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gloire Serai-je enfin affez infortuné pour ne plus trouver en vous Madame de Rofoi? Qu'estelle donc devenuë, cette femme fi refpectable & fi jaloufe de fes devoirs? Parlez, Madame; prononcez fi je dois vivre ou mourir. Je ne sçaurois me plaindre, répondit-elle, des moïens que vous avez emploïez pour voir ma fille, & je fens que je dois lui pardonner fa foibleffe. Tout ce que je craignois vient de m'arriver,s'écriat'elle. Vous voilà inftruit que je m'oppofois feule à votre bonheur, que ma fille vous aime, que je vous trompois vous voilà enfin muni contre moi, des feules armes que je redoutois. Elle garde un moment le filence, les yeux baiffez & remplis de pleurs; puis, regardant fixement, elle me dit: Comte, foiez affez généreux pour m'épargner les reproches que ma fille vous a mis en droit de me faire; je ne pourrois les foutenir, vous m'en avez déja trop accablée: j'efpere qu'ils feront leur effet. Oüi; je fens qu'ils rappellent dans mon

me

ame

ame les fentimens de la nature, & ceux de ma gloire à qui vous demandez compte, avec raifon, de mon injuftice: ce ne fera pas vainement; mais j'ai pris des engagemens qu'il me faut rompre, & ce n'eft pas l'ouvrage d'un jour, le tems feul peut furmonter les obftacles qui s'opposent à votre bonheur. Ne me répondez rien, poursuivit-elle, voiant que je voulois lui parler; Tetirez-vous efperez, fiez-vous

au défir extrême que j'ai de réparer tous mes torts. Oui; je les réparerai, dit-elle d'un ton animé! je ne vous dis rien de plus, attendez de mes nouvelles dans peu vous aurez des preuves de ce que je veux faire en votre faveur. Après ces mots, elle me quitta, & paffa dans fon Cabinet.

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Je me retirai chez moi plus agité que jamais je n'ofois me flatter que les fentimens généreux, & les remords dont Madame de Rofoi venoit de fe parer, fuflent finceres. Je tremblois que fous l'efpérance d'un retour fur elle-même, elle neme cachât quelque nouveau trait,

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trait, que fes détours & fes foins ne me permettoient ni de prévoir ni de parer. Mais que devins-je le lendemain ! J'avois envoïé Clouville à Chelles; il revint, & m'apprit que Mademoiselle de Rofoi & Mademoiselle de Roche ville n'étoient plus dans l'Abbaïe; que Madame de Rofoi étoit venue les chercher la veille, & même affez avant dans la nuit. Je fuis perdu, m'écriai-je je n'ai plus d'espérance! C'en eft fait: Madame de Rofoi vient de me porter le coup mortel. Alix n'eft plus à Chelles jufte Ciel Où l'a-t'elle menée? Où la trouverai-je? Comment découvrir le lieu qui me le dérobe? Ah! ma chere Rocheville nous abandonnerez-vous ? Quoi? Madame de Rofoi triomphera! La perfide ne m'a montré une ame fenfible à la pitié, & capable d'un effort de vertu, que pour exécuter plus fûrement un projet effroïable. J'étois agité de tous ces mouvemens, lorfqu'un Page de Madame de Rofoi vint me prier de sa part, de venir chez

elle

elle: & j'y volai, dans la réfolution de l'accabler des reproches les plus Outrageans.

J'entre avec un air farouche; mais quelle fut ma furprife, lorfque je vis Alix & Mademoiselle de Rocheville à côté de Madame de Rofci! Comte, me dit-elle en me montrant fa fille, voïez le premier pas que je fais en votre faveur ; je ne le fais pas pour reculer. A peine m'eûtes-vous quittée hier, que j'allai chercher ma fille. Je ne lui ai point fait de crime de l'aveu qu'elle vous a fait; votre tendresse & la Genne font fon excule, & me font connoître que je ne dois plus m'oppofer à votre comman bonheur. Je me rends; mais de fortes raifons me font exiger de vous un facrifice. J'avoue que j'avois des deffeins peu conformes aux vôtres: & dont je vois, peut-être avec douleur, la réuflite impoflible. J'y renonce; le refpect que je dois avoir pour moi-même, l'exige: mais, je vous l'ai déja dit, il me faut du tems pour rompre les les engagemens que j'ai pris. J'ai H 3 befoin

befoin de votre abfence pour y travailler avec fuccès: votre préfence déconcerteroit mes mesures.

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Eloignez-vous; votre interêt Celui d'Alix, le mien, votre bonheur enfin, le demandent. Je vois, Comte, ajouta-t'elle combien vous murmurez intérieurement de ce que j'exige de vous: vous vous défiez peut-être de ma fincérité; raflurez-vous, vous avez intéreflé ma gloire; vous m'avez fait rougir; j'en fuis encore dans la confufion: c'en eft trop pour une femme telle que moi, d'avoir rougi une fois en la vie. Ne craignez rien; partez, fans inquiétude, pour le Camp de Bourgogne: mais j'exige de vous de ne pas revenir que jene vous l'aie permis; peutêtre avant fix mois vous rappellerai-je, & je ne vous rappellerai que pour allurer à jamais votre bonheur. Ma fille reftera auprès de moi, je vais la préfenter à leurs Majeftez vous pouvez, fans en. être allarmé, la fçavoir à la Cour; fa tendreffe, & la réfiftance que je lui permets de m'oppofer, fi j'avois

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