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fa délicateffe ne pouvoit consentir qu'il demandât cette illuftre fille à ceux dont elle dépendoit; qu'ainfi, la Maréchale fa mere, & Alberic 1on frere, ignoroient fa pallion. Vous fçavez à préfent ma foibleffe, ajouta des Barres, & l'indifférence dont Mademoiselle du Mez la pu nit. Je l'avoue, tout ce qui ap-. proche de cette inhumaine me fait ombrage, & vous, plus que cout autre, me paroiffez redoutable. Si, fans y fonger, vous alliez lui plaire, quel feroit mon malheur ! Combien ne gémiriez-vous pas d'être l'objet qui me termeroit le chemin de fon cœur ? votre amitié pour moi, & votre éftime pour Mademoiselle du Mez, exigent que vous facrifiiez, à l'un & à Pautre, un air d'empreffement qui pourroit coûter cher à tous les deux. Du moins, répondis-je au Sénéchal laiffez-moi avoir pour Mademoiselle du Mez les atten tions & les politefles dues à fon fexe, à fa naiffance, & fur tout à fon mérite. Soïons tous deux raiionnables, ajoutai-je en souriant. Tom. I. G

Peyt

Peut on l'être, me repartit-il, quand on eft Amant, & Amant malheureux? Je fentis dans la fuite du difcours de des Barrés, un défir ardent que je lui ouvrifle mont cœur, comme il venoit de m'ouvrir le fien. Outre que fa confiance exigeoit la mienne, les circonftances préfentes demandoient que je l'inftruififfe: je connois fa difcrétion, la prudence,& fon amitié pour moi de plus, je craignois qu'il ne foupçonnât mà bonne foi, & que ce ne fût la véritable raifon qui lui faifoit craindre mes empreffemens auprès de la fœur du Maréchal. Toutes ces réflexions me déterminerent à lui parler naturellement; je lui appris donc tout ce que vous venez d'entendre. Notre confiance réciproque mit le fceau à notre amitié.

Madame de Rofoi exécuta ce qu'elle avoit projetté; mais des Barres me fervit à merveille: il lui dit, que fi je n'étois traversé dans mes defleins que par lui, je pourrois facilement arriver au comble de mes vœux; que fon amitié

pour

pour moi le lui faifoit défirer, & qu'il voudroit même pouvoir contribuer à mon bonheur. Il est aisé de comprendre quelle fut la mortification de Madame de Rofoi; je ne fçais même ce que lui auroit fuggeré sa jaloufe rage, fans ce qui

arriva.

Depuis que Madame de Rofoi étoit à Paris, j'allois rarement chez elle; je prenois même si bien mes mesures, que je ne la trouvois jamais feule. Un jour que j'avois diné avec le Maréchal, il me demanda fi je voulois aller avec lui chez Madame de Rofoi, j'y confentis. Un moment après être entrez, le Maréchal fe fouvint qu'il avoit un rendez-vous: il fortit, & me laiffa vis-à-vis de Madame de Rofoi. Nous reftâmes tous deux embarraffez, & gardâmes quelque tems le filence. le rompit pour me demander fij'avois véritablement des deffeins fur -Mademoiselle du Mez. Si mes foins & ma tendreffe, répondis-je, peuvent ne lui pas déplaire, Madame la Maréchale & Alberic feG2

Elle

ront

ront bientôt les maîtres de me rendre le plus fortuné des hommes. Me voilà par votre aveu, me dit elle, libre des engagemens que j'avois avec vous. J'ai défapprouvé l'injuftice de ma fille; mais elle eft toujours ma fille : ma tendresse pour elle, que je violentois dans le deffein de la ramener insensiblement à vous, m'ordonne à prefent de lui choifir un époux, & ce choix fera bien-tôt fait. Ce difcours, mon cher Raoul, fut pour moi un coup de foudre: il me fit oublier tous mes projets; que disje! j'oubliai que c'étoit un piége que Madame de Rofoi me tendoit; qu'Alix m'avoit promis d'oppofer à fa mere une ferme réfiftance, fi elle vouloit difpofer d'elle. Enfin, que vous dirai je? L'efprit, le jugement, la raifon, tout céda à P'effroi mortel de perdre Alix. Ah! Madame, m'écriai-je, que voulezvous faire? Voulez-vous que je meure? Quoi! vous voulez m'enlever Mademoiselle de Rofoi? Un autre la pofléderoit! Non, ajoutai-je d'un ton furieux, la mort de

mon

mon Rival ou la mienne préviendra ce malheur. Madame de Rofoi, prefque perfuadée qu'une nouvelle paffion avoit fuccedé dans mon cœur à celle qu'Alix m'avoit infpirée, furprise de mon emportement, me dit d'un air troublé ! Eft-ce là votre indifférence pour Alix? Que devient votre tendreffe pour Mademoiselle du Mez ? Sans répondre à cette queftion, je me jettai à fes pieds, & lui dis: Madame, au nom du plus tendre amour, rendez-moi heureux: vous Je pouvez. Mademoifelle de Rofoi obeira quand vous l'ordonnerez: fa vertu m'eft un garant de fon obéiffance. Faites-vous un peu de violence; rappellez votre courage; foiez mere. Souvenez vous des volontez d'un mari, qui, du Tombeau, vous reproche une foibleffe dont je fuis la victime. Alors je me tus; je regardai fixement Madame de Rofoi. Voïant l'extrême émotion où elle étoit, & qu'elle verloit quelques larmes: D'où naît, Madame, le défordre où je vous vois, lui dis-je ? Vous G3 ré

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