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à qui les Critiques les plus féveres ont accordé la gloire d'être tout à la fois & un fçavant Naturaliste, & un Poëte plein d'harmonie & de chaleur.

Mais cet Animal anthropophage feroit il pour l'homme un bon aliment La chofe eft hors de doute, fi l'Auteur de la Lettre qui paffe fous le nom de S. Barnabé, n'est pas dans l'erreur, quand il croit que l'Hyéne quadrupede eft défignée par le Bath Hażana des Livres faints. Car c'eft-là un des animaux, dont la Loi de Dieu interdit l'ufage aux Ifraëlites. (Levit. c. XI.) Je ne déciderai rien fur ce point. Je fçais trop qu'on s'expofe à d'étranges mécomptes, quand on s'avife de fe porter pour juge dans des difputes, qui . roulent furlavaleur ou la fignification › des mots d'une langue dont on n'a pas acquis une connoiffance profonde. Je remarquerai feulement que le

*Voyez Baillet, Jugement des Sçavans, t. 4. de l'édit de M. de la Monnoïe.

Bath Haïana des Livres faints fe trouve mêlé dans la lifte des oifeaux, & non des quadrupédes dont les Juifs ne devoient pas faire d'ufage. Cette légére obfervation paroît victorieufe contre le refpectable Auteur, quel qu'il puiffe être de la Lettre que j'ai citée.

Après la chair humaine, l'Hyéne paroît finguliérement friande de celle des chiens; & pour les pren dre, elle rufe avec eux, dit Arif tote. Elle imite les foupirs & les cris d'un homme, qui rend par le vomiffement une médecine. A ces cris, à ces foupirs le chien appro

*Il dit, The Yalvar qayn. Et ce qui prouve qu'il prétend parler de l'Hyéne quadrupede, c'ests qu'il fait mention des deux fexes de cet animal. Il tire même de cette proprieté la raison de la défense faite par Moyfe au Peuple de Dieu. Cotelier, dans fes fçavantes Notes fur cette Lettre, veut juftifier le T raivar par le fentiment de Samuel Bochart. Celui-ci a foûtenu, il est vrai, que l'Ecriture Sainte a parlé de l'Hyéne quadru péde, mais fous le nom de Tleboa [ Jérem. c 12. &non fous celui du Bath Haïana du Lévitique. Voyez Hierozoison; t. 1. p. 831 & suiv.

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che; & auffi-tot l'Hyéne en fait fa

proie.

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que

On a bien encore voulu l'homme lui-même devienne quelquefois la victime de la fupercherie de cet animal. Il fe gliffe, diton, près d'un hameau; il prête P'oreille. Si les payfans s'entre-appellent par leurs noms, l'Hyéne en retient un, qu'elle eft bien attentive à ne pas oublier. Sur le tard, la voilà en embuscade; & comme elle imite parfaitement la voix humaine elle implore à grands cris le malheureux dont elle fçait le nom. Celui-ci fe croit appellé par un de fes camarades; il accourt à la voix, & l'Hyéne l'affaille & le dévore.

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Je n'aurois eu garde de citer un conte fi frivole,fije n'avois cru devoir un exemple au moins des puérilités que la plupart des Naturaliftes ont rapportées les uns d'après les autres ; & tous d'un ton à nous perfuader qu'ils croyoient dire vrai. Ariftote

* ἐπιβουλεύει δ, και θηρεύει ἀνθρώπες. Τι δεν

dit fimplement à ce fujet, que l'Hyene cherche à furprendre l'homme, & qu'elle lui tend des embûches.

*

Les hommes à leur tour usent d'artifice pour prendre l'Hyéne, & ils y réuffiffent affez fouvent. Elien & Pline d'après Ariftote, parlent d'un Chaffeur, qui en avoit pris luż feul jufqu'à onze, dont dix étoient mâles: car les femelles, foit timidité foit fineffe ' de leur propre fexe, tombent rarement dans le piége.

Voici ce que raconte de cette chaffe artificieuse Abraham Ecchelenfis ce fçavant Maronite, qui a tant contribué à l'édition de la Polyglotte de Le Jay. Pendant fon féjour à Paris, vers le milieu du dernier fiécle l'habile homme dont je parle, donna en Latin la traduction d'une Hif toire naturelle, compofée en langue Syriaque par Abderrachman.

* Σπανίον ἢ ἔςι λαβεῖν καίναν θήλειαν. ἐν ένδε και γεν κύνηγος τὶς μίαν ἔφη λαβεῖν. Hid. Anima 4.6.6.320

Sur le 24 Chapitre, où il est traité des propriétés des animaux, le Traducteur fait cette remarque:

Rien, dit-il, n'eft plus fingulier ni plus amusant que la chaffe à l'Hyéne. Il n'y faut d autres armes, que des inftrumens de musique; ni d'autres Chaffeurs, que des Muficiens. Un air, une chanfon vulgaire calment la férocité de cet animal. Au premier fon qu'il entend retentir au fond de fa taniére, il vient fe préfenter à l'ouverture. Auffi-tôt les inftrumens s'uniffent aux voix. L'Hyêne fenfible à cette mélodie s'approche des Chaffeurs, les flate, fe laiffe careffer. Cependant on lui jette adroitement un licol & une mufeliére; & la mufique ne fert plus qu'à célébrer la captivité de l'Hyéne, & le triomphe des Chaffeurs. Qu'on ne s'inquiéte point au refte, en ces occafions, du choix des Muficiens. Les Orphées de nos carrefours feroient aflez habiles pour y réuffir.

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