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teau, après avoir vû périr la moitié de fes gens.

Le Comte de Flandres, voïant le Château de Boves prêt à fe rendre, implora la clémence du Roi. Sa Majesté contente du repentir d'un Prince vain & humilié, lui accorda la paix, & reprit le chemin de Paris. Peu de tems après fon retour, il eut la douleur de perdre le Maréchal du Mez,grand homme, digne de toute la confiance du Roi, qui le regardoit comme un pere. Le bon cœur de Philippe, & une fage défiance de luimême, lui firent fentir vivement cette perte; mais il trouva bientôt en lui feul, par fa prudence & fa fageffe, par fa politique & fon application aux affaires, les reffources propres à réparer la perte d'un grand Miniftre. Pour con foler Alberic de la mort d'un pere, dont la gloire rejailliffoit fur le fils, Philippe lui témoigna une amitié fi diftinguée, qu'elle le fit bien-tôt regarder comme un Favo❤ ri; & malgré fa jeuneffe, il hérita de la confiance d'un Maître, qui

ne

ne l'accorde qu'à ce qu'il croit, & à ce qui eft infiniment eftimable.

Le Comte des Barres, que la France regarde, avec raifon, comme un Héros naiffant, qui lui promet un jour un grand homme, fe lia d'une tendre amitié avec Alberic, & devint après lui l'homme de la Cour, qui paroiffoit le plus agréable au Roi. Vous fçavez que par leur caractere, & par leurs grandes qualitez, ils fe confervent, & juftifient l'eftime dont Philippe les honore. C'eft à cette estime qu'Alberic doit, depuis la mort de fon Oncle, la nouvelle dignité de Maréchal de France; & des Barres, celle de Grand Sénéchal.

La jufte ambition du Roi, pour réprimer l'orgueil & la tirannie des Souverains qui relevent de la Cou ronne, s'eft déja fait fentir au Duc de Bourgogne; & ce Camp magnifique, n'eft qu'un effet de la prévoïance de ce Duc, qui veut faire connoître à Philippe quelles font fes forces, parce qu'il craint les fiennes.

Roger finit fon récit en cet en

droit. Raoul lui voïant garder le filence, lui dit: A préfent que vous avez fatisfait ma curiofité, par un détail d'autant plus intereffant pour moi, que vous en êtiez l'objet, & que je voulois favoir, de votre bouche même, les circonftances de la mort de Henri; apprenez-moi ce qui vous regarde.

Un jour que je me promenois avec mon pere, reprit Roger, il me dit en m'embraffant: Mon fils, ne me refusez pas ce que je vais vous demander. Oubliez que je fuis votre pere, je crains ce titre auprès de vous; il pourroit me coûter trop cher, en fupprimant, de votre part, une confiance que j'exige comme votre plus tendre ami. N'aïez rien de caché pour moi; vous trouverez, dans l'amitié que j'ai pour vous, cette doaceur qui en fait le charme. Jefuis affez heureux pour croire votre cœur exempt de vices; mais vous êtes dans l'âge où il eft difficile qu'il le foit de toute foibleffe: je ne les appréhende point; vous avez de la raison, ainfi ne craignez

pas

pas de me les avoüer. Aïons l'un pour l'autre, une entiere ouverture de cœur ; je vous communiquerai tous mes deffeins, j'entrerai dans toutes les raifons que vous y oppoferez, & ne les combattrai point en pere qui veut être obéï. Je ne veux, mon fils, vous contraindre fur rien; je ne fuis occupé que de votre bonheur: fi votre cœur eft prévenu en faveur de quelque perfonne de la Cour, faites-m'en, fans feinte, la confidence. Je ne dois pas me faire un mérite auprès de vous, répondisje, de la docilité que vous me trouverez à faire tout ce que vous pour rez défirer. L'ardeur de plaire au Roi, l'ambition de mériter fon eftime, & le défir d'acquérir de la gloire, en profitant des leçons & des exemples de mon Oncle, ont jufqu'à ce moment rempli mon cœur; l'amour ne s'en eft point encore rendu le maître; j'ignore l'effet de ces impreffions vives, qui, en troublant la raifon, s'effacent fi difficilement. Il peut m'avoir tavorifé de quelques-uns de fes plai

firs; mais il a bien voulu m'épargner la peine de porter des chaînes trop pefantes: heureux! s'il me traite toujours de même. Je fuis charmé, me répliqua mon pere, de vous trouver libre de tout engagement: depuis long-tems je ménage pour vous un grand mariage dans cette Province. Il ajouta, qu'étant unique héritier de fes biens & de fon nom, je ne pouvois trop tôt lui donner la douce fatisfaction de fe voir renaître dans mes enfans. J'entrai dans toutes fes raifons, & je l'affurai qu'il étoit le maître de ma destinée.

A quelques jours de-là, mon pere me dit qu'il convenoit que je vifitaffe les perfonnes diftinguées de la Province. Vous n'aurez pas de peine, poursuivit-il, à deviner, dans toutes ces Familles, la Beauté que je vous deftine: votre cœur vous en avertira, & votre surprise m'inftruira de vos fentimens. Quoique la propofition de mon pere ne fût pas fort de mon goût, je parus y déférer fans répugnance. Nous voilà en chemin: je vous Tom. I.

C

épar

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