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j'avois des deffeins contraires à vos interêts, doivent vous raffurer.

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Si je ne pouvois fonger lans trembler, que le Camp de Bourgogne me retiendroit peut-être deux mois abfent de la Cour, jugez, mon cher Raoul, combien je fus effraié du long terme que Madame de Rofoi mettoit à mon éloignement. Je lui dis: Quoi! Madame vous m'ordonnez de m'absenter pour un tems fi confidérable Ah! par pitié....., Je crois que ma mere, dit Mademoifelle de Rofoi en m'interrompant, ne défapprouvera pas que je rompe le filence: elle me permettra de vous conjurer de n'écouter que le refpect & la foumiflion que vous devez avoir pour fes volontez. Ah! Comte, pouvons-nous trop païer le pardon de ma faute Si vous fçaviez avec quelle douceur ma mere m'a remontré que j'avois oublié mon devoir en yous avouant ma tendrefle, avec quelle bonté elle m'a reçûe dansfes bras, vous feriez convaincu que le feul défir

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défir de nous voir heureux & fa prudence, lui font vous preferire une abfence fi longue. Oui, continua-t'elle en fejettant aux genoux de Madame de Rofoi, & en lui baifant les mains ; oüi, j'ai retrouvé ma mere ! ce qui devoit l'irriter contre moi, me l'a renduë toute entiere; elle m'a pardonné ma conftance à vous aimer. Que disjer je vous aime aujourd'hui de fon confentement; elle me permet de vous jurer, à fes pieds, de n'être jamais qu'à vous. & je vous le jure. Oui, cher Comte, jamais je n'accepterai que vous pour époux. Méritez cette promefle dont ma mere me permet de la prendre & pour témoin, & pour garant. Méritez fes bontez, obeïffez, partez; que votre foumillion l'aflure de votre confiance, comme la mienne fera le prix de fa tendre amitié pour moi. Oüi, ma chere mere, s'écria t'elle, en l'embraffant avec faillie; je vous jure de la mériter toute ma vie. Madame de Rofoi, les yeux mouil. lez de pleurs, ferra fa fille dans

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fes bras, & lui dit: Vous méritezi trop d'être heureuse, pour que je. ne facrifie pas tout à votre bonheur. Je fuis au comble de mes voeux, s'écria Mademoiselle de Rofoi! ma mere reçoit mes embraffemens avec tendreffe : elle m'aime toujours. Ah! cher Comte, me dit-elle avec une douceur charmante, obéiffez, éloignez-vous, & attendez les or dres de ma mere pour venir recevoir ma main. J'étois fi attendri des transports & des larmes de la mere & de la fille, & les inftances d'Alix pour m'engager à obéir, me troublerent à un tel point, que je fortis fans avoir la force de parler. Mon trouble, ma surprife, les doutes où me je voïois, mon amour, tout étoit confondu..

En fortant de chez Madame de Rotoi, j'allai chez le Roi paur prendre congé de lui, & recevoir fes derniers ordres. Il voulut bien me permettre de l'inftruire de tout ce qui s'étoit paffé depuis l'instant que je lui avois parlé. Ce Prince, après m'avoir écouté avec bonté, me dit

Il faut vous conformer à ce que Madame de Rofoi exige de vous: vous devez vous livrer à tous fes Caprices; quelques déraifonuiables qu'ils foient, fongez qu'elle eft maftreffe abfolue de vous donner ou de vous refufer fa fille; ainfi vous devez lui accorder tout, pour n'avoir rien à vous reprocher. Ce que je puis pour vous, Rethel, c'est d'être attentif fur ceux qui pourroient concevoir des defleins fur Mademoiselle de Rofui, & de les arrêter; mais, fi quelque chofe fe tramoit à mon infçû, c'est à elle à m'eninftruire, & affez-tôt, pour que je puiffe, fans violence & fans éclat, rompre les mesures de Ma dame de Rotot. Partez: Joiez trans quile: reftez abfent tout le tems qu'elle exigera. Demeurezau Camp du Duc de Bourgogne, jufqu'à la fin; alors vous chargerez Raoul dé Couci du Journal que vous aurez fair

Je ne pus me résoudre à partir fans revoir Mademoiselle de Ro, cheville: je la vis; je lui fis part de mes doutes fur le procédé de

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Madame de Rofoi; je lui laiffai voir mes foupçons, mes craintes & mes inquiétudes. Pour me railurer elle me dit, que depuis trois jours elle étoit témoin des cruels combats qui s'étoient paffez entre la foibleff & la raifon de Madame de Rofoi; combats où fa raifon avoit toujours été victorienfe, Mais, Mademoiselle, repliquai-je, fi cette femme habile vous trompoit, fi eile me trompoit, fi elle le trompoit elle-même, que deviendroit l'infortunée Alix? Mademoiselle de Rocheville m'affura encore que Madame de Rofoi agilfoit de bonne foi. Elle eft couverte de honte, me dit-elle, & pénétrée d'un repentir fincere; elle rougit avec elle-même d'un égarement, qui ne pouvoic jimais que la rendre aufli méprifas ble que malheureuse,

Après une converfation de plus de trois heures, je dis à Mademoi felle de Rocheville: Hé bien ! je vais partir; mais fouvenez-vous de votre amitié pour moi, & de vos engagemens. Vous m'inftruirez tous les jours de la conduite de Madame

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