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la malheureuse Alix, je voulois partir dès cette nuit; mais, mon fils, demeurons, il faut que vous voïez Alix, elle vous aimé; Mademoiselle de Rocheville est pour vous, espérons encore.

Mon pere, qui fait toujours se pofléder, prit un air ferein. Nous soupâmes avec Madame de Rofoi, & Mademoiselle de Rocheville; mais Alix ne parut point, & ne fortit plus de fon appartement, fa mere nous dit qu'elle vouloit refter, pour n'être pas exposée à me voir. En seretirant, mon pere dit bas à Mademoiselle de Rocheville, qu'il souhaitoit lui parler; elle vint nous trouver. Après avoir tous trois cherché les moïens qui pourroient ramener Madame de Rofoi, après de longs & vains raisonnemens, nous reitâmes perfuadez qu'elle ne consentiroit jamais à mon bonheur.

Il faut, pour mieux cacher notre intelligence, me dit MadeMoiselle de Rocheville, que vous paroiffiez toujours agité de la même

inquiétude, & désesperé du chan

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gement prenant

gement de Mademoiselle de Rofoi. Que ce foit seulement Monfieur votre pere qui en demande raifon à Madame de Rosoi; il doit toujours la preffer de tenir une parole,, dont le prétendu caprice de fa fille ne peut la dégager. Mon pereméditoit un deffein hardi; mais il ne voulut pas le communiquer à notre amie: il se contenta de la conjurer de lui faire voir Alix. Elle résista long-tems; elle trembloit que Madame de Rosoine découvrît qu'elle étoit du parti de l'innocence: сеpendant elle se rendit.

Le lendemain au foir, mon pere fut introduit dans l'appartement de Mademoiselle de Rosoi: la douleur où il la trouva; sa tendresse pour moi, qu'elle ne lui cacha pas; fes larmes, son désespoir, tout lui persuada qu'en prenant bien son tems, il pourroit la réfoudre à confentir à ce qu'il souhaitoit d'elle. Il commença par obtenir qu'elle me verroit; mais ce ne fut qu'aux conditions qu'il feroit présent à notre entretien. Quel adoucissement ne sentis je pas à mes maux, en ap

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prenant que je verrois Alix lelendemain! Si je paffai ces vingtquatre heures avec l'impatience d'un homme amoureux, je les paffai avec l'inquiétude d'un Amant, qui craint de ne jamais posséder l'Objet qu'il adore.

Je vis Mademoiselle de Rosoi; je me jettai d'abord à ses pieds: la douleur nous fit à tous deux, garder un moment le filence: nos yeux, nos pleurs, & nos foupirs furent les premiers interprétes de nos cœurs. Alix rompit ce filence fi éloquent. Qu'il me faut de vertu, me dit-elle, pour soutenir vos malheurs & les miens! C'en est donc fait, Comte! Je ne ferai jamais à vous: ma mere l'a juré. Oüi, Mademoiselle, repartis-je, elle a juré ma mort, & je vois que vous y confentez. J'y consens, repritelle! Que vous êtes cruel! Que puis-je opposer à la volonté d'une mere? Celle d'un pere, repliquaije; sa parole que le mien a reçûë, la permiflion qu'il vous avoit donnée, de me choisir ou de me retufer pour époux; votre choix fait & & autorisé même par cette mere, qui n'a plus le droit de le trouver mauvais: enfin votre cœur, qui vous feroit oser davantage, s'il étoit plus touché. S'il étoit plus touché, s'écria Alix! S'il l'étoit moins, je serois moins à plaindre. Elle ne put, dans ce moment, retenir ses larmes. Quoi! divine Alix, lui dis-je, je vous coûte des pleurs quand je vous adore! Ou cessez de m'aimer, ou aimez-moi affez pour ofer vous arracher des bras d'une mere, qui n'a plus pour vous que de la haine. Ni sa haine, me répondit Mademoiselle de Rofoi, ni ses persécutions, ni ma tendresse ni la vôtre, ne me feront jamais fortir du respect & de l'obéïssance que je lui dois: mais, Comte, espérons tout dutems. Ma mere m'a trop aimée, elle a toujours eu trop de raison & de vertu, pour ne pas sentir son injuftice, & pour ne pas revenir de fon égarement. Vous l'espérez en vain, dit alors mon pere; il est plus aisé de conserver toute la vertu, que de revenir à elle, dès qu'on a fait

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un pas qui nous en a éloignez. Hé! qu'a fait encore ma mere, qui puiffe avoir blesté sa vertu, reprit Mademoiselle de Rofoi? Ne suis-je pas fon bien? N'est-elle pas la maîtresse de mon fort? Ne peut-elle pas me donner ou me refuser à fon gré? Non, Mademoiselle, répondit mon pere. Monfieur de Rofoi a disposé de vous en faveur de mon fils: vous l'aimez, il vous adore; & cependant vous voulez oublier les ordres respectables d'un père juste & fage, pour ne vous fouvenir que de ceux d'une mere injuste & barbare? Mon pere ne vit plus, répondit Mademoiselle de Rosoi; sa mort laisse ma mere maitresle de ma destinée; je dois lui obéir, quelque effort qu'il m'en coûte pour lui sacrifier mon bonheur. Vous renoncez donc pour jamais à mon fils, Mademoiselle, repartit froidement mon pere? Voilà donc la derniere fois qu'il vous verra? Hé bien! mon fils, me ditil, faites vos adieux à Mademoiselle; sa fermeté vous doit être une

legon pour supporter courageufe

ment

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