par le filence auquel on le réduiroit; que le Roi goûta cet expédient, & que lorfqu'il eût fçû la confufion que ce perfonnage avoit reçûë, il fe contenta de cette peine. C'eft de Ramus que Galland vouloit parler, mais il eft bon de fe fouvenir que c'étoit fon grand ennemi.

Les Lettres Patentes du Roi qui confirment le Jugement rendu contre Ramus, renferment affez de particularitez fur fon affaire,pour trouver ici leur place. On y verra ce qu'on avoit fait entendre au Roi fur ce qui le regardoit, & la maniere dont on lui avoit fait croire qu'il avoit été condamné.

François par la grace de Dieu, Roi de France. A tous ceux qui ces prefentes Lettres verront, falut. Comme entre les autres grandes follicitudes, que nous avons toujours eues de bien ordonner & établir la chofe publique de no

tre Royaume, nous avons mis toute la P. RA❤ peine, que poffible nous a été, de l'ac- MÜS. croître & enrichir de toutes bonnes Lettres & Sciences, à l'honneur & gloire de Notre Seigneur, & au falut des Fideles; puis n'agueres avertis du trouble advenu à notre chere & aimée l'Univerfité de Paris, à caufe de deux Livres faits par Maître Pierre Ramus, intitulez, l'un Dialecticæ Inftitutiones, & l'autre Ariftotelicæ animadverfiones, & des procez & differends qui étoient pendans en notre Cour de Parlement audit lieu, entre elle & ledit Ramus, pour raifon defdits Livres, nous les euffions évoquez à nous pour fommairement & promptementy pourvoir, & à cette fin en euffions ordonné, que Maître Antoine de Govea, qui s'étoit prefenté à impugner & débattre lefdits Livres, & ledit Ramus, qui les foûtenoit & défendoit, liroient & nommeroient de chacun côté deux bons & notables perfonnages, connoiffans les Langues Grecque & Latine, & experimentez en Philofophie, & que nous élirions & nomerions un cinquiéme pour visiter lefdits Livres, oüir lefdits de Govea

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