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là moindre tentative la révolteroit.

Cette converfation fut longue, bien foutenuë parimón pere, & le jetta dans l'incertitude de ce qu'il devoit faire. Il fe détermina cepen-dant à parler au Vicomte de Me

lun.

Ce que j'aurai à vous dire, dans un moment, me force de m'arrêter pour vous faire fouvenir, moncher Raoul, du tems où Madame de Rofoi parut à la Cour. Vous fça-· vez que fa beauté lui attira tous les regards & les applaudiffemens qui pouvoient le plus la flatter. Le Seigneur de Guebriant étoit alors à Paris, pour ménager les interêts du Duc de Bretagne aupres de Philippe. Il fut un de ceux que les charmes de Madame de Rofoi fubjuguerent d'abord il en devint éper-. duëment amoureux. Je vis naître cette paffion avec d'autant plus de plaifir, que je me flattai que Madame de Rofoi trouveroit Guebriant digne de me fuccéder dans fon cœur. Guebriant la fuivoit partout; il faififloit, avec empreffement & avec

délicatefle, toutes les occafions de lui prouver fon amour. Son fort fut d'abord d'être affez mal reçû j'en fus prefque aufli touché que

lui:

fa tendreffe le rendit en vain. obstiné. Madame de Rofoi, fans: cependant le rebuter avec éclat, l'éloignoit de chez elle, & l'évitoit partout: mais quelque tems après mon départ pour le Camp de Bourgogne, Madame de Rofoi, qui méditoit la plus noire des trahitons, prévit qu'elle auroit Befoin de Guebriant. Dans cette vûë elle s'adoucit en fa faveur ;. elle parut recevoir tout ce qu'il faifoit pour lui plaire, avec affez dé complaisance pour faire naître & nourrir dans fon cœur quelque elpérance.

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Robert de Dammartin fut le premier à ceder aux charmes de Ma demoiselle de Rofoi, lorfqu'elleparut à la Cour. Il y avoit de l'alliance entre lui & Guebriant: il fe forma entre eux une étroite amitié. Les foins & les empreflemens du Comte de Dammartin furent bientôt apperçus de tout le monde, &

ap

approuvez de Renaud fon frere (a); Le politique Renaud, fe fouvenant du difcours du Roi quand Madame de Rofoi lui avoit présenté fa fille, ne voulut pas la demander pour fon frere, fans en avoir parlé à Sa Majefté. Le Roi, rempli de, bontez pour moi, & toujours at tentif à mes interêts, dit à Renaud de Dammartin qu'il avoit des raifons pour s'opposer à cette alliance, & le chargea de prier fon frere de ne point y fonger. Cette priere, ou plûtôt cette défense, ne diminua rien de la paffion de Robert,peut être même l'irita t'elle encore; mais elle renverfa tes espérances, & le força de cacher fes fentimens. En arrivant à Rethel, j'avois appris de Made moilelle de Rocheville, ce détail, 'fi fatisfaisant pour moi.

Madame de Rofoi étoit trop pénétrante, pour ne pas percer la vérité, elle penfa que j'avois prévenu le

(a) C'est le même à qui Philippe procura PHéritiere & le Comté de Boulogne, & qui, ingrat, & rebelle à fon Roi, fut pris les armes à la main, à la fameule Bataille de Bou vines en 1214.

le Roi: cependant elle ne parut pas le foupçonner; au contraire, elle dit que fi Renaud de Dammartin lui eût fait l'honneur de lui parler, elle lui auroit épargné la peine de s'ouvrir au Roi, en lui apprenant qu'elle avoit des engagemens pour la fille.

L'arrivée du Vicomte de Melun fit renaître les efpérances du Comte de Dammartin: il lui parla; mais il trouva le Vicomte déja prévenu par le Roi; je yeux dire, que ce Prince s'étoit aflez expliqué au Vicomte, pour qu'il rejettât toutes les propofitions qu'on pourroit lui faire pour fa Niéce, à mon préjudice. Ce fage Prince lui avoit appris les engagemens de fa foeur avec mon pere; il avoit fait plus; fa bonté étoit allée jufqu'à dire au Vicomte, que c'étoit à lui à vaincre la répugnance que Madame de Rofoi montroit pour un mariage fi convenable. Le Roi n'en dit pas davantage au Vicomte; il voulut épargner à ce frere plein d'honneur, la honte dont il fe feroit crû couvert, s'il avoit appris l'égarement & les artifices de la fœcur. Mon

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Mon pere fut chez le Vicomte de Melun dès le lendemain qu'il eut parlé à Madame de Rofoi; il fut furpris & charmé de le trouver déja inftruit. J'ai parlé à ma four, lui dit le Vicomte; elle eft convenue des engagemens de fon mari avec vous; elle m'a de plus affuré qu'elle étoit dans le deifein de les tenir. Je l'avoue cependant, j'ai apperçû chez elle, ainfi que le Roi m'en avoit prévenu, de la répugnance à voir ma Niéce Comteffe de Rethel, du moins fi promptement. Elle m'a dit que des raifons, dont elle ne pouvoit m'inftruire, l'obligeoient à différér encore quelque tems; puis elle a ajouté que, comme mere, elle étoit la maîtreffe abfolue de donner ou de refufer fa fille. A ce difcours, j'ai répondu en frere qui veut qu'une four fe refpecte, refpecte la voJonté d'un mari, & les engagemens qu'il avoit pris avec un homme tel que vous. Mon pere fentit la néceffité de ne rien laiffer ignorer au Vicomte: il parla; mais le Vicomte, prévenu d'eftime pour

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