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moi, Comte, vangez vous de ma fille; oubliez-la. Mademoiselle de Rofoi, lui dis-je, peut ne jamais faire mon bonheur; mais jamais je ne cefferai de l'adorer. Madame de Rofoi rougit à ce difcours, baiffa les yeux, & ne me répondit rien. Un moment après, elle me dit d'un air affectueux; Je ne prétens pas que le caprice de ma fille, me prive du plaifir de vous voir? j'exigerai même d'elle, de ne pas vous fuir. Je ne viendrai pas demain à la Cour, ajouta-t'elle, & vous ferez le maître de venir chez moi. Ce difcours nous mena juf ques dans la Cour du Roi, où je la quittai fans lui répondre.

Je n'eus rien de fi preffé que de me retirer chez moi, pour y rêver en liberté, à ce nouvel événement; j'en étois troublé, & cependant j'efpérois en tirer avantage. Mlle de Rofoi, difois-je, n'eft donc plus entourée de ces murailles & de ces foffez inacceflibles. Je pourrai donc l'arracher à la perfécution de la jaloufe mere. Oui! cruelle, m'écriois-je; votre

fatal

fatal égarement vous ôte la raison, jufqu'au point de venir vous-mememe livrer votre fille! Votre prudence enfin vous abandonne! je faurai bien en profiter.

J'étois occupé de ces différentes idées, je cherchois déja les moï.ns de réullir dans mes projets, lorfqu'on me rendit un Billet. Quelle fut ma joie, en reconnoiflant le caractere de Mademoifelle de Roeheville. Je l'ouvris avec précipitation; mais ce qu'il contenoit me porta un coup bien fentible: en voici à peu près les termes.

Vous avez déja vû, fans doute, Madame de Rofoi à la Cour, où fa funefte paffion l'a conduite. Venez à Chelles, vous m'y verrez avec la malheureufe&tendre Alix; mais venez-y dans ce moment, avec celui qui vous rendra ce Billet.

Que devinrent toutes mes efpérances, à la lecture de ces quatre mots? Ils renverferent en un moment tous mes projets, & ne me prouverent que trop, que la prévoiance de Madame de Roloi étoit une fuite de les artifices.. Que je Tom. I.

F

fus

fus affligé, en apprenant que cette cruelle femme venoit de mettre entre fa fille & moi, une nouvelle barriere encore plus affurée que le Château de Rofoi! Je partis, dans l'inftant, avec celui qui venoit de m'apporter une fi funefte nouvelle. Il me conduifit, par des fentiers détournez, près d'une porte pratiquée à l'extrémité de l'enclos du Monaftere: il me fit arrêter dans un endroit fort couvert, & me dit d'attendre. Une demie heure après, j'apperçus Mademoiselle de Rocheville; je voulus courir à elle, mais elle me fit figne de ne pas a

vancer.

A peine m'eut-elle joint, que je lui dis; Vous allez m'apprendre que je fuis plus malheureux que jamais, & j'aurai à vous le reprocher. Ah! ma chere amie! pourquoi n'avoir pas inftruit mon pere ou moi, du départ de Madame de Rofoi? Je poffédois Alix.... Je vous l'ai déja dit, me repliqua Mademoiselle de Rocheville, que je ne me préterois jamais à cette violence, fans l'aveu de Mademoiselle de

Rofoi. Au moment que fa mere eut pris la réfolution d'aller à Paris, Alix effraïée de l'entreprise que vous feriez pour l'enlever fur notre route, me fit jurer de garder le fecret; j'ai été fidelle à ma parole. Hé! voilà de quoi je me plains, m'écriai-je! Ah! que cette fcrupuleufe fidélité nous coûtera cher! Je le crains, me repartit Mademoifelle de Rocheville; mais je craignois encore plus les malheurs que pouvoit entraîner votre entreprise; un gros cortège à combattre & à vaincre, un éclat, que Mademoifelle de Rofoi appréhendoit à l'égal de la mort: je l'avoue, j'ai tremblé, comme elle, en envifageant le fang que coûteroit cette violence, & peut-être un fang précieux. Que de raifons qui peuvent me juftifier! Mais, Comte, ne perdons pas, en regrets inutiles, des inftans qui nous font chers: écoutez-moi.

Au moment que Madame de Rofoi apprit votre départ, elle s'écria avec transport: Ah! ma chere Rocheville, le Comte de Rethel vient

de quitter cette Province, où j'étois fans efperance de le voir! La moindre démarche m'auroit trahi; fon féjour à la Cour va me donner la liberté de le voir tous les jours. Partons; mais, continua t'elle, J'ai une preuve d'amitié à vous de mander, & je penfe que votre attachement pour moi, eft tel, que je puis compter fur votre fidélité, fur votre difcrétion, & fur votre zéle. Vous fçavez que l'Abbesse de Chelles eft ma parente; vous y avez une fœur: c'eft dans ce lieu que je vais mener Alix ; mais, pour ma tranquilité, il faut que vous y reftiez avec elle. Je veux de plus, que ma parente, votre four & vous, la follicitiez fans ceffe à le confacrer dans ce Monaflere. Un mariage ne me délivreroit point de cette Rivale redoutable; un Voile qui la cache pour jamais à tout le monde, peut feul nien débarraffer: voila mon unique but. Avec un peu d'adrefle, nous la forcerons à ce que je veux. Nous profiterons du féjour de Roger à la Cour, pour perfuader à Alix qu'il eft infidele.

Alors

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