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ici de me laifler aller à de vains' fcrupules, ni à de timides fraïeurs ; je me vois peut-être à la veille de perdre Roger pour jamais. Une autre que ma fille me l'enleveroit! Non; je fçaurai bien encore parer ce coup, peut-être, par un autre plus funefte; il n'importe ! du moins Elifabeth du Mez ne fera point à Roger. Je crois avoir pénétré que le Comte des Barres eft amoureux d'elle; je vais l'inftruire de la nouvelle paffion du Comte de Rethel il fçaura difputer & défendre un bien auquel il afpire. Malgré la valeur de Roger, je feus que je l'expofe: des Barres eft un redoutable ennemi; mais le plus grand pour moi de tous les malheurs, n'eft pas celui de pleurer la mort de Roger indifférent, ce feroit celui de le voir heureux aux dépens du repos de ma vie. Madame de Rofoi, après avoir pallé tout le refte du jour avec Mademoifelle de Rocheville, après l'avoir conjurée mille fois, de faire couler dans le fein de fa fille, le poifon que je verfois dans le fien...

!

AUGUSTE. 141 revint à Paris plus agitée que jamais. Mademoiselle de Rocheville m'enyoïa chercher le lendemain dès le jour nailant: elle m'apprit tout ce que je viens de vous dire. Dans tous les difcours & les divers mouvemens de Madame de Roloi, je n'envilageois nulle cfpérance de parvenir, par aucune voie, à polféder Alix. Mon affliction étoit extrême; je ne fçavois quel parti prendre. Pour achever de m'accabler, je ne voïois point cette tendre Amante; je ne pouvois même efpérer de la voir. Je quittai Mademoiselle de Rocheville, pénétré de ma douleur, & de celle où elle me dit qu'Alix s'abandonnoit.

Le deffein que la jaloufe fureur de Madame de Rofoi avoit enfanté, ne me la rendoit pas plus odieufe; mais il me la montra encore plus redoutable pour Alix. Il juftifia, dans mon efprit allarmé, les juftes fraieurs que Mademoifelle de Rocheville nous avoit laiffé entrevoir à mon pere & à moi. Mes empreflemens pour Mademoifelle du Mez, m'avoient donné

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occafion de remarquer que le Grand Sénéchal les voïoit avec chagrin; auffi le foupçonnois-je, comme Madame de Rofoi, d'être épris des charmes de la foeur du Maréchal. Comme je n'étois point fon Rival, & que je fuis véritablement fon ami, je me reprochois de lui laiffer une inquiétude capable de le tourmenter, je ne fçais cependant fi j'aurois été affez gé néreux pour le défabufer, fije n'a vois voulu ôter à Madame de Rofoi, l'avantage qu'elle prétendoit tirer de fa perfide confidence. Je pris mon parti en revenant de Chelles à Paris; je defcendis chez le Comte de Barres.

Il étoit feul; il me reçut avec une politefle froide, dont j'aurois été étonné, fi je n'en avois pas fçû la caufe. Comte, je lis dans vos yeux, lui dis-je, que vous me croïez votre Rival: ce difcours vous apprend que j'ai pénétré votre fecret. Oui; je crois que vous aimez Mademoiselle du Mez autant que je la respecte; mais je ne lui rends d'autre hommage, que celui de l'eftime la plus pure. La

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folidité de fon efprit, les charmes de fa conversation, me la font rechercher avec plaifir, & ce n'est qu'à ces feuls titres, fans que le cœur y ait part, que je lui accorde la préférence fur toutes les au tres jeunes Beautez de la Cour. Ce plaifir mene quelquefois jufqu'à l'amour, répondit le Grand Sénéchal. Ne craignez rien, lui repartis-je je ne ferai jamais votre Rival. Mademoiselle du Mez eft trop charmante, me dit-il, pour ofer, fans temerité, affurer qu'on ne l'aimera jamais. Sans témérité, lui repliquai-je,connoiffant pourtant tout ce que vaut Mademoiselle du Mez, & pénétré d'eftime & de respect pour elle, je puis vous jurer que je n'envierai jamais que l'honneur de mériter de sa part un pareil retour. Ce ferment vous paroîtroit peut-être offenfant pour l'Objet qui a içû vous toucher, fi je n'ajoutois pas que mon cœur eft prévenu de la plus violente & de la plus délicate paffion qui fut jamais. Reprenez donc, mon cher Sénéchal, un visage ferein: je fuis votre ami; cependant, je l'avoüe,

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& avec honte, un autre interêt que celui de remettre le calme dans votre cœur, m'amène ici ; je ne vous demande point votre fecret; je vous conjure feulement de garder le mien fur la démarche que je fais aujourd'hui, & fur l'aveu que je. 'viens de vous faire, que je ne fuis point amoureux de Mademoiselle du Mez, parce que je le fuis d'un Objet qui peut feul lui difputer Pavantage qu'elle remporte fur toute autre. Si vous êtes aimé, mon cher Roger, me dit des Barres, que vous êtes heureux! Hế! pouvez-vous ne le pas être ? Ileft vrai, continua-t'il, j'adore Mademoifelle du Mez: Pinfenfible a triomphe de mon coeur, & je vois avec douleur combien ce triomphe Ini eft à charge. Alors le Grand Sénéchal me conta qu'il étoit, depuis près d'un an, épris des charmes de la foeur du Maréchal; qu'elle le rendoit aufli malheureux qu'il étoit paflionné; que les foins, foutenus d'un refpect égal à fon amour, ne trouvoient qu'une froideur qui le déletpéroit; mais que

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