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la défobé ïffance d'une fille unique, qu'il ne pouvoit ne pas aimer avec de fi grandes qualitez l'autre d'avoir à combattre fans cesse contre un pere refpectable & refpecté.

Pendant qu'Adelaïde faifoit tous les plaifirs & toutes les peines de Roger; qu'il comptoit les jours où il ne recevoit point de Lettres de Mademoifelle de Rocheville; Raoul de fon côté n'étoit occupé qu'à chercher le moment favorable pour entretenir Madame de Fajel il le trouva enfia; elle étoit feule dans fon appartement. L'amitié dont vous honorez ma foeur, lui dit-il en l'abordant, fera t'elle affez forte pour vous engager à m'écouter? C'eft en fon nom, Madame, & en celui de Roger, que j'ai à vous entretenir. Vous ne fçauriez me faire plus de plaifir, lui répondit-elle, que de m'apprendre des nouvelles de Mademoiselle de Couci: j'en fuis dans une véritable inquiétude. Que je la plains! Sans votre fecours, repliqua Raoul, elle feroit bien plus

à

Madame

à plaindre, & Roger feroit prefque aufli malheureux que moi: mais leur reconnoiffance prouve bien la grandeur du service. Roger avant de partir pour Rethel, où la prudence & l'Amour même l'exilent, n'a pû vous remercier de vos bontez: me pardonnerez-vous, Madame, d'en avoir pris la commiflion Raoul, voïant Madame de Fajel étonnée, & incertaine de ce qu'elle devoit répondre, ajouta: Ne craignez rien, Madame, je ne cherche point à vous furprendre; mon respect pour vous en eft le garant. Ma foeur, pourfuivit-il, m'a avoué la tendreffe pour Roger: fon repos m'eft trop cher, auffibien que celui du plus tendre ami que j'aïe, pour n'être pas dans leurs intérêts. Eh! pourrois je n'être pasvivement touché de leur fituation, dit-il d'un ton pénétré ? Je vous eflime trop, repartit Madame de Fajel, avec un trouble qu'elle avoit peine à cacher, pour me défier de votre fincerité. Le plaifir que j'ai eu, ajouta-t'elle, en contribuant à fouftraire Made

moiselle

moiselle de Couci au péril qui la menaçoit, ne me recompenfe que trop d'un fervice duquel je voudrois qu'elle, & le Comte de Rethel dûffent unjour une partie de leur bonheur. Roger mérite fans doute les bontez d'Adelaïde, votre amitié, & l'eftime que perfonne ne lui refufe: mais que je crains pour eux la colere d'Enguerrand, après ce que Mademoifelle de Couci a ofé faire ! Le prétexte qu'elle allégue, comme l'unique motif de fa retraite Alberic! le Roi ! tout me fait trembler pour elle & pour le Comte de Rethel. Qu'ils auront à fouffrir avant d'être unis! Qui fçait même s'ils pourront jamais l'être! Que ma foeur eft heureufe, repartit Raoul ! fa fituation vous attendrit. Hélas! toute votre pitié, Madame, s'épuife-t'elle en faveur de la four? Madame de Fajel rougit à ce difcours, & Raoul oubliant ce qu'il croïoit avoir à craindre d'une vertu qui le faifoit trembler, ajouta: Vos yeux, Madame, condamnent en vain mon audace; elle n'eft pas plus crimi

nelle

nelle que mon filence; puifque mon filence même vous apprend tous les jours, que je vous adore. Pour qu'il me l'eût appris, repliqua Madame de Fajel, il faudroit que je l'euffe remarqué; mais vous feignez de vous en flatter, pour autorifer une hardiefle qui vous fait oublier ce que vous me devez, & qui m'offense au point de vous défendre de me parler jamais je fçaurai bien vous en ôter les occafions. Que vous êtes cruelle, Madame, s'écria Raoul ! Pourquoi voulez-vous me punir avec tant de rigueur, d'une faute qui n'eft pas volontaire? Hélas! ma paffion m'a emporté malgré moi. Ah! Madame, faites quelque grace à un coupable qui vous refpecte autant qu'il vous aime! Croïez-en mon repentir, Oui! je vous jure par ma tendreffe même, de garder toujours un filence que je m'étois bien promis de ne jamais rompre. Je voudrois pour m'épargner le foin de vous fuir, repartit Madame de Fajel, que vous ne m'euffiez jamais inftruite de votre éga

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rement;

rement; mais je dois vous en punir ! mon devoir me l'ordonne, je n'écouterai que lui. Madame de Fajel, pleine de trouble, quitta Raoul, fans lui donner le tems de répondre.

Qu'ai-je fait, fe dit Raoul à luimême ! ma foeur & Roger me fourniffoient un pretexte de parler fouvent à Madame de Fajel, & ma témérité vient de lui faire prescrire par fon devoir, de ne jamais m'écouter. Que dis-je ! elle va peutêtre forcer Fajel à quitter la Cour! Malheureux, qu'ai-je fait ! Mais, s'il eft poffible, réparons ma faute Prouvons-lui par mon filence; par mes regards pleins de repentir, & par mon relpect, que la douleur de m'être échappé eft affez forte. pour tenir toujours ma paflion renfermée. La fienne, peut-être, me fera trouver grace dans fon cœur; il eft fenfible pour moi ! Pourrat'elle toujours n'obéir qu'à fon devoir? Non! l'Amour pourra bien quelquefois triompher! Il fera peutEtre des inftans où elle ne fera pas la maîtreffe de me fuir, & j'aurai,

du

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