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vous qu'elle ne vous a pas ordonné d'oublier Alix. Quelle injufte crainte me faites-vous appercevoir, Mademoiselle, repartis-je douloureufement! Vous oublier! Non; vous n'êtes pas affez cruelle pour ajouter ce malheur à celui qui m'accable: raffurez-vous, ou plûtôt raffurez-moi, contre ce petit mouvement de crainte, qui offenle ma tendreffe... & qui vous prouve, répliqua Alix, combien elle m'eft chere. Mon pere vint nous arracher à un entretien trifte, & pourtant plein de charmes. J'eus la douce confolation, en quittant Alix, de m'appercevoir que ma douleur & notre féparation, lui faifoient prefque oublier que fon pere avoit ceflé de vivre. Je voulus paffer chez Madame de Roloi ; mais mon pere me dit, que pour n'avoir pas à combattre un Amant qu'elle affligeoit à regret, & dont la douleur lui en cauferoit une fenfible, elle me prioit de partir fans la voir. Alix, en nous difant le dernier adieu, me prouva bien fa tendreffe, par celle qu'elle témoi

gna

gna à mon pere dans fes embrafle

:mens.

Madame de Rofoi n'avoit pas voulu feulement me permettre d'envoïer fçavoir de fes nouvelles, ni de celles d'Alix, pendant les trois mois dont elle différoit mon bonheur. Ce dernier article me parut trop dur; je voulois du moins être inftruit, qu'Alix fe fouvenoit toujours de moi: je pris donc, de fon confentement, des mefures avec une Demoiselle dont je vais vous parler. Mademoiselle de Rofoi n'avoit pû refufer à ma doulenr, cet adouciffement aux ordres, trop féveres, d'une mere abfoluë.

Mademoiselle de Rocheville, eft. le nom de cette eftimable amie de Madame & de Mademoiselle de Rofoi. Elle eft fille de qualité, & cadette d'une bonne Maifon, dénuée des biens de la Fortune. Une tante l'avoit élevée à Paris, avec foin: cette tante devenue veuve, s'étoit retirée à Reims, où elle vivoit avec fa niéce. Madame de Rofoi venant, après fon mariage, dans les Terres de fon mari, paffa

par

par cette Ville. L'Archevêque, frere de la Reine Mere, exigea du Seigneur de Rofoi, d'y faire quelque féjour. Ce Prélat, charmé de Madame de Rofoi, lui rendit les honneurs qu'elle méritoit: il lui donna des fêtes dignes de l'un & de l'autre. Ce fut dans ces fêtes, que Madame de Rofoi vit Mademoifelle de Rocheville; elle fut furprise de trouver dans Reims, une fille avec des manieres fi polies, & une éducation fi diftinguée: son efprit, la raison & fes talens, la charmerent. Mademoiselle de Rocheville étoit grande Muficienne. ; elle avoit la voix belle, & joüoit bien de plufieurs inftrumens. Comme Madame de Rofoi ajoutoit ces memes talens aux graces de fa perfonne, elle fut charmée de trouver dans une jeune fille de qualité (car Mademoiselle de Rocheville n'avoit encore que vingt ans) une Compagne aimable, en état de lui adoucir le féjour de la Province. Prévenue, en peu de jours, d'une tendre amitié pour cette charmante fille, elle fit agréer au Seigneur

de

de Rofoi le deffein qu'elle avoit formé, d'emmener avec elle la tante & la niéce. Depuis ce jour, Mademoiselle de Rocheville n'a plus quitté Madame de Rofoi; elle a même facrifié des établiffemens affez avantageux, à l'amitié qu'elle a prife pour une femme, dont l'efti me pour elle eft parfaite, & la confiance fans réserve.

Lorfque je vis Mademoiselle de Rocheville, fa phifionomie, fa politeffe & fon efprit, me prévinrent en fa faveur. Le bien que le Seigueur de Rofói m'avoit dit de fon caractere, & furtout fon tendre attachement pour Alix, me la firent regarder d'abord comme mon amie; je lui demandai même, & d'une maniere qui lui plut, de m'accorder ce titre. Elle m'a bien prouvé depuis, qu'elle ne me l'avoit pas refufé.

Les trois mois prefcrits, écou lez tristement, nous partîmes pour aller à Rófoi. J'avois, pendant ce tems, langui à Rethel: ma triftefle y auroit été extrême, fi Mademoiselle de Rocheville, fidelle Tome I. D

à fes engagemens, ne m'eût fouvent inftruit que Mademoitelle de Rofoi, toujours occupée du défir de faire mon bonheur, s'en entretenoit fans ceffe. A peine fumesnous arrivez à Rofoi, qu'aux mouvemens impétueux de ma joie, fuccéda la plus vive inquiétude. Je trouvai Mademoiselle de Rosoi trifte & rêveufe, n'ofant me regarder, évitant, même avec foin, les occafions où je pouvois lui demander la caufe de ce changement: jufqu'à Mademoiseile de Rocheville, tout me fuïoit, & fembloit craindre ma vûë. Il n'y avoit que Madame de Rofoi, dont toute la froideur avoit fait place à des manieres fi prévenantes, que je crus pouvoir me plaindre à elle, de l'indifférence de fa fille. Mon inquiétude ne me permettoit pas de me taire ; je voïois un orage s'élever, & je ne pouvois deviner par quelle caufe il écoit excité. Mon innocence vouloit en vain me raffurer, je craignois comme fi j'avois été coupable: enfin, j'ofai demander à Madame de Rofoi, le

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