Imágenes de páginas
PDF
EPUB

que fon interêt particulier ne lui. avoit pas permis de nommer l'objet de fon attachement, elle crut, que le Sénéchal lui avoit tendu un piége pour la pénétrer. Ce qui arriva peu de tems après, défabula, & fit connoître au Grand Sénéchalla maniere dont Mademoiselle du Mez pentoit pour le Comte de Rethel.

[ocr errors]

La paffion du Comte des Barres étoit trop violente, pour que ni les peines dont elle étoit fuivie,ni les obftacles, puffent en triompher:il étoit toujours le même pour Mademoiselle du Mez. Mêmes foins, mêmes empreffemens, mêmes refpects lui apprenoient qu'elle poffédoit toujours un cœur, dont elle auroit bien voulu n'avoir jamais fait la conquête. Cet Amant ne lui avoit d'abord été qu'indifférent; mais il lui étoit devenu un objet incommode,depuis qu'il avoit ofé lui laiffer voir les foupçons; il lui falloit même toute l'eftime qu'elle ne pouvoit lui refufer, pour ne pas lui faire d'impolitefles. Elle Î'évitoit par tout: elle n'alloit pref

que

que plus chez les Reines, & les momens où il pouvoit ou la voir chez elle, ou la fuivre à la Cour, le rendoient le témoin d'une langueur & d'un abbatement qui la faifoient méconnoître.

Deux ans s'étoient écoulez depuis le Camp du Duc de Bourgog ne, lorfque le Sire de Couci arriva de fon voïage de la Terre Sainte. Le Comte de Rethel étoit alors à la Cour à peine fçut-il fon cher Raoul de retour qu'il courut: chez Enguerrand. Quel plaifir pour ces deux amis de fe revoir! Ils s'aimoient trop folidement pour fe dire qu'ils s'aimoient toujours;. mais ils eurent même empreffement à fe demander ce qui leur étoit arrivé depuis l'inftant de leur féparation à la Cour de Bourgogne. Raoul, après avoir inftruit fuccin&tement Roger, des détails de fon voïage, lui demanda fi Mademoi felle de Rofoi étoit enfin la Comteffe de Rethel. Je fuis encore Amant, mon cher Roul, lui répondit Roger, & l'Amant le plus paffionné qui fut jamais. Que de 1 1.5

tra

traverses! Que de malheurs j'ai éprouvé, depuis que nous nous. fommes quittez! Hé bien! mon cher Roger, repartit Raoul, apprenez-moi donc ce que j'ai une impatience extrême de fçavoir ?· Nous nous féparâmes à Dijon, réprit Roger, vous, pour revenir. à la Cour, moi, pour aller à Rethel, où les tendres embraffemens. de mon pere adoucirent, pour quelques jours, la douleur que je reffentois d'être éloigné de Mademoiselle de Rofoi. Cette adorable fille faifoit le fujet de tous. nos entretiens: mon pere admiroit : fa fageffe fa prudence dans un âge fi peu avancé, sa soumission & fon refpect pour les ordres d'une mere, quelques injuftes qu'ils fuffent. Sa tendreffe pour moi & fon. caractere le charmoient, & lui infpiroient pour elle un fi forte amimitié, qu'il défiroit, prefque autant que moi, de nous voir unis.. Toutes les lettres de Mlle de Rocheville, où la divine Alix mettoit toujours quelques lignes de fa main, lui faifoient efperer qu'il auroit ce

plaifir

plaifir. Je ne passois jamais quinze jours fans écrire à mon amie, une lettre qui pouvoit être lûë de Madame de Rofoi. Dans les réponfes de Rocheville, Madame de Rofoi me faifoit toujours affurer. que l'inftant où je la verrois, feroit. fuivi de celui qui devoit me rendre.. heureux. Mademoiselle de Rocheville le croïoit. Soïez tranquile, me mandoit-elle; la raifon gagne tous les jours quelque chofe fur la foibleffe de Madame de Rofoi. Elle vient de me prier de ne plus lui faire voir vos lettres, de ne plus même lui dire quand vous m'écri-rez. Elle a banni votre nom de fa bouche & m'a interdit la liberté de lui parler de vous. Elle ne fuit plus le monde qui la cher-che avec empreffement, & au milieu même de la Cour, elle évite avec foin tout ce qui pourroit vous allarmer. Ce détail fatisfaifoit mon pere, & flattoit mes espérances.

Vous m'aimez, mon fils, me dit-il, quelques jours après avoir reçû ces nouvelles; je le crois; je. crois auffi que vous vous plaifez

[blocks in formation]

avec moi cependant il faut me quitter; il faut vous diftraire; il faut vous amufer: je crains pour vous la folitude; ni moi, ni le féjour de Rethel, ne pourrions vous fournir des plaifirs affez variez, pour diffiper le chagrin où je vois que l'abfence d'Alix vous plonge fans relâche. Allez mons fils, allez à la Cour de Henri, Comte de Champagne (a); . vous y ferez reçû en homme de la Maifon, & je me flatte que vous vous y diftinguerez. Henri vient d'arriver de la Terre Sainte; il est un de ces hommes que la Nature a créez pour modeles, à qui elle a donné les grandes qualitez qui font un digne Souverain, & toutes les vertus qui forment l'honnête homme. Allez, mon fils, allez admirer Henri; l'admiration ne fe fait point fentir, qu'elle ne caufe de l'émulation. Si les hommes→→ vicieux avoient fouvent occafion d'admirer, peut-être deviendroient-ils vertueux, les exemples leur manquent, Mal

(4) Surdommé le Large, à caule de fa magnificence

« AnteriorContinuar »