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& fe rallier, pour recharger de nouveau, tandis que les Archers faifoient voler une quantité prodigieufe de Traits. Enfin tous les exercices militaires, en ufage dans ces temps reculez, fe firent avec autant d'adreffe que d'expérience'; & les Seigneurs François conçurent que des Troupes fi bien exercées & d'une difcipline fi parfaite, étoient toutes difpofées à des combats plus férieux.

Le féjour du Comte de Rethel & du Sire de Couci à Dijon, avoit donné une haute idée de leur mérite; mais tout ce qui fe paffa dans le Camp y ajoûta infiniment. Les plaifirs variez, confacrez aux jours de repos, procuroient une aimable liberté; l'on partageoit ces intervalles, entre le foin de plaire au Duc, qui ne cherchoit lui-même qu'à plaire à tous ; & entre l'attention de faire la cour aux Dames, pour leur paroître digne, au moins de leurs fuffrages. Le Comte de Rethel & le Sire de Couci s'attiroient l'attention générale. Cette prééminence étoit le fruit de leurs

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converfations, tantôt avec le Duc, tantôt avec les perfonnes les plus graves de fa Cour. On ne fçavoit en faveur de qui des deux, l'on devoit décider: la solidité de leur efprit, l'étendue de leurs lumieres, l'ufage moderé qu'ils en faifoient, lés rendoient égaux en mérite. Ils ne confervoient pas cette même égalité chez les Dames. Raoul de Couci y étoit toûjours vif, léger, & galant; Roger de Rethel étoit plus férieux & plus retenu. La joie animoit tous les difcours de l'un; un air réservé, qui tenoit : plus de la trifteffe que de la timidité, rendoit ce que l'autre difoit, moins brillant. Les Dames jouilfoient de tout l'efprit de Raoul, & fe plaignoient de ne pas jouir de tout celui de Roger: dans le peu › qu'il difoit, elles fentoient combien il en avoit, & elles étoient curieufes de pénétrer ce qui pouvoit l'empêcher d'en faire le même ufage que Raoul. Malgré cette difference, elles difputoient avec chaleur qui des deux étoit fuperieur à l'autre, mais fans jamais pou

pouvoir terminer le differend. L'a mour propre, peut être affez bien fondé, perfuade au beau fexe qu'il lui appartient de juger du mérite des hommes, & de prévoir même les fuccès que leur promettent les grandes qualitez qu'elles apperçoivent en eux. Cependant, malgré le privilege que les Dames s'arro gent en ce genre, elles n'ofoient prononcer entre Roger & R1oul: elles convenoient de bonne foi, que la fimple fympathie pouvoit dé terminer pour l'un ou pour l'autre ; car fi Roger avoit l'avantage d'être mieux fait que Raoul, fi fa phifionomie avoit quelque chofe de plus tendre, Raoul avoit l'efprit plus brillant, & l'imagination plus vive, fource de fon goût pour la Poëlie. L'efprit de galanterie, & l'amour délicat, le forcerent à faire des Vers, & il fe trouva grand & excellent Poëte, fans avoir jamaisfongé à le devenir. Il céda, avec. d'autant moins de peine, à ce penchant, que dans ces tems reculez, les perfonnes de la plus haute qualité fe faifoient une mérite de bien

faire des Vers, & pouvoient fans
rougir, fe donner pour Auteurs en
ce genre.
Ce talent le rendoit a-
gréable au Roi, à la Reine Ade-
Taïde de Champagne, mere de Phi-
lippe, & à la jeune Reine Elifa-
beth de Hainault. Roger & Raoul
s'aimoient dès leur enfance; la plus
tendre amitié leur avoit prefque
fait oublier qu'ils étoient unis par
le fang. Eh! Comment ne fe fe-
roient-ils pas aimez Que de rap-
ports entre eux! Mêmes inclina-
tions, même ardeur de fçavoir &
de s'inftruire, même droiture dans
le cœur, même zele pour la gloi-
re, même caractere de douceur;
docceur qui ne leur ôtoit rien de
cette noble fierté, dont l'heureux
mélange fait paroître certains hom-
mes au-deffus des autres. Parvenus
à la fleur de leur âge, leur taille
majestueuse, leur beauté mâle,
leur front ouvert & prévenant,
infpiroient en leur faveur les fenti-
mens d'une affection refpectueuse,
dont les Grands font fi jaloux, fans
fonger à la mériter.

La nature ébauche les grands
Hom

Hommes par les dons précieux dont elles les décore; mais ils ont befoin d'une éducation, qui les perfectionne, & d'exemples propres à leur donner de l'émulation: les exemples domeftiques font toûjours les plus puiffans. Raoul & Roger eurent tous ces avantages. Une fimple idée d'Enguerrand de Couci, pere de Raoul; de Henri de Rethel, oncle de Roger, fuffira pour convaincre de cette verité.

Enguerrand de Couci, furnommé le Grand, avoit été Favori de Louis le Jeune : il en étoit digne par l'étendue de fon génie, par fa prudence, par fa profonde politique, par une fermeté d'ame heroïque, enfin par fa probité. Ennemi de la flaterie, il ofoit montrer à fon Roi, la verité; quelque défagréable qu'elle fût, il la prélentoit toute nuë, quand fa vûë devoit produire un effet ou utile où glorieux, comme il fçavoit la cacher, lorfque fon afpect ne pouvoit caufer que des defirs impuiffans, ou des regrets fuperflus. Ses vaftes connoiflances lui faifoient

pre

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