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puis-je ofer me profterner à fes pieds pour implorer Ja protection? Eb ! contre qui? comment le prononcer! Contre un pere. Mais que dis-je ? je n'ai plus de pere. Je l'ai vainement cherché dans Enguerrand: je n'ai trouvé en lui qu'un Juge inexorable. Il vient de m'inftruire des terribles réfolutions qu'il a prifes contre moi: il me les a communiquées luimême, non pour me permettre d'y oppofer mes raisons, mais pour que j'euffe à m'y foumettre aveuglément. Malgré les bontez dont vous l'honorez, votre juftice m'infpire la confiance d'implorer la protection de Votre Majefté, pour la fupplier de donner des bornes à une autorité, dont je fuis à la veille de me voir la déplorable Victime. Votre Majefté, en fe laiffant attendrir par les larmes dont j'arrofe ce que j'écris fauvera des regrets à un pere qui fe repentiroit, mais trop tard, de m'avoir tirannifée dans l'action la plus effentielle de ma vie, & dont les Juites me rendroient malheureuse le refte de mes jours. Le véritable refpect eft timide; je n'ofe écrire à votre N 48

Ma

Majefté les mouvemens dont je fuis agitée quoique j'en fente toute la pureté & toute l'innocence. Quelle fituation! La grace que je demande à mon Roi, c'eft de pouvoir refter dans ce Monaftere, fans y changer d'état: j'attens ce bonheur de fa ju fice & de fa bonté.

ADELAIDE DE COUCJA

Le Roi, après avoir lû la Lettre de Mademoifelle de Couci, dit à Madame de Fajel: Je plains Enguerrand, je plains Alberic, Adelaïde les outrage également. Ses procédez paroillent fans excule; je veux bien cependant lui donner occafion de les juftifier, fi elle peut: j'irai à Chelles. Madame de Fajel quitra le Roi peu fatisfaite de ce qu'elle venoit d'entendre: il fentoit combien il étoit difficile à Mademoifelle de Couci, de juftifier fa fuite & fa défobéiffance.

· Raoul attendoit Madame de Fajel avec une impatience, que l'amitié & l'amour lui faifoient pretque également fentir. Il fut fenfiblement

blement touché de la réponse du Roi. Je plains Adelaïde, dit-il, moins parce qu'elle eft ma fœur, que parce que je ne connois que trop les chagrins & les peines attachées à une paffion malheureuse! Qu'il eft dangeureux, repliqua Ma dame de Fajel, de laifler furprendre fon cœur Eh quoi ! Madame, lui dit Raoul voïant qu'elle vouloit le quitter, craignez-vous de me donner occafion de penfer que vous pouvez être touchée des peines des malheureux ? hélas! il en eft qui méritent d'autant plus votre pitié, qu'ils n'ofent fe plaindre: du moins ne leur refusez pas ce fentiment généreux; il n'a rien de criminel, & il peut adoucir une cruelle fituation. Madame de Fajel révoltée contre elle-même, de fa complaifance à écouter le Sire de Couci, & fentant que dans ce moment elle ne pouvoit dominer fa foibleffe, le quitta, en lui difant avec un trouble charmant pour lui: Chargez-vous de faire fçavoir à Mademoiselle de Couci, la réponse du Roi. Raoul refta tranfN5 porté

porté de joie, de n'avoir pas trouvé dans Madame de Fajel, cette févérité qui la lui rendoit redoutable; il ofa même concevoir l'efpérance de lui arracher son fecret.

A peine Madame de Fajel futelle fortie du Cabinet de Philippe, que ce Prince envoïa chercher Alberic: il lui montra la Lettre de Mademoiselle de Couci, fans lui dire qui la lui avoit renduë. Madame de Fajel avoit prié le Roi de lui garder le fecret, dans la crainte de s'attirer le reffentiment d'Enguerrand, & le blâme d'un mari, qui pourroit défapprouver fa complaisance.

Le Maréchal, toujours paffionnément épris de Mademoifelle de Couci, ne put, en lifant fa Lettre, renfermer fa douleur. Il l'exprimoit, tantôt avec vivacité, & tantôt par de tendres plaintes, dans des inftans, il défiroit qu'Enguerrand le vangeât; il en goûtoit d'avance le plaifir; & prefque dans le même moment, effraïé des violentes menaces d'Enguerrand, il prioit le Roi d'en fufpendre les terribles et

fets.

fets. La présence de Philippe-ne pouvoit le contenir. Ce Prince toujours maître de lui-même, examinoit avec étonnement dans Alberic, jufqu'à quel point une paffion pouvoit déranger la raison. Son amitié pour ce Favori, le lui faifoit trouver à plaindre; & fes réflexions lui taifoient penfer que l'homme,loin d'être préfomptueux, devroit plûtôt fe fentir humilié, d'avoir fi peu de pouvoir fur luimême. Philippe en faifant cette réflexion, fçavoit qu'il étoit homme comme les autres.

Les irréfolutions du Maréchal, ses vivacitez & fes craintes, en prou⚫ vant l'excès de la paffion, firent prendre au Roi le parti de mettre tout en ufage, pour déterminer Adelaïde à faire fon bonheur. L'inquié tude où étoit cette charmante fille, augmenta encore, lorsqu'elle apprit de lon frere, ce que le Roi avoit répondu à Madame de Fajel. En écrivant à ce Prince, elle avoit défiré qu'il vînt à Chelles; mais en apprenant qu'il y viendroit, elle fut troublée: elle craignit de trouver en lui un fecond Enguerrand. Ah!

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