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nombre des Ecrivains, qui nous parlent de la pierre précieuse nommée Hyénie, parce, difent-ils,qu'on la trouve dans les yeux de l'Hyéne, ont été féduits par un texte de Pline, dont l'altération ne fçauroit paroître équivoque. Qu'on me permette cette digreffion critique; elle n'est point affurément étrangère à mon fajet.

On lit donc au Chapitre 10. du Livre 7. de ce célebre Naturaliste : Hyænia (gemmæ ) ex oculis Hyanæ, & ob id in vafe inveniri dicuntur. Ce Latin a paru inintelligible au fçavant Hardouin, & à fon ordinaire il n'a pas balancé à faire une correction, que je rapporterai bientôt, & dont on jugera. Le fieur Du Pinet, traducteur de Pline, a cru en avoir faifi la penfée. Il la rend ainsi: L'Hyénia prit ce nom des yeux de l'Hyéne, auxquels elle retire (c'est-à-dire, reffemble): auffi dit-on qu'on la trouve au vase ou à la veffie dudit animal. Déchiffrez ce galimathias.

Une pierre précieuse tire fon nom des yeux de l Hyéne; & le Traduc teur trouve la dénomination bien raisonnable, parce que cette pierre, fait-il dire à Pline, fe trouve dans la veffie de l'animal. La preuve eft fans replique. Mais ce qu'il y a de plus merveilleux, c'eft qu'à côté du mot Hyenia marqué d'un renvoi relatif à la marge, on lit ces mots : C'est l'œil de chat. Or il est à remarquer que l'œil de chat eft une pierre précieuse, qui se trouve en plufieurs endroits des Indes Orientales, & qu'on eftime finguliérement celles de l'île de Céylan. Et voilà que le fieur Du Pinet la place dans la veffie des Hyénes, & que pour cette raifon - là même il lui fait tirer fon nom des yeux de cet animal.

Obférverai-je que le Hollandois Boodt, dont l'ouvrage Latin fur les pierres précieufes fut affez eftimé dans le dernier fiécle, pour obtenir en France les honneurs de la tra

duction, a copié mot pour mot le texte de Pline; & que le Traducteur de Boodt a tranfcrit la verfion de Du Pinet? Car ce n'eft pas d'aujourd'hui que la Littérature a des plagiaires, qui fe croient en état d'écrire, parce qu'ils fçavent copier les chofes mêmes qu'ils n'entendent

pas.

Remarquons encore, qu'il eft au moins fort douteux que le mot Latin vas ait jamais été employé par les bons Ecrivains pour fignifier veffie. Ainfi Du Pinet a fait ici tout à la fois violence & à la lettre & au fens de l'Auteur.

Mais le Commentateur Latin de Pline a-t'il été plus heureux que le Traducteur François? Celui-ci défigure fon original; celui-là le corrige, & il lit: Et ideò invafa inveniri dicuntur. Cette reftitution * prétendue eft appuyée au bas de la page d'un mot de commentaire. Invafe, dit le P. Hardoüin, fcilicet senatu. *L'Editeur la juftifie par un MS.

Sans doute que fi l'on prend des Hyénes, c'est à la chaffe qu'on les prend. Mais voyez la belle conféquence que vous mettez fur le compte de Pline, cet Ecrivain fi précis, & fi judicieux, quand à l'inutilité de cette premiére obfervation vous lui faites ajoûter, que parce qu'on prend les Hyénes à la chaffe, on dit des pierres précieuses. qui font dans fes yeux, qu'on les y

y trouve.

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Pour moi, fi j'ofe dire ma pensée fur le texte de Pline, ce ne fera qu'en faifant ufage du précepte d'Horace:* Ne touchez point à des fujets que vous ne sçauriez traiter heureusement. Ainfi j'avouerois d'abord avec franchise que j'ai fait fait d'inutiles efforts pour trouver un fens raisonnable dans ces mots: Ideò in vafe, ou invase, inveniri dicuntur. Quant à la premiére partie du texte, Hyania ex oculis Hye

* Et quæ defperat tratata nitefcere poffe, relinquit. Horat.

ne; je rendrois juftice au fieur Du Pinet, & je traduirois fimplement avec lui: La pierre précieufe nommée Hyénie a pris fon nom des yeux de l'Hyéne. J'adopterois encore la note marginale, qui porte que cette Hyénie eft l'oeil de chat; & je juftifierois cette dénomination par le brillant, la transparence, la diverfité des couleurs de cette pierre précieufe, & l'éclatante variété que tous les Naturaliftes * attribuent aux yeux de l'Hyéne. Dès-lors s'évanouiroit la chimère d'une pierre précieuse formée du cryftallin même, ou cachée derriére la tunique extérieure de l'œil de l'Hyéne, & mon interprétation eft d'autant plus naturelle, que Pline, immédiatement avant, caracterife quelques autres pierres précieufes par leur couleur, & la reffemblance qu'elle leur donne avec différents corps natúrels ou artificiels. Je ne vois au

Oculis (Hyana) mille varietates, colorumque mutationes. Plin. 1. 8. c. 30. & alii passim.

refte

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