Imágenes de páginas
PDF
EPUB

s'apperçoit à regret qu'elle perd de tous côtez; elle ne peut enfin disconvenir, que la nature n'ait été 'au moins auffi libérale en faveur du Comte de Rethel, qu'en faveur du Sire de Couci. C'eft un crime pour Roger que d'être fi par

fait, & Mademoiselle de Couci croit n'être pas loin de le haïr en voïant fon frere humilié par cette comparaison.

Tandis que le Comte de Rethel ne peut démêler les mouvemens que lui caufe la belle Adelaïde, & qu'Adelaïde eft de fon côté, par rapport au Comte de Rethel, dans la fituation où l'on vient de la voir, le Sire de Couci n'est pas tranquile. Madame de Fajel, fans le vouloir, & même fans y fonger, a fait une impreffion vive fur fon cœur. Quels regrets pour Raoul de Coucil Quelle fatalité pour lui! Gabrielle de Vergi eût pû le rendre heureux; elle eft Madame de Fajel, elle ne peut que le rendre miférable.

Mademoiselle de Couci & Ma

dame

dame de Fajel s'attiroient à la Cour tous les regards. La premiere fois que ces deux Beau-, tez le virent elles fe regarde

rent avec une extrême attention: elles furent frappées d'étonnement. Quoiqu'elles euffent été élevées avec une grande modeftie, fur les avantages dont la Nature les avoit favorisées, elles n'avoient pû s'empêcher de fe dire à elles-mêmes qu'elles étoient belles: en fe voïant elles comparerent leurs charmes qu'elles lentoient bien en fecret devoir partager les fuffrages. Ce fut dans ce moment même que l'amour propre fe développa chez ces deux incomparables perfonnes tandis que la vérité plûtôt la bienséance & peutêtre un interêt de vanité, les forcerent à fe païer le tribut réciproque des éloges qu'elles méritoient.

ou

Si Madame de Fajel a banni, la paix du cœur de Raoul de Couci, elle trouble celui de Mademoiselle du Mez: fa beauté la fait trembler que le Comte de Rethel

E 3

Rethel né céde à tant de charmes. Ceux de Mademoiselle de Couci lui caufent encore plus d'inquiétude: fa tendrefle la rendoit trop attentive à tout ce que difoit & faifoit le Comte de Rethel, pour ne s'être pas apperçuë qu'il n'étoit prévenu pour elle que d'une fimple eftime. Elle voïoit avec une douleur fenfible, qu'il ne la cherchoit jamais: elle trembloit d'être bientôt témoin de fon empresfement pour une autre, qui ne le mériteroit pas comme elle. C'en eft donc fait, difoit-elle, Roger ne m'aimera jamais! Ce n'eft point à moi que fon cœur eft deftiné! it va me faire éprouver encore tous les maux que m'a caufé fa paffion pour la Comteffe de Dammartin. Puis-je en douter! Une fans peut-être le vouloir, va en être aimée, pendant que moi qui l'adore, je n'ai pû vaincre fon indifférence.

autre,

montre de l'estime

,

Le cruel me

de l'amitié

quelque plaifir à m'entretenir, & ne peut aller jusqu'à prendre de la tendrefle: il m'a même trop fait

fentir qu'il n'en prendra jamais quand il me félicitoit de cette heureafe paix, qu'il a fi bien chaffée de mon cœur. Les allarmes continuelles de Mademoitelle du Mez, lui faifoient obferver jufqu'aux moindres démarches du Comte de Rethel: elle examinoit fans cesfe fa contenance, fes difcours & fes regards tout l'inquiétoit. L'amitié qu'elle avoit pour Mademoiselle de Couci, ne pou voit même l'empêcher de murmurer en fecret, quand on mettoit fa beauté au-deffus de toutes les autres.

La préférence que l'on donnoit à Mademoiselle de Couci caufoit des mouvemenes bien différens au Comte de Rethel: il la voïoit triompher avec un plaifir extrême. C'eft la Comteffe de Dammartin qui triomphe dans Adelaïde: c'eft, l'Objet qu'il a toujours adoré; c'eft l'Objet qu'il adore encore, auquel on défere tout d'une voix, le prix de la beauté. Il cherche à s'inftruire du caractere d'Adelaide: chacun lui dit qu'Adelaïde, filleE 4

d'En

d'Enguerrand & fœur de Raoul foutient dignement ces deux titres refpectables. Sa reflemblance avec Alix eft donc parfaite, fe ditil à lui-même. Adelaïde, quelle gloire pour vous! Quelle fatisfaction pour moi, de pouvoir reconnoître dans votre caractere, la Comteffe de Dammartin, comme je la reconnois dans toute votre perfonne! Vous me devenez chere' à mesure que je la retrouve en vous. Votre vûë me rappelle de tristes fouvenirs, & ces fouvenirs mêmes vous ouvrent toutes les entrées de mon cœur. Vous êtes ma divine Alix! Que ne puis-je vous voir à tous les inftans! Oui! ma tendreffe pour la Comteffe de Dammartin, & la douleur d'avoir perdu un bien fi précieux, me feront toujours vous chercher avec empreffement. Oui! je chercherai fans ceffe les occafions de vous voir & de vous admirer! Ce plaifir fera pour moi d'autant plus fenfible, qu'il nourrira mes regrets.

Plein de ces idées, le Comte de
Rethel

« AnteriorContinuar »